Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé.
Par un jugement n° 2201896 du 22 mars 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, M. B..., représenté par Me Philouze demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 mars 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 22 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent, à titre principal, de lui renouveler son certificat de résidence d'algérien portant la mention " commerçant " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative, en lui délivrant durant ce réexamen une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de droit pour méconnaissance des dispositions de l'article L 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la décision de refus de renouvellement de titre de séjour est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation ;
- ladite décision méconnaît les stipulations des articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 dudit accord et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- ladite décision est entachée d'erreur de droit car le préfet s'est cru en situation de compétence liée à la suite du refus de séjour ;
- elle est entachée d'illégalité car il devrait se voir délivrer un titre de séjour de plein droit ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire de 30 jours est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions de refus de séjour et pourtant obligation de quitter le territoire français ;
- ladite décision méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
M. B... a produit des pièces complémentaires le 29 août 2023.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les observations de Me Philouze pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 26 juin 1992, est entré en France le 15 août 2017, muni d'un visa d'installation valable jusqu'au 13 novembre 2017. Il s'est vu délivrer plusieurs titres de séjour " étudiant " entre 2017 et 2019 puis a obtenu un certificat de résidence algérien en tant que commerçant, valable du 26 septembre 2019 au 25 septembre 2020, dont il a demandé le renouvellement le 29 juin 2020, sur le fondement de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 22 septembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par jugement du 22 mars 2023, dont le requérant relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M B... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". ". Et aux termes du c) de l'article 7 du même accord : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité ".
3. Saisi d'une demande de renouvellement d'un certificat de résidence en qualité de commerçant de la part d'un ressortissant algérien justifiant de son inscription au registre du commerce et des sociétés, le préfet, s'il est fondé à vérifier le caractère effectif de l'activité commerciale du pétitionnaire, ne peut légalement refuser le renouvellement demandé aux motifs que les revenus que l'intéressé tirait de son activité étaient insuffisants. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par le préfet sur l'effectivité de l'activité commerciale du ressortissant algérien qui demande le renouvellement de son certificat de résidence en qualité de commerçant.
4. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler le certificat de résidence mention " commerçant " dont était titulaire M. B... au motif que " l'intéressé qui déclare exercer une activité non salariée, en qualité de commerçant, ne peut plus se prévaloir des dispositions de l'article 5 de l'accord franco-algérien ; qu'en effet, il ne justifie pas de rémunération stable au vu de ses déclarations d'impôt sur les sociétés 2019 et 2020 ; qu'au surplus, les éléments qu'il présente au dossier, ne permettent pas de justifier de la continuité de son activité ".
5. Si l'autorité administrative, saisie par un requérant algérien d'une demande tendant au renouvellement d'un certificat de résidence en qualité de commerçant, ne peut, sans commettre d'erreur de droit, opposer à l'intéressé la circonstance que son activité ne serait pas économiquement viable dès lors que l'accord franco-algérien ne conditionne pas la délivrance du certificat de résidence sollicité au respect d'une telle condition, l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, peut, dans tous les cas, vérifier le caractère effectif de l'activité commerciale de l'intéressé, ainsi qu'il a été dit au point 3. En l'espèce, M. B... a créé son entreprise " Info Tech " le 4 juin 2019, laquelle a pour objet le conseil et le commerce de détail de produits informatiques et téléphoniques. Il a comptabilisé un chiffre d'affaires de 7 388 euros sur le second semestre 2019, soit environ 1 231 euros par mois. Durant l'année 2020, marquée pourtant par la crise sanitaire, il a développé cette activité générant un chiffre d'affaires s'élevant à 14 570 euros. Enfin, durant l'année 2021, il a réalisé un chiffre d'affaires de 18 595 euros. Durant l'ensemble de ces années, il a réglé ses impôts et les cotisations URSAFF. Dès lors, quand bien même cette activité est limitée et à supposer même qu'elle ne serait pas économiquement viable, c'est à tort que le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé qu'elle n'était pas effective. M. B... est donc fondé à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations des articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 68 modifié et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision lui refusant le renouvellement de son certificat de résidence algérien mention " commerçant " et par voie de conséquence l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le délai de départ volontaire de 30 jours et fixant le pays de destination.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, eu égard au moyen d'annulation retenu, implique nécessairement que l'administration délivre à M. B... un certificat de résidence d'algérien portant la mention " commerçant ". Il y a lieu, dès lors, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, de délivrer un tel titre de séjour à M. B..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2201896 du 22 mars 2023 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 22 septembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B... un certificat de résidence d'algérien portant la mention " commerçant ", sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 septembre 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES
La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 23PA01704