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17/07/2023 | FRANCE | N°22PA00151

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 juillet 2023, 22PA00151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le ministre de la culture l'a licenciée pour insuffisance professionnelle à compter du 1er mars 2020 et l'a radiée du corps des architectes et urbanistes de l'Etat à compter du 1er mars 2020 ainsi que de la décision par laquelle le ministre de la culture a implicitement rejeté son recours gracieux présenté à l'encontre de cet arrêté.

Par un jugement n° 2008919 du 12 novembre 2021,

le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le ministre de la culture l'a licenciée pour insuffisance professionnelle à compter du 1er mars 2020 et l'a radiée du corps des architectes et urbanistes de l'Etat à compter du 1er mars 2020 ainsi que de la décision par laquelle le ministre de la culture a implicitement rejeté son recours gracieux présenté à l'encontre de cet arrêté.

Par un jugement n° 2008919 du 12 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 janvier 2022, le 12 janvier 2022 et le 18 janvier 2023, Mme A..., représentée par Me Tardieu, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2008919 du 12 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du ministre de la culture en date du 5 février 2020, ainsi que la décision par laquelle le ministre a implicitement rejeté son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la ministre de la culture de statuer à nouveau sur sa titularisation dans le corps des architectes et urbanistes de l'Etat, au vu de l'intégralité de son dossier comprenant les notes obtenues au concours d'entrée et au cours de la formation, son assiduité, et les évaluations obtenues dans le cadre des trois stages qu'elle a effectués, dans le délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;

- le ministre de la culture s'est à tort estimé lié par l'avis émis par le directeur de l'Ecole de Chaillot et la directrice de l'Ecole des Ponts Paris Tech ;

- aucun arrêté conjoint du ministre chargé du développement durable et du ministre chargé de la fonction publique ne fixe les règles d'organisation générale, les modalités et le programme de la formation et des épreuves de validation ainsi que la composition du jury ;

- l'arrêté attaqué est entaché de vices de procédure dès lors que la commission administrative paritaire n'a pas été réunie, qu'elle n'a pas été invitée à formuler des observations ou à consulter son dossier personnel ;

- il est entaché d'une erreur de fait ;

- à la date du 5 février 2020, elle était toujours en stage, et son maître de stage n'avait pas encore pu faire part de son appréciation sur ce stage ;

- l'arrêté attaqué ne pouvait uniquement se fonder sur l'avis défavorable en date du 30 janvier 2020 ;

- l'avis défavorable en date du 30 janvier 2020 est entaché d'illégalité compte tenu de l'illégalité de la composition du jury, de la circonstance que la note de 9/20 n'est pas justifiée, et de la circonstance qu'il a été pris sur la base de l'arrêté du 6 mai 1994, lequel est privé de base légale ;

- l'avis du 30 janvier 2020 ne reprend pas l'ensemble des notes obtenues, et ne fait pas état de son assiduité ;

- l'absence de délai entre sa soutenance et l'émission de l'avis défavorable démontre l'absence de concertation et de réflexion ;

- le jury du projet de fin d'étude n'a pas délibéré de façon transparente et objective ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît le principe d'égalité de traitement ;

- le projet de fin d'étude ayant fait l'objet de l'avis du 30 janvier 2020 ne constituait pas un " complément ".

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 décembre 2022 et le 2 février 2023, la ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- c'est à bon droit qu'elle s'est estimée en situation de compétence liée ;

- le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du jury est inopérant ;

- aucun des autres moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2004-474 du 2 juin 2004 ;

- l'arrêté du 6 mai 1994 relatif à la formation des architectes et urbanistes de l'Etat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aggiouri ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Tardieu, avocate de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ingénieure territoriale titulaire au sein du syndicat mixte du parc naturel régional de Lorraine, a été, à la suite de sa réussite au concours interne des architectes et urbanistes de l'Etat, option " patrimoine ", recrutée, par un arrêté du 9 août 2018, dans ce corps en qualité d'architecte et urbaniste de l'Etat stagiaire à compter du 1er septembre 2018, pour une durée d'un an. Par des arrêtés du 15 juillet 2019 et du 2 septembre 2019, le ministre de la culture a prolongé son stage pour une période de six mois, du 1er septembre 2019 au 29 février 2020. Par un arrêté du 5 février 2020, le ministre de la culture a licencié Mme A... pour insuffisance professionnelle à compter du 1er mars 2020 et l'a radiée du corps des architectes et urbanistes de l'Etat à compter de cette même date. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2020 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 du décret du 2 juin 2004 portant statut du corps des architectes et urbanistes de l'Etat : " [...] Au terme de leur formation, les architectes et urbanistes élèves ayant réussi les épreuves de validation de fin de stage sont titularisés. / Dans le cas contraire, ils peuvent être autorisés, à titre exceptionnel, à accomplir un stage complémentaire d'une durée maximale de un an et à subir de nouvelles épreuves de validation par arrêté du ministre dont ils dépendent en application de l'article 3. / Cette autorisation ne peut être renouvelée. / Les architectes et urbanistes élèves qui n'ont pas été autorisés à accomplir un stage complémentaire ou dont ce stage n'a pas été validé sont soit licenciés s'ils n'avaient pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur corps, emploi ou cadre d'emplois d'origine ".

3. Mme A... soutient que l'arrêté contesté, daté du 5 février 2020, a été édicté alors que son stage n'était pas encore achevé et qu'aucune appréciation n'avait été portée sur la période de prolongation de son stage. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de l'édiction de l'arrêté contesté, et, a fortiori, à la date de l'avis défavorable à la titularisation, émis le 30 janvier 2020 par les directeurs des écoles de Chaillot et des Ponts Paris Tech, sur lequel le ministre de la culture s'est fondé, Mme A... était encore en stage auprès de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d'Ile-de-France. Il n'est par ailleurs pas contesté que son maître de stage n'avait alors pas encore procédé à l'évaluation de son stage, laquelle évaluation, datée du 8 juin 2020, indique que " Mme A... a donné satisfaction et présenté de bonnes aptitudes au travail d'architecte des bâtiments de France ". Si la ministre de la culture fait valoir que, dans le cadre de la prolongation du stage de Mme A..., seule la production d'un projet de fin d'étude lui était demandée, l'administration devait, dès lors que le stage de l'intéressée avait été prolongé jusqu'au 29 février 2020, tenir compte de l'appréciation portée sur cette nouvelle période de stage et ne pouvait donc se prononcer, avant que cette appréciation soit rendue, sur sa titularisation. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de la culture en date du 5 février 2020 et de la décision par laquelle le ministre de la culture a implicitement rejeté son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard à l'illégalité entachant l'arrêté du ministre de la culture en date du 5 février 2020, le présent arrêt implique nécessairement que la ministre de la culture procède au réexamen de la situation de Mme A... et statue de nouveau sur sa titularisation. Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de la culture d'y procéder dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2008919 du 12 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'arrêté du ministre de la culture en date du 5 février 2020 et la décision par laquelle le ministre de la culture a implicitement rejeté le recours gracieux présenté par Mme A... sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de la culture de procéder au réexamen de la situation de Mme A... et de statuer de nouveau sur sa titularisation, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ministre de la culture.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2023.

Le rapporteur,

K. AGGIOURI

La présidente,

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00151 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00151
Date de la décision : 17/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : TARDIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-17;22pa00151 ?
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