Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Window Conseil a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels relatifs à la remise en cause du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du
1er juillet 2011 au 30 juin 2014.
Par un jugement n° 2101157 du 14 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés les 9 mai 2022, 9 juillet 2022 et 28 février 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SARL Window Conseil, représentée par Me Léon-Aguirre, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 mars 2022 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement contesté a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le rapporteur public d'avoir communiqué aux parties le sens de ses conclusions dans un délai raisonnable ;
- les premiers juges ont entaché le jugement contesté d'une dénaturation des faits ;
- la proposition de rectification qui lui a été notifiée est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- les impositions mises à sa charge ne sont pas fondées dès lors que les prestations qu'elle fournit répondent aux deux conditions cumulatives posées par les dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts telles qu'interprétées par les travaux parlementaires à la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, par la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-218/21 " DSR - Montagem e Manutençao de Ascensores e Escadas Rolantes " et la doctrine administrative référencée BOI-RES-000072 du 23 décembre 2020 ;
- la doctrine administrative figurant au paragraphe n° 370 du BOI-TVA-LIQ-30-20-90-20 constitue une rupture d'égalité devant les charges publiques en tant qu'elle exclut des dispositions de l'article 279-0 bis du code général des impôts, les prestations de fourniture et de pose de rideaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 ;
- l'arrêt C-218/21 du 5 mai 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne
" DSR - Montagem e Manutençao de Ascensores e Escadas Rolantes " ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lorin,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Window Conseil, qui exerce une activité de confection et pose de rideaux et de tissus d'ameublement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014. A l'issue de cette procédure, l'administration fiscale a notamment remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée appliqué aux prestations de service réalisées par la société et lui a notifié le 18 décembre 2015 une proposition de notification selon la procédure contradictoire. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités et d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré, ont été mis en recouvrement le 30 juin 2017. Par la présente requête, la société Window Conseil relève régulièrement appel du jugement du 14 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge de ces impositions.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'avis d'audience en date du 28 janvier 2022, dont la société Window Conseil a accusé réception le jour-même, informait les parties de la possibilité de prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public en consultant l'application Sagace ou à défaut, en prenant contact avec le greffe, conformément à ce qu'exige l'article R. 711-2 du code de justice administrative. Il résulte du relevé de l'application Sagace produit à l'instance que les conclusions du rapporteur public ont été mises en ligne le jeudi 17 février 2022 à 18 heures pour l'audience du lundi 21 février suivant à 13 heures 30. Alors qu'un délai de plus de 48 heures s'est ainsi écoulé entre la mise en ligne des conclusions du rapporteur public et la tenue de l'audience, soit dans un délai raisonnable, la société Window Conseil n'établit ni même n'allègue n'avoir pas pu prendre connaissance du sens des conclusions via cette application. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier de première instance qu'elle aurait formé de demande tendant à ce que lui soit communiqué le sens des conclusions du rapporteur public ni qu'elle aurait formulé des observations à cet égard. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant les premiers juges manque en fait et doit être écarté.
4. En second lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient dénaturé les pièces du dossier qui remet en cause le bien-fondé du jugement, constitue un moyen relevant du contrôle de cassation et est inopérant en tant que tel devant le juge d'appel. Par suite, à le supposer soulever, le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
5. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
6. La proposition de rectification du 18 décembre 2015 concernant notamment un chef de redressement relatif à la " TVA collectée ", comporte, outre la désignation de l'impôt concerné, les périodes en cause et la base d'imposition correspondante. Elle mentionne les dispositions des articles 256-I, 266-1-a, 269-1-a et 2-c et 283-1 du code général des impôts dont il est fait application. Elle énonce l'activité de la société et les motifs justifiant les rappels en relevant à ce titre que, compte tenu des critères de qualification énoncés aux paragraphes n°360 et 370 de la documentation administrative référencée BOI-TVA-LIQ-30-20-90-20 dont le contenu est précisé, les prestations de confection et pose de rideaux et de tissus d'ameublement proposées par la société ne répondent pas à la condition d'incorporation au bâti d'un immeuble nécessaire au fonctionnement normal de l'équipement et à la définition de travaux immobiliers, seuls susceptibles de retