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31/07/2023 | FRANCE | N°21PA05447

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 31 juillet 2023, 21PA05447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. La SEMAVIL a demandé au tribunal administratif de la Martinique, sous le n° 1900004 :

- à titre principal, de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser une somme de 296 713,82 euros TTC au titre du solde des marchés de conduite d'opération des travaux de construction de la cité hospitalière de Mangot-Vulcin et du marché complémentaire relatif à la surélévation du bloc 5, incluant l'indemnisation de son préjudice lié aux difficultés d'exécution du mar

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- à titre subsidiaire, de condamner in solidum les sociétés Michel Beauvais et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. La SEMAVIL a demandé au tribunal administratif de la Martinique, sous le n° 1900004 :

- à titre principal, de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser une somme de 296 713,82 euros TTC au titre du solde des marchés de conduite d'opération des travaux de construction de la cité hospitalière de Mangot-Vulcin et du marché complémentaire relatif à la surélévation du bloc 5, incluant l'indemnisation de son préjudice lié aux difficultés d'exécution du marché ;

- à titre subsidiaire, de condamner in solidum les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Ion Cindea ingénieur Conseil, Egis bâtiments, Oasiis, Artelia bâtiment et industrie, Socotec Antilles Guyane, Bureau Veritas Construction, Sogea Martinique, SIMP, GTM génie civil et services, COMABAT, CDRI, Bouygues énergie et services, Tunzini, Tunzini Antilles, Castel et Fromaget, SAP, CDC, JLTP et Clean Garden, Me Beuzeboc, en qualité de liquidateur judiciaire de la société CMO et M. C... A... à lui verser la somme de 231 918,35 euros TTC en réparation des préjudices subis du fait des difficultés d'exécution du marché, ou chacun au prorata de sa responsabilité telle qu'arrêtée par l'expert.

Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la SEMAVIL à lui verser une somme de 26 813 640 euros en indemnisation de son préjudice lié aux fautes qu'elle aurait commises.

II. La société Icade Promotion a demandé au tribunal administratif de la Martinique, sous le n° 1900332 :

- de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser une somme de 518 616,09 euros TTC au titre du solde du marché de conduite d'opération des travaux de construction de la cité hospitalière de Mangot-Vulcin et une somme de 12 086,43 euros TTC au titre du solde du marché complémentaire, majorées des intérêts moratoires à compter du 14 avril 2016 et de leur capitalisation ;

- à titre subsidiaire, de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser une somme de 121 670,01 euros TTC, majorée des intérêts moratoires à compter du 14 avril 2016 et de leur capitalisation et de condamner in solidum les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Ion Cindea Ingénieur Conseil, Sogea Martinique, Tunzini, Tunzini Antilles, Oasiis et Egis bâtiments à lui verser une somme de 409 032,51 euros TTC en réparation des préjudices subis du fait des difficultés d'exécution du marché.

Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Icade Promotion à lui verser une somme de 26 473 980,20 euros en indemnisation de son préjudice lié aux fautes qu'elle aurait commises.

Par un jugement n° 1900004-1900332 du 17 mai 2021, le tribunal administratif de la Martinique a condamné le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à verser à la SEMAVIL une somme de 29 118,75 euros et à la société Icade Promotion une somme de 132 439,50 euros avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations de refinancement les plus récentes, majoré de 7 points, à compter du 8 juin 2016, et capitalisation des intérêts, et a rejeté les conclusions reconventionnelles du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin.

Par une ordonnance n° 456324 du 15 octobre 2021 prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative de Paris le jugement de la requête contre ce jugement enregistrée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2021, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, représenté par Me Mbouhou, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à payer le solde des marchés de la société Icade Promotion et de la SEMAVIL ;

2°) de condamner la société Icade Promotion et la SEMAVIL à lui verser une somme de 26 473 980,20 euros au titre des conséquences financières de diverses fautes ;

3°) de mettre à la charge de la société Icade Promotion et de la SEMAVIL une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de paiement des sociétés SEMAVIL et Icade Promotion était prescrite dès lors que le délai de prescription quadriennale a commencé à courir le 1er janvier de l'année suivant la réception des travaux, soit le 1er janvier 2012 ;

