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17/07/2023 | FRANCE | N°22PA03728

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 juillet 2023, 22PA03728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200879 du 5 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2022, M. B... A..., repré

senté par Me Ivanovic Fauveau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200879 du 5 juillet 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2022, M. B... A..., représenté par Me Ivanovic Fauveau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- en se bornant à constater qu'il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de Seine-et-Marne n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation du requérant, le tribunal administratif de Montreuil a, lui-même, omis d'examiner sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel et sérieux de sa situation, notamment s'agissant de sa vie privée et familiale et en ce qu'il n'a pas vérifié si la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui avait été régulièrement notifiée ;

- son droit à être entendu a été méconnu ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 et les dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne l'a pas informé de la possibilité de déposer une demande de titre de séjour ;

- elle viole les stipulations de la directive n° 2004/28/CE du 29 avril 2004, dès lors qu'il est concubin d'une ressortissante italienne résidant régulièrement en France, avec laquelle il a deux enfants de nationalité italienne ;

- elle est entachée d'erreurs de faits s'agissant de sa situation familiale ;

- elle viole les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas présenté de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, le 24 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- et les observations de Me Ivanovic Fauveau, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 26 décembre 2000, est entré en France le 12 août 2019 selon ses déclarations. Le 24 octobre 2019, il a présenté une demande d'asile, rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 8 septembre 2020, devenue définitive. Par un arrêté du 14 décembre 2021, le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 5 juillet 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Enfin, l'article R. 531-19 de ce code dispose : " La date de notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui figure dans le système d'information de l'office, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. Au regard de la présomption instaurée par l'article R. 531-19 précité, il appartient au demandeur qui conteste les mentions de l'application " Telemofpra " d'apporter des précisions et justifications de nature à les remettre en cause.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la fiche " Telemofpra " produite par le préfet de Seine-et-Marne en première instance, que la décision du 8 juin 2021 par laquelle le directeur général de l'OFPRA a rejeté la demande d'asile de M. A... a été notifiée à ce dernier le 30 juin 2021, laquelle décision n'a fait l'objet d'aucun recours devant la CNDA. Toutefois, il ressort également de la même application informatique, ainsi d'ailleurs que le fait valoir le requérant sans être contesté sur ce point, le préfet de Seine-et-Marne n'ayant pas produit de mémoire en défense, que le pli contenant cette décision est revenu à l'administration, sans qu'apparaisse le motif de non distribution. Alors que M. A... conteste avoir été destinataire de ce pli, il appartient à l'administration de justifier de la notification régulière de la décision de l'OFPRA. Malgré une mesure d'instruction en ce sens, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas justifié de la notification régulière à M. A... de la décision par laquelle l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile. Dans ces conditions, l'intéressé doit être regardé, à la date de l'arrêté litigieux, comme pouvant bénéficier du droit de se maintenir sur le territoire français. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et doit, en conséquence, être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions contenues dans l'arrêté du 14 décembre 2021.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 décembre 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu et après avoir vérifié qu'aucun autre moyen opérant et fondé n'était susceptible d'être accueilli et d'avoir une influence sur la portée de l'injonction à prononcer, l'exécution du présent arrêt n'implique ni la délivrance d'un titre de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour ni aucune autre mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 octobre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ivanovic Fauveau, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ivanovic Fauveau de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200879 du 5 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 14 décembre 2021 du préfet de Seine-et-Marne, sont annulés.

Article 2 : L'État versera à Me Ivanovic Fauveau, avocate de M. A..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2023.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03728 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03728
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : IVANOVIC FAUVEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-17;22pa03728 ?
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