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28/09/2023 | FRANCE | N°22PA04920

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 septembre 2023, 22PA04920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, et a assorti cette décision d'une interdiction de retour d'une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2216013 du 26 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 juin 2022, en tant que, par cet arrêté, le préfet de police a refus

é de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, et a assorti cette décision d'une interdiction de retour d'une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2216013 du 26 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 28 juin 2022, en tant que, par cet arrêté, le préfet de police a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour d'une durée de trente-six mois. Il a rejeté le surplus des demandes de M. B....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2022 et un mémoire non communiqué enregistré le 31 mai 2023, M. B..., assisté de Me Taleb, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2216013 du 26 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions du 28 juin 2022, par lesquelles le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté du 28 juin 2022 est insuffisamment motivé ;

- la décision est entachée d'erreur de droit par défaut d'examen de la situation personnelle du demandeur ;

- le préfet devait l'admettre au séjour, compte tenu de l'ancienneté de sa présence en France et de son insertion professionnelle.

Par un mémoire, enregistré le 24 janvier 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

II. Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 25 novembre et 23 décembre 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2216013 du 26 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de M. B....

Il soutient que :

- le comportement de M. B... constitue une menace pour l'ordre public ;

- les décisions de refus de séjour, d'éloignement, de refus de délai et d'interdiction de retour ne méconnaissent pas son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Simon ;

- et les observations de Me Taleb représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien né en avril 1986 et entré en France le 27 novembre 2007 selon ses déclarations, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 28 juin 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. M. B... demande à la Cour l'annulation du jugement du 26 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté préfectoral uniquement en tant qu'il portait refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour de trente-six mois, et a rejeté le surplus de la demande. Il demande l'annulation des dispositions de l'arrêté portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et choix du pays de destination. Pour sa part, le préfet de police demande l'annulation du même jugement, en tant qu'il a prononcé l'annulation des décisions de refus de départ volontaire et interdiction de retour.

2. Les requêtes n° 22PA04920 et n° 22PA05004 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision.

3. Le jugement attaqué mentionne, dans son point 3, les raisons pour lesquelles le tribunal juge que l'arrêté préfectoral répond à l'obligation de motivation. Il est ainsi lui-même suffisamment motivé.

4. Pour les raisons mentionnées au point 3 du jugement attaqué, dont il convient d'adopter les motifs sur ce point, l'arrêté du 28 juin 2022, qui mentionne les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas examiné l'ensemble de la situation de M. B... avant de prendre l'arrêté attaqué. La circonstance que l'arrêté ne mentionne que les faits lui paraissant pertinents ne permet pas d'inférer que l'autorité administrative n'en a pas tenu compte dans l'appréciation de la situation du demandeur.

6. La décision de refus de séjour est motivée, d'une part, par l'absence de circonstances exceptionnelles ou de motif humanitaire permettant de régulariser sa situation d'autre part, par la menace à l'ordre public que constitue sa présence en France.

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

8. M. B... soutient résider habituellement en France depuis 2007 et avoir eu une résidence régulière de septembre 2012 à juin 2015. S'il se prévaut de la présence de ses deux frères, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant en France, et que ses sœurs et ses parents résident en Egypte. La seule durée de séjour ne saurait constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour. Le requérant a travaillé sous contrat à durée déterminée de trois mois en décembre 2012, puis sous un autre contrat à durée indéterminé, avant de travailler sous contrat à durée indéterminée en qualité de peintre durant quinze mois, puis chez un autre employeur comme vendeur, d'abord sous contrat à durée déterminée durant trois mois, puis sous contrat à durée indéterminée chez le même employeur depuis novembre 2018. Par ailleurs, il ressort, en outre, de l'extrait du bulletin n° 2 de son casier judiciaire que M. B... s'est rendu coupable de faits de blanchiment, de concours à une opération de placement, de dissimulation ou conversion du produit d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans, commis entre le 1er mars et le 30 novembre 2013 pour lesquels il a été condamné le 7 février 2018, par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris, à une peine d'emprisonnement avec sursis d'un an et de six mois et a été interdit, par un jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 novembre 2016, d'exercer une profession commerciale ou industrielle ou de diriger, administrer ou contrôler une entreprise pour une durée de cinq ans. Compte tenu des faits reprochés à M. B... et de l'absence de qualification de l'emploi de vendeur, c'est sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de police a estimé que le requérant ne justifiait pas de circonstances humanitaires ni de motifs exceptionnels d'admission au séjour. Le préfet de police était ainsi fondé à rejeter sa demande de titre de séjour.

9. Le présent arrêt rejetant les conclusions de M. B... dirigées contre le refus de séjour, il ne démontre nullement que l'obligation de quitter le territoire serait illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision préfectorale rejetant sa demande de titre de séjour et celle lui faisant obligation de quitter le territoire. Ses conclusions à fin de délivrance d'un titre et celles présentées au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

Sur l'appel du préfet de police :

11. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ".

12. Les faits commis par M. B..., mentionnés au point 8 du présent arrêt, sont constitutifs d'une menace pour l'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 612-2. Même si, comme l'ont relevé les premiers juges, M. B... peut se prévaloir d'une longue durée de séjour en France, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de police a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. B... et qu'il lui a fait interdiction de retour d'une durée de trente-six mois. C'est ainsi à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé ces deux décisions pour ce motif.

13. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande de M. B..., dirigées contre le refus de départ volontaire et l'interdiction de retour.

14. Par un arrêté n° 2022-00263 du 18 mars 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le même jour, le préfet de police a donné délégation à Mme A..., attachée d'administration de l'Etat, placée sous l'autorité de la cheffe du 9ème bureau, pour signer tous arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions, en cas d'absence ou d'empêchement d'autres délégataires, sans qu'il ressorte des pièces du dossier que ces derniers n'aient pas été absents ou empêchés lorsqu'elle a signé l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit être écarté.

15. En mentionnant que l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire en cas de menace pour l'ordre public et en ayant cité plus haut les motifs pour lesquels il estime que le comportement de l'intéressé est constitutif d'une telle menace, le préfet de police a suffisamment motivé sa décision de refus de départ volontaire ;

16. M. B... se prévaut d'une longue durée de présence en France. Compte tenu de la gravité de l'atteinte qu'il a portée à l'ordre public, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 611-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

18. Comme il a été dit, le comportement de M. B... constitue une menace pour l'ordre public. Il a par ailleurs refusé d'exécuter de précédentes mesures d'éloignement. Compte tenu toutefois du début d'insertion professionnelle dont il a fait preuve et de la durée de sa présence en France, au cours de laquelle il a tissé des liens avec la France, la décision fixant un délai d'interdiction de retour de trente-six mois est disproportionnée et doit être annulée en conséquence.

19. Il ressort de ce qui précède que le préfet de police est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé le refus de délai de départ volontaire.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 26 octobre 2022 est annulé, en tant que le tribunal a annulé le refus de délai de départ volontaire accordé à M. B....

Article 2 : La requête de M. B... et le surplus des conclusions du préfet de police sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

J.-E. SOYEZLa greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04920, 22PA05004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04920
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : TALEB

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-28;22pa04920 ?
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