- la conduite d'opération a manqué à ses obligations contractuelles : elle a manqué à son obligation de conseil dans le cadre de la signature de l'avenant du 5 février 2007, elle a manqué à son obligation de conseil à la réception des travaux s'agissant de la centrale de production d'eau glacée, elle n'a pas contrôlé l'exécution de sa mission par la maîtrise d'œuvre ce qui l'a conduit au paiement d'ordres de service indus, au paiement de travaux supplémentaires et à l'impossibilité d'infliger des pénalités, elle a manqué à son obligation de conseil en ne fixant pas de taux d'intérêt moratoire au marché, et elle a contribué au retard du chantier ;

- ces fautes sont à l'origine d'un préjudice qui est imputable à la conduite d'opération à hauteur de 26 473 980,20 euros.

Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2022, la société Icade Promotion, venant aux droits de la société Icade G3A, venant elle-même aux droits de la SCIC Développement, représentée par Me Lecomte, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa demande n'est pas prescrite dès lors que ce n'est qu'à la date de remise du rapport de l'expert, le 4 octobre 2016, qu'elle a eu connaissance de l'étendue de son dommage ;

- elle n'a commis aucune faute dans sa mission : elle s'est opposée à la signature de l'avenant du 5 février 2007, le dysfonctionnement de la centrale à eau n'a pas été signalé à la maîtrise d'ouvrage avant ou pendant la réception des travaux et l'installation fonctionnait lors de la réception des travaux, elle a constamment rappelé à l'ordre la maîtrise d'œuvre comme l'a indiqué l'expert sapiteur et comme le montrent les courriers du maître d'ouvrage au maître d'œuvre, les travaux supplémentaires présentaient un caractère indispensable, et c'est le maître de l'ouvrage qui est à l'origine du paiement d'intérêts moratoires dès lors qu'il s'est réservé la gestion financière de l'opération et a payé tardivement les entreprises ;

- le montant du préjudice allégué du fait du retard du chantier n'est pas établi ;

- le maître de l'ouvrage a en outre fait le choix de ne pas lui infliger de pénalités, dont l'objet était de réparer forfaitairement son préjudice.

Par un mémoire enregistré le 6 janvier 2023, la société Egis bâtiments, représentée par la SELARL Molas Riquelme Associés, conclut à sa mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucune demande n'est formée contre elle.

Par un mémoire enregistré le 22 février 2023, les sociétés Michel Beauvais et associés, Acra architecture et Lorenzo architecture et M. C... A..., représentés par la SELARL Lallemand et associés, concluent à leur mise hors de cause ou, subsidiairement, au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 2 000 euros à verser à chacun d'entre eux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- l'appel en garantie du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin formé contre eux est dépourvue d'objet ;

- subsidiairement les demandes du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin se heurtent au principe de l'autorité de la chose jugée ;

- elles ne concernent pas la maîtrise d'œuvre.

Par un mémoire enregistré le 27 février 2023, la société Defia, venant aux droits de la SEMAVIL, représentée par la SELARL Genesis Avocats, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) subsidiairement, dans l'hypothèse où le jugement serait réformé, de condamner le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à lui verser une somme de 296 713,82 euros TTC et de rejeter les demandes reconventionnelles du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ;

3°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- sa demande n'est pas prescrite dès lors que son projet de décompte a été remis le 14 avril 2016 et que le délai de prescription n'a en conséquence commencé à courir que le 1er janvier 2017 ;

- elle a déconseillé au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin de signer l'avenant du 5 février 2007 et ce dernier a conservé la gestion financière de l'opération ;

- le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'établit pas que la centrale à eau était fragile au moment de la réception, que la conduite d'opération aurait dû le déceler ou que des vérifications auraient permis de le déceler ;

- il n'établit pas qu'elle a manqué à son obligation de contrôle des missions de la maîtrise d'œuvre ;

- il ne démontre pas qu'elle aurait manqué à ses obligations contractuelles en n'insérant pas de clauses relatives aux taux d'intérêt plus favorables ni le lien de causalité avec son préjudice, lié au retard de paiement ;

- il ne prouve pas une faute contractuelle de la conduite d'opération ayant conduit au retard du chantier, ni son préjudice, ni un lien de causalité entre les deux.

