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18/07/2023 | FRANCE | N°23PA01166

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 18 juillet 2023, 23PA01166


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 16 février 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de résident.

Par un jugement n° 2206515/11 du 17 janvier 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2023, M. A..., représenté par Me Semak, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2

023 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 février 2022 ;

3°) à titre p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 16 février 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de résident.

Par un jugement n° 2206515/11 du 17 janvier 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2023, M. A..., représenté par Me Semak, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2023 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 février 2022 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de lui délivrer une carte de résident dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant du jugement attaqué :

- il est insuffisamment motivé ;

S'agissant de la décision attaquée :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 413-7 et L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à son niveau de langue et au caractère stable, régulier et suffisant de ses ressources.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté ministériel du 21 février 2018 fixant la liste des diplômes et certifications attestant le niveau de maîtrise du français requis, pour l'obtention d'une carte de résident ou d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée - UE " ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Desvigne-Repusseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 16 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer une carte de résident à M. A..., ressortissant marocain, né en 1968, au motif qu'il ne justifiait pas de ressources suffisantes ni d'un niveau de connaissance du français correspondant au niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l'Europe. M. A... fait appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes aux termes de l'article L. 426-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui justifie d'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident, de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins et d'une assurance maladie se voit délivrer (...) une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans / (...) / Les ressources mentionnées au premier alinéa doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail / (...) / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la sécurité sociale : " Les prestations familiales comprennent : / 1°) la prestation d'accueil du jeune enfant / 2°) les allocations familiales / 3°) le complément familial / 4°) L'allocation de logement régie par les dispositions du livre VIII du code de la construction et de l'habitation / 5°) l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé / 6°) l'allocation de soutien familial / 7°) l'allocation de rentrée scolaire / 8°) L'allocation forfaitaire versée en cas de décès d'un enfant / 9°) l'allocation journalière de présence parentale ". Aux termes de l'article R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ". Enfin, selon l'annexe 10 au code précité, dans sa rédaction issue de l'arrêté interministériel du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle-Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les pièces à joindre à une demande de carte de résident au titre de l'article L. 426-17 précité comportent les " justificatifs de vos ressources ou de celles de votre couple si vous êtes mariés (à l'exclusion des prestations sociales ou allocations), qui doivent être suffisantes, stables et régulières sur les 5 dernières années (bulletins de paie, avis d'imposition, attestation de versement de pension, contrat de travail, attestation bancaire, revenus fonciers, etc.) (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des bulletins de paie et des avis d'imposition versés au dossier par M. A..., que celui-ci a perçu un revenu mensuel net moyen de de 1 968,67 euros en 2017, de 1 663,01 euros en 2018, de 1 821 euros en 2019, de 1 512,91 euros en 2020, de 1 417,75 euros en 2021 et de 1 327,83 euros en 2022. Par ailleurs, la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance net est passée de 1 151,50 euros en 2017 à 1 302,64 euros en 2022. Ainsi, au cours des cinq années ayant précédé l'intervention de la décision attaquée, les ressources de M. A... étaient supérieures au revenu de référence prévu par les textes. L'intéressé doit, dès lors, être regardé comme justifiant du caractère suffisant de ses ressources. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas contesté dans la décision attaquée le caractère stable et régulier des ressources et qui n'a produit aucun mémoire en défense en appel comme en première instance, a commis une erreur dans l'appréciation du caractère suffisant des ressources du requérant au titre de la période de référence.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 426-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision d'accorder la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " prévue à l'article L. 426-17 est subordonnée au respect des conditions d'intégration républicaine prévues à l'article L. 413-7 ". Aux termes de l'article L. 413-7 de ce code : " La première délivrance de la carte de résident (...) est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard (...) de sa connaissance de la langue française qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d'Etat / (...) ". Aux termes de l'article R. 413-15 du même code : " Pour l'appréciation de la condition d'intégration prévue à l'article L. 413-7, l'étranger doit fournir : / (...) / 2° Les diplômes ou certifications permettant d'attester de sa maîtrise du français à un niveau égal ou supérieur au niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l'Europe tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) 7 du 2 juillet 2008, dont la liste est définie par un arrêté du ministre chargé de l'accueil et de l'intégration / (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 21 février 2018 fixant la liste des diplômes et certifications attestant le niveau de maîtrise du français requis, pour l'obtention d'une carte de résident ou d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée - UE " : " Les diplômes ou certifications nécessaires à l'obtention d'une carte de résident ou d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée - UE " sont les suivants : / 1° Diplômes attestant un niveau de connaissance du français au moins équivalent au niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l'Europe / (...) / Une liste indicative de ces diplômes ou certifications figure en annexe du présent arrêté ". Enfin, selon l'annexe 10 au code précité, dans sa rédaction issue de l'arrêté interministériel du 30 avril 2021 fixant la liste des pièces justificatives exigées pour la délivrance, hors Nouvelle-Calédonie, des titres de séjour prévus par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les pièces à joindre à une demande de carte de résident au titre de l'article L. 426-17 précité comportent " [le] diplôme ou [la] certification mentionné[e] dans la liste définie par l'arrêté INTV1805032A du 21 février 2018 permettant d'attester de la maitrise du français à un niveau au moins égal au niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu le 6 janvier 2020 la délivrance du diplôme d'études en langue française (DELF A2) qui est au nombre des diplômes figurant dans la liste annexée à l'arrêté ministériel précité du 21 février 2018. Ainsi, à la date de la décision attaquée, le requérant justifiait de sa maîtrise du français à un niveau égal ou supérieur au niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l'Europe. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 413-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution / (...) ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

8. Eu égard aux motifs d'annulation retenus, le présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de tout changement dans les circonstances de droit et de fait depuis l'intervention de la décision annulée et en l'absence de tout autre motif de refus opposé par le préfet de la Seine-Saint-Denis, que celui-ci délivre à M. A... une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par M. A....

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2206515/11 du Tribunal administratif de Montreuil du 17 janvier 2023 et la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 16 février 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A... une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " d'une durée de dix ans dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01166
Date de la décision : 18/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SEMAK

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-18;23pa01166 ?
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