La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/09/2023 | FRANCE | N°23PA02794

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 19 septembre 2023, 23PA02794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance n°448636, 448637, 448638 et 448909 du 16 février 2021, le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué au Tribunal administratif de Paris le jugement des requêtes de la société Appolonia tendant :

- sous le n°2104412, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a agréé la marque " DRGT " du constructeur DRGT Europe et le boîtier électronique " DR A... ", produit et distribué sous la marque DRGT, d'aut

re part, à l'annulation du courrier du ministre du 24 décembre 2018 concernant la conn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance n°448636, 448637, 448638 et 448909 du 16 février 2021, le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué au Tribunal administratif de Paris le jugement des requêtes de la société Appolonia tendant :

- sous le n°2104412, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a agréé la marque " DRGT " du constructeur DRGT Europe et le boîtier électronique " DR A... ", produit et distribué sous la marque DRGT, d'autre part, à l'annulation du courrier du ministre du 24 décembre 2018 concernant la connexion du " bill acceptor " et de l'imprimante (TiTo) au système DR A...,

- et, sous le n° 2104415, à l'annulation de l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a agréé la société DRGT France en qualité, d'une part, de société de fourniture et de maintenance des appareils de jeux définis à l'article 68-1 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos, d'autre part, de société chargée de la gestion technique des dispositifs définis au 3°) de l'article 68-2 de cet arrêté.

Par un jugement n° 2104412-2104415/3-3 du 25 avril 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la société Appolonia.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2023, la société Appolonia, représentée par Me Dom, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 25 avril 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, d'une part, les deux arrêtés du ministre de l'intérieur du 28 août 2018 et la décision du ministre de l'intérieur du 24 décembre 2018, mentionnés ci-dessus ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a irrégulièrement rejeté ses conclusions dirigées contre les agréments du 28 août 2018 comme irrecevables, alors qu'elle justifiait bien d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les décisions attaquées, qui, favorables à la société DRGT dont elle est concurrente, l'affectent économiquement, et qui ont été prises dans des conditions discriminatoires contrairement à l'article 10 de la directive 2006/123 CE du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, aux articles 49 et 56 du Traité de fonctionnement de l'Union Européenne et aux principes de liberté d'établissement et de service ;

- le jugement attaqué a irrégulièrement rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 24 décembre 2018 qui revêtait bien un caractère décisoire ;

- l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a agréé la marque DRGT du constructeur DRGT Europe et le boîtier électronique " DR A... " est entaché d'un vice de procédure au regard des articles 68-3 et 68-4 de l'arrêté du 14 mai 2007 ;

- il est entaché d'erreurs de droit au regard des articles 68-1 et 68-2 de cet arrêté, le système DR A... ne constituant pas une " machine à sous " ;

- il aurait dû être précédé de l'intervention d'un expert agréé ;

- le système DR A... rend les machines à sous sur lesquelles il est installé, illégales au regard du droit français ;

- la décision du 24 décembre 2018 méconnaît l'arrêté du 14 mai 2007 ;

- l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le ministre de l'intérieur a agréé la société DRGT France en qualité de société de fourniture et de maintenance des appareils de jeux et de société chargée de la gestion technique, méconnaît les articles 68-4 et 68-5 de l'arrêté du 14 mai 2007.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2023, les sociétés DRGT France et DRGT Europe concluent au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre les articles 1er de chacun des deux arrêtés du ministre de l'intérieur du 28 août 2018, au rejet du surplus des conclusions de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Appolonia au bénéfice de chacune d'elles, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les articles 1er des deux arrêtés du ministre de l'intérieur du 28 août 2018 ont été annulés par deux jugements du Tribunal administratif de Paris du 25 avril 2023, devenus définitifs ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2023, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 septembre 2023 à minuit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/123 CE du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dom, représentant la société Appolonia, et de Me Bouguettaya, représentant les sociétés DRGT France et DRGT Europe.

Considérant ce qui suit :

1. Par un premier arrêté du 28 août 2018, le ministre de l'intérieur a accordé à la marque " DRGT " du constructeur DRGT Europe, et au boîtier électronique " DR A... ", produit et distribué sous la marque DRGT, l'agrément prévu au 1°) de l'article 68-2 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos. Par un second arrêté du même jour, le ministre de l'intérieur a agréé la société DRGT France en qualité, d'une part, de société de fourniture et de maintenance des appareils de jeux définis à l'article 68-1 de cet arrêté, d'autre part, de société chargée de la gestion technique des dispositifs définis au 3°) de l'article 68-2 de cet arrêté. Par un courrier du 24 décembre 2018, le ministre a constaté que rien ne s'opposait à la connexion du " bill acceptor " et de l'imprimante (TiTo) au système DR A..., plutôt que directement aux appareils de type " machine à sous ". La société Appolonia fait appel du jugement du 25 avril 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions, comme irrecevables.

2. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 321-5 du code de la sécurité intérieure que les personnes morales qui fabriquent, importent, vendent ou assurent la maintenance des appareils de jeux proposés au public dans les casinos autorisés où est pratiqué au moins un des jeux prévus par la loi, ainsi que les différents modèles d'appareils, sont soumis à l'agrément du ministre de l'intérieur. D'autre part, en vertu de l'article 68-1 de l'arrêté du 14 mai 2007, les appareils dits " machines à sous " doivent être exploités dans des conditions permettant de satisfaire aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent par la mise en place de dispositifs de vigilance ou de contrôle. Aux termes de l'article 68-2 de cet arrêté, dans sa version applicable au litige : " Agrément ministériel. / Sont soumis à agrément du ministre :1° Les marques dénominatives de constructeurs sous lesquelles sont produites et commercialisées les machines définies à l'article 68-1 ci-dessus ; / 2° Les sociétés qui auront la charge de leur commercialisation, de leur mise en service et de leur maintenance ; / 3° Les sociétés chargées par les casinos de la gestion technique des jackpots progressifs multisites, des systèmes de tickets entrants et sortants, des systèmes de cartes de paiement précréditées, de tout autre système monétique ou de la centralisation des commandes et le financement groupé d'appareils dont les marques sont agréées.".

Sur les conclusions des sociétés DRGT France et DRGT Europe aux fins de non-lieu à statuer :

3. Il ressort des pièces du dossier que, par deux jugements n° 2104410 et 2104411 du 25 avril 2023, devenus définitifs en l'absence d'appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'article 1er de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 28 août 2018 agréant la marque " DRGT " du constructeur DRGT Europe, et l'article 1er de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 28 août 2018 agréant la société DRGT France en qualité de société de fourniture et de maintenance des appareils de jeux définis à l'article 68-1 de l'arrêté du 14 mai 2007. Les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ces mesures ont donc perdu leur objet lorsque le délai d'appel ouvert contre ces deux jugements est venu à expiration. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

4. En premier lieu, la société Appolonia ne peut, eu égard à l'objet et la portée des agréments contestés, se prévaloir de sa qualité de concurrent pour établir son intérêt à contester des mesures de police prises à l'égard d'un autre opérateur sur le fondement des dispositions citées ci-dessus dans le but de lutter contre le blanchiment d'argent. Elle ne saurait utilement faire état des conditions, discriminatoires selon elle, dans lesquelles ces mesures auraient été prises. Elle n'est donc pas fondée à contester le jugement attaqué du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les articles 2 de chacun des deux arrêtés portant agrément, pris sur le fondement de l'arrêté du 14 mai 2007 comme irrecevables, au motif qu'elle ne justifiait pas d'un intérêt en rapport direct avec l'objectif de police administrative qui s'y attache.

5. En second lieu, par son courrier du 24 décembre 2018, le ministre de l'intérieur s'est borné à constater que rien ne s'opposait à la connexion du " bill acceptor " et de l'imprimante (TiTo) au système DR A..., plutôt que directement aux " machine à sous ". La société Appolonia n'est donc pas fondée à contester le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre ce courrier non décisoire, qui ne lui faisait pas grief.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Appolonia n'est pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris aurait irrégulièrement rejeté ses conclusions comme irrecevables.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Appolonia demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Appolonia une somme globale de 1 500 euros à verser aux sociétés DRGT France et DRGT Europe sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'article 1er de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 28 août 2018 agréant la marque " DRGT " du constructeur DRGT Europe, et contre l'article 1er de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 28 août 2018 agréant la société DRGT France en qualité de société de fourniture et de maintenance des appareils de jeux définis à l'article 68-1 de l'arrêté du 14 mai 2007.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Appolonia est rejetée.

Article 3 : La société Appolonia versera aux sociétés DRGT France et DRGT Europe une somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Appolonia, à la société DRGT France et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 septembre2023, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre2023.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02794


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02794
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : CABINET DOM et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-19;23pa02794 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award