Par un mémoire enregistré le 28 février 2023, les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, représentées par la SCPA Claudon et associés, concluent à leur mise hors de cause et à ce que soit mise à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ou de tout succombant une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir qu'aucune demande n'est dirigée contre elles.

Par un mémoire enregistré le 28 février 2023, la société Ion Cindea Ingénieur Conseil et la SCP Thevenot Perdereau Manière El Baze, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de cette société, représentées par la SCP Derrienic Associés, concluent à leur mise hors de cause, subsidiairement, à la limitation de la condamnation de la société Ion Cindea Ingénieur Conseil au préjudice correspondant à 47 jours de retard et à la condamnation in solidum des sociétés Egis bâtiments, Michel Beauvais et associés, Lorenzo architecture, Acra architecture, Oasiis, Icade Promotion et SEMAVIL, de la MAAF, de M. A... et du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre, et à la mise à la charge du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin d'une somme de 8 000 euros à verser à la société Ion Cindea Ingénieur Conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir que :

- aucune demande n'est formée contre elles ;

- la société Ion Cindea Ingénieur Conseil n'est pas responsable du retard lié au problème d'incompatibilité des réseaux avec la structure alors que ce n'était pas à elle d'émettre les ordres de service d'exécution, que le problème résulte d'une mauvaise estimation des réseaux par le BET Egis bâtiments et que l'épaississement des voiles ne résulte pas d'une faute de conception ;

- en tout état de cause si sa responsabilité était retenue, elle ne pourrait l'être qu'au titre des 47 jours retenus par l'expert correspondant à 4,25 % du retard global, soit moins que le montant auquel elle a été condamnée, et sa condamnation ne peut pas être prononcée in solidum ;

- en cas de condamnation in solidum elle serait fondée à appeler en garantie les intervenants dont l'expert a relevé les manquements.

Par une ordonnance du 17 mars 2023 prise sur le fondement du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, l'instruction a été close avec effet immédiat.

Un mémoire présenté pour la Mutuelle des architectes français a été enregistré le 22 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme B...,

- et les observations de Me Bonnet-Cerisier, représentant les sociétés Tunzini et Tunzini Antilles, de Me Mbouhou, représentant le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, de Me Benjamin, représentant la société d'économie mixte d'aménagement de la ville du Lamentin, de Me Lallemand, représentant les sociétés Michel Beauvais et associés, ACRA architecture, Lorenzo architecture, Asco BTP et M. A..., de Me Lecomte, représentant la société Icade Promotion et de Me Boudet, représentant la société Egis bâtiments.

Une note en délibéré produite pour la société Defia, venant aux droits de la SEMAVIL, a été enregistrée le 5 juillet 2023.

Une note en délibéré produite pour la société Icade Promotion a été enregistrée le 7 juillet 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin, auquel a succédé, à compter du 1er janvier 2016, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, a conclu un marché public de travaux comprenant 19 lots pour la construction d'une cité hospitalière, constituée d'un établissement public départemental de santé mentale (EDPSM) sur deux niveaux, d'un centre hospitalier MCO (Médecine-Chirurgie-Obstétrique) sur quatre niveaux et d'un pôle unique de gestion technique et administrative commun à l'ensemble du projet. Par un acte d'engagement du 7 juin 2002, il a confié au groupement composé de la SCIC Développement (devenue Icade G3A puis Icade Promotion) et de la SEMAVIL, aux droits de laquelle vient la société Defia, une mission de conduite d'opération. Un marché complémentaire a été conclu le 24 juillet 2007 pour la surélévation du bloc 5. Les travaux ont été réceptionnés le 13 avril 2011, avec effet au 31 mars 2011. Le 14 avril 2016, la société Icade Promotion a adressé au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin un projet de décompte. Par une nouvelle demande du 17 février 2017, elle a mis en demeure le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin d'établir le décompte général et définitif du marché initial de conduite d'opération et du marché complémentaire. Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Martinique l'a condamné à verser à la SEMAVIL une somme de 29 118,75 euros et à la société Icade Promotion une somme de 132 439,50 euros et a rejeté ses conclusions reconventionnelles dirigées contre ces deux sociétés.

Sur les conclusions d'appel principal :

En ce qui concerne les demandes de la société Icade Promotion et de la SEMAVIL aux droits de laquelle vient la société Defia :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement ".

3. Le point de départ de la prescription quadriennale est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine de ce dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration.

4. L'article 12.2. du cahier des clauses particulières du marché de conduite d'opération (CCAP) stipule : " Le projet de décompte général, établi par le Conducteur d'Opération, est la somme des acomptes. Il est remis au Maître de l'Ouvrage dans un délai de 45 jours à compter du constat d'achèvement de la mission ". Les travaux ayant, en l'espèce, été réceptionnés avec effet au 31 mars 2011 et le marché de conduite d'opération incluant une mission au titre de la garantie de parfait achèvement, la mission de la conduite d'opération, dont le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'indique au demeurant pas quand elle s'est réellement achevée, a pris fin au plus tôt le 31 mars 2012. Dès lors que le projet de décompte devait être établi 45 jours plus tard, le point de départ du délai de prescription de la créance que le groupement de conduite d'opération détenait sur le maître d'ouvrage au titre du solde du marché ne peut être antérieur à la date à laquelle il aurait dû être établi. Il résulte par ailleurs de l'instruction que la société Icade Promotion a adressé un projet de décompte du marché de conduite d'opération au maître de l'ouvrage le 14 avril 2016, date à laquelle le délai de prescription n'était en tout état de cause pas expiré, qui a eu à tout le moins pour effet d'interrompre le délai de prescription tant à l'égard de cette société qu'à l'égard de la SEMAVIL. Dans ces conditions, la créance de ces deux sociétés au titre de l'exécution de leur marché de conduite d'opération n'était pas prescrite lorsqu'elles ont introduit leur demande devant le tribunal administratif les 3 janvier et 22 mai 2019. Par suite, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a écarté son exception de prescription quadriennale.

En ce qui concerne les conclusions reconventionnelles du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin :

S'agissant de la responsabilité de la conduite d'opération :

5. La responsabilité du conducteur d'opération est engagée à l'égard du maître de l'ouvrage à raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles.

6. En premier lieu, la société Icade G3A et la SEMAVIL étaient chargées, en vertu de l'article 5.3.2. du CCAP, d'une mission de conseil au stade de la réalisation des ouvrages, et notamment de la recherche de solutions amiables aux litiges et de la rédaction des décisions de prolongation des délais. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'admet d'ailleurs le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, que la conduite d'opération lui a déconseillé, à ce titre, de signer l'avenant du 5 février 2007 avec le groupement Sogea, concluant, par son avis sur la réclamation de ce groupement, qu'elle devait être rejetée dans son intégralité. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin aurait été contraint de signer cet avenant ou de paralyser les travaux du fait d'un défaut de conseil de la conduite d'opération.

7. En deuxième lieu, l'article 5.3.3. du CCAP du marché stipule : " Le conducteur d'opération doit : / - assister aux opérations préalables à la réception des ouvrages, / - au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, il propose au maître d'ouvrage de prononcer ou non la réception, ou de la prononcer avec des réserves (...) / - à la mise en exploitation des ouvrages : s'assurer que le maître d'œuvre vérifie leur bon fonctionnement, au besoin par des essais étalés dans le temps. Le cas échéant, le conducteur d'opération doit proposer au maître d'ouvrage toute mesure nécessaire afin que les ouvrages exécutés remplissent leur " objet " ". Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, qui indique d'ailleurs que l'installation fonctionnait, n'établit pas que la conduite d'opération avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de vices affectant la centrale de production d'eau glacée avant ou au moment de la réception des travaux. S'il produit un courrier de la société Tunzini du 8 septembre 2010, dont la SEMAVIL a eu copie, qui mentionnait, parmi trois problèmes majeurs potentiels, les groupes froids, ce courrier fait état de la réalisation d'un test en fin de semaine 36 de la solution mise en place et précise qu'un échec de cette solution conduirait à des modifications très sensibles de la configuration. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ce test n'a pas eu lieu ou qu'il aurait révélé la nécessité de réaliser des essais étalés dans le temps, ni que la réalisation de tels essais aurait permis d'éviter les dysfonctionnements qui se sont produits en 2012. En outre et en tout état de cause, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne justifie pas du montant de 2 679 422,88 euros qu'il demande à ce titre.

8. En troisième lieu, l'article 5.3.2. du CCAP du marché prévoit, au stade de l'exécution des travaux, le contrôle de l'exécution de la mission du maître d'œuvre. L'article 5.3.3 du même cahier prévoit qu'en cas de réception avec réserve, la conduite d'opération doit s'assurer auprès du maître d'œuvre de la suite donnée par l'entrepreneur auxdites réserves.

9. D'abord, le montant du préjudice allégué par le groupement de coopération sanitaire au titre des manquements de la maîtrise d'œuvre et, par suite, de la conduite d'opération dans la gestion des ordres de service concerne uniquement la notification d'ordres de services supposément indus. Dès lors, la faute éventuelle de la maîtrise d'œuvre et de la conduite d'opération dans la notification tardive de certains ordres de service est en tout état de cause dépourvue de lien de causalité avec le préjudice allégué. Par ailleurs, en admettant même que des ordres de service auraient été indument payés à certains entrepreneurs, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance soit à l'origine d'un préjudice direct et certain pour le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin dès lors qu'il lui était loisible, dans le cadre de l'établissement des décomptes généraux et de leur contestation, de revenir sur ces paiements.

10. Ensuite, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne justifie pas de ce que les travaux supplémentaires ayant donné lieu à paiement ne présentaient pas un caractère indispensable. S'il fait valoir que leur caractère indispensable serait de nature à révéler une faute de conception de l'ouvrage, une telle faute ne serait pas imputable à la conduite d'opération. Il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction et n'est pas même allégué que le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin aurait renoncé à son projet de construction ou l'aurait modifié s'il avait été avisé en temps utile des travaux supplémentaires nécessaires, ni que le montant de l'ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l'ouvrage si le maître d'œuvre n'avait commis aucune faute.

11. Enfin, d'une part, l'article 4.3.1.1. du CCAP applicable aux marchés des entrepreneurs prévoit que " le montant global des pénalités et retenues est prélevé à l'entrepreneur principal du lot concerné par précompte sur ses demandes mensuelles d'acomptes ". Il résulte des courriers produits par le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin que le maître de l'ouvrage a demandé, les 2 juillet et 5 août 2009, au maître d'œuvre de tenir le décompte des pénalités pouvant être appliquées aux entreprises. Il résulte toutefois de l'instruction que les pénalités qui ont été infligées, dans leurs décomptes généraux, aux groupements Tunzini et Sogea du fait de leur retard dans la réalisation de leurs tâches correspondent aux retards relevés par l'OPC dans son rapport du mois de juin 2009, antérieur à ces courriers. Il résulte en outre de l'instruction que le maître de l'ouvrage a indiqué au maître d'œuvre, par un courrier du 17 décembre 2009, de ne pas effectuer de retenue sur les situations des entreprises. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute de la maîtrise d'œuvre à ne pas avoir appliqué de retenues soit à l'origine de l'irrégularité des pénalités infligées par le maître de l'ouvrage au titre du retard dans la réalisation des tâches du fait de l'absence de retenues préalables. D'autre part, par un arrêt n° 18PA20476 de ce jour, la Cour a rétabli les pénalités infligées au groupement Sogea au titre de retards dans la levée des réserves. Le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin ne peut, dès lors, se prévaloir d'aucun préjudice à ce titre.

12. En quatrième lieu, aux termes du II de l'article 5 du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics : " Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. / A défaut de la mention de ce taux dans le marché, le taux applicable est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points ". En vertu de l'article 5.3.1. du CCAP du marché, la conduite d'opération était notamment chargée de la rédaction du cahier des clauses administratives particulières des marchés des entreprises.

13. Il résulte de l'instruction qu'à défaut de référencement, dans les documents contractuels, du taux des intérêts moratoires, le maître de l'ouvrage s'est vu appliquer le taux prévu au II de l'article 5 du décret du 21 février 2002. Compte tenu des termes de cet article, qui prévoit que le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché, de ce que la conduite d'opération était chargée, en particulier, de la rédaction du CCAP applicable aux marchés des entrepreneurs, et de ce qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même allégué que la conduite d'opération aurait informé le maître de l'ouvrage des conséquences de l'absence de référencement, dans les documents contractuels, du taux des intérêts moratoires, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est fondé à soutenir que la conduite d'opération a manqué à son devoir de conseil. Ce manquement lui a fait perdre une chance d'appliquer un taux plus faible. Il résulte toutefois également de l'instruction que le maître de l'ouvrage s'est acquitté du solde de certains marchés avec un retard anormalement long de plusieurs années, dont la conduite d'opération n'a pas à supporter les conséquences. Dans ces conditions, il convient de limiter la part de responsabilité du groupement de conduite d'opération à 10 % du préjudice du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin.

14. En dernier lieu, pour justifier sa demande d'indemnisation au titre de l'allongement de la durée du chantier, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin se fonde sur le rapport d'expertise qui a estimé que les défaillances de la conduite d'opération étaient à l'origine de 33 des 1 107 jours d'allongement de la durée du chantier. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que des fautes de la conduite d'opération aient contribué à l'allongement généré par le problème d'incompatibilité des réseaux avec la structure, l'expert se bornant d'ailleurs sur ce point à indiquer, sans plus de précisions, que la conduite d'opération " aurait dû prendre les dispositions permettant au maître d'ouvrage de sortir de cette situation " pour lui imputer 10 jours de retard. Il résulte en revanche de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la notification tardive, par la maîtrise d'œuvre, des ordres de service liés à la modification de programme décidée au mois de juin 2008 a contribué au retard du chantier. Compte tenu de sa mission rappelée au point 8, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est fondé à rechercher la responsabilité de la conduite d'opération à ce titre, dont la contribution à l'allongement de la durée du chantier peut être évaluée à 7 jours. Enfin, alors qu'ainsi qu'il a déjà été dit, la conduite d'opération était chargée de trouver des solutions amiables aux litiges, le rapport d'expertise ainsi que celui de l'expert sapiteur font état de conflits récurrents entre le titulaire de la mission OPC et le groupement de maîtrise d'œuvre et de leurs répercussions sur le chantier. L'imputation à la conduite d'opération de 16 jours de retard liés à ce conflit est, dès lors, justifiée. Dans ces conditions, la contribution de la conduite d'opération à l'allongement du chantier doit être évaluée à 23 jours, correspondant à 2,08 % du retard total de 1 107 jours. Le groupement de coopération sanitaire est donc fondé à demander la condamnation de la conduite d'opération à l'indemniser des préjudices directement imputables aux manquements de cette dernière.

S'agissant du préjudice du groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin :

15. En premier lieu, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin évalue à 788 529,05 euros le montant du préjudice qu'il a subi du fait du défaut de conseil de la conduite d'opération relatif aux intérêts moratoires. Il ne résulte pas de l'instruction que ce montant, qui correspond à la différence entre le montant des intérêts qu'il a été condamné à verser en première instance et celui qui aurait résulté d'un référencement du taux d'intérêt dans le marché et qui n'est pas contesté, serait surestimé à l'issue des décisions d'appel rendues sur ces jugements. Compte tenu de ce qui a été dit au point 13, il y a lieu de condamner la conduite d'opération à hauteur de 78 852,91 euros.

16. En second lieu, d'abord, si le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin se prévaut de pertes de recettes pour un montant de 78 088 960,50 euros, en se fondant sur des titres de recettes émis de 2013 à 2015, ces recettes correspondent à la facturation de charges hôtelières et générales supportées par le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin au bénéfice de ses deux membres, et non à un excédent. Aucune comparaison n'est en outre faite avec les recettes réalisées pendant la période du chantier. Dans ces conditions, le requérant ne justifie pas de l'existence d'un préjudice à ce titre.

17. Ensuite, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin produit différents contrats d'assurance afin de démontrer qu'il a subi un préjudice lié à la prolongation de certaines polices d'assurance et à la souscription de nouvelles polices d'assurance du fait du retard du chantier pour un montant total de 1 628 788,59 euros. Le tableau qu'il produit à cet égard, qui affiche un total de 5 119 427,81 euros, n'est pas de nature à établir la réalité de son préjudice. S'il produit également plusieurs contrats, ils concernent, pour la plupart, des périodes postérieures à la réception des travaux ou des risques non spécifiques au chantier. Seul le contrat n° 4010022897 montre un différentiel de coût de la police d'assurance avant et après la réception, pour un montant de 33 635 euros pour l'année 2010 et de 6 537,5 euros du 1er janvier au 31 mars 2011, auquel doivent être ajoutés les montants de 10 090,50 euros et 5 046 euros au titre de l'extension de la qualité d'assuré aux entreprises adjudicatrices du 1er juillet 2010 au 31 mars 2011. En revanche, l'avenant de régularisation passé avec le groupe Allianz le 26 novembre 2012 pour un montant de 201 854,09 euros n'est pas lié à l'allongement du chantier, ce montant étant fonction du coût du marché et bénéficiant en outre d'une baisse du taux applicable du fait de l'amélioration du risque parasismique. Dans ces conditions, le préjudice doit être regardé comme établi à hauteur de 55 309 euros.

18. Par ailleurs, d'une part, il résulte des dispositions des articles 9 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 et 30 du décret n° 93-1268 du 29 décembre 1993 que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'œuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seule une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peut donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération. Ainsi, la prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'œuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage. Il résulte de ce qui précède que le maître d'ouvrage n'était pas tenu de verser un supplément de rémunération au titulaire de la mission OPC et au groupement de maîtrise d'œuvre du fait de l'allongement de la durée du chantier et ne saurait, dès lors, se prévaloir à ce titre d'un préjudice directement imputable à cette prolongation. D'autre part, le syndicat inter-hospitalier de Mangot-Vulcin a signé deux avenants avec la société Icade G3A et la SEMAVIL qui prévoient un supplément de rémunération lié notamment à l'augmentation de la durée du chantier, à hauteur de 11 mois pour la phase Etudes et 22 mois pour la phase Travaux. Toutefois, en admettant même que le maître d'ouvrage était contractuellement tenu de verser ce supplément de rémunération, ce qu'il n'allègue pas, celui-ci ne couvre pas l'intégralité de l'allongement de la durée du chantier, à hauteur de plus de 23 jours. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la conduite d'opération aurait perçu un supplément de rémunération au titre des 23 jours qui lui sont imputables. Il résulte de ce qui précède que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'est pas fondé à demander à être indemnisé à hauteur de 2 229 983,94 euros TTC au titre du coût des avenants conclus avec les titulaires des missions de maîtrise d'œuvre et de conduite d'opération au titre du seul allongement de la durée du chantier.

19. De même, en se bornant à se prévaloir des surcoûts liés aux révisions de prix pour un montant de 2 667 992,95 euros HT au 30 juin 2009, le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin n'établit pas avoir subi un préjudice au titre de la période concernée par l'allongement du chantier.

20. Enfin, il résulte de l'instruction que le CCAP du marché des entrepreneurs, la note d'organisation du chantier à laquelle il renvoyait et les statuts de l'association de gestion des dépenses communes, joints au rapport d'expertise, prévoyaient que la gestion du compte des dépenses communes était assurée par le responsable du lot gros-œuvre et que le compte était alimenté par une contribution des entrepreneurs concernés. Si le maître de l'ouvrage a contribué à ce compte prorata à la suite de l'avenant passé le 5 février 2007 avec le groupement Sogea chargé du lot gros-œuvre, il n'explique pas en quoi sa participation à ce compte est liée à l'allongement du chantier, alors que ce premier avenant est intervenu pendant la période initialement prévue du chantier. Il convient dans ces conditions d'écarter ce chef de préjudice évalué par le requérant à 1 145 588,21 euros.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est seulement fondé à se prévaloir d'un préjudice de 55 309 euros au titre de l'allongement de la durée du chantier. La part de ce préjudice imputable à la conduite d'opération, au regard de sa responsabilité dans le retard du chantier, s'élève à 1 149,15 euros.

S'agissant de la répartition du montant de la condamnation :

22. Aux termes de l'article 3.1. " Co-traitants " du cahier des clauses administratives générales - Prestations intellectuelles applicable au marché : " Au sens du présent document, les titulaires sont considérés comme groupés et sont appelés "cotraitants" s'ils ont souscrit un acte d'engagement unique. / Les cotraitants sont soit solidaires, soit conjoints. / Les cotraitants sont solidaires lorsque chacun d'eux est engagé pour la totalité du marché et doit pallier une éventuelle défaillance de ses partenaires ; l'un d'entre eux, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, représente l'ensemble des cotraitants vis-à-vis de la personne responsable du marché (...) / Dans le cas où l'acte d'engagement n'indique pas que les cotraitants sont solidaires ou conjoints : / Si les prestations sont divisées en lots dont chacun est assigné à l'un des cotraitants et si l'un de ces derniers est désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, les cotraitants sont conjoints. / Si les prestations ne sont pas divisées en lots dont chacun est assigné à l'un des cotraitants, ou si l'acte d'engagement ne désigne pas l'un de ces derniers comme mandataire, les cotraitants sont solidaires. / Dans le cas de cotraitants solidaires, si le marché ne désigne pas de cotraitant mandataire, celui qui est énuméré le premier dans l'acte d'engagement est considéré comme mandataire des autres cotraitants ".

23. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

24. Les prestations de conduite d'opération n'étant pas divisées en lots et l'acte d'engagement ne désignant en tout état de cause aucun mandataire, le groupement de conduite d'opération est un groupement solidaire. Par ailleurs, aucune convention à laquelle le maître de l'ouvrage est partie ne fixe la répartition des prestations revenant à la SCIC Développement et à la société Icade Promotion, la décomposition des temps prévisionnels et la répartition des honoraires annexées à l'acte d'engagement ne pouvant, en l'espèce en tenir lieu. Dans ces conditions, il convient de condamner les sociétés Defia et Icade Promotion à verser solidairement au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin la somme totale de 80 002,06 euros.

Sur les conclusions d'appel incident de la société Defia :

25. En premier lieu, la société Defia n'indique pas en vertu de quelles stipulations contractuelles la SEMAVIL pouvait prétendre à un supplément de rémunération du fait de l'augmentation du coût des travaux. Ni l'acte d'engagement, ni le CCAP du marché ne prévoient d'ailleurs un tel supplément.

26. En second lieu, la société Defia n'établit pas que la SEMAVIL a subi un préjudice du fait de l'allongement de la durée du chantier. La somme de 268 471,4 euros HT et 291 291,47 euros TTC qu'elle demande à ce titre est d'ailleurs égal au supplément de rémunération auquel la SEMAVIL prétendait avoir droit, calculé de manière théorique.

27. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident de la société Defia doivent en tout état de cause être rejetées.

28. Il résulte de tout ce qui précède que le groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal n'a pas condamné solidairement les sociétés Icade Promotion et la SEMAVIL, aux droits de laquelle vient la société Defia, à lui verser la somme totale de 80 002,06 euros.

Sur les frais du litige :

29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Icade Promotion et Defia la somme de 1 000 euros chacune à verser au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des autres parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les sociétés Defia et Icade Promotion verseront solidairement au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin la somme totale de 80 002,06 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1900004-1900332 du 17 mai 2021 du tribunal administratif de la Martinique est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Les sociétés Defia et Icade Promotion verseront chacune au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au groupement de coopération sanitaire de Mangot-Vulcin, aux sociétés Icade Promotion, Defia, Michel Beauvais et associés, Acra architecture, Lorenzo architecture, Oasiis, Egis bâtiments, Tunzini, Tunzini Antilles, Ion Cindea Ingénieur Conseil et Thevenot-Perdereau-Manière-El Baze, à la Mutuelle des architectes français et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Heers, présidente de chambre,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2023.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05447
Date de la décision : 31/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : MOLAS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-31;21pa05447 ?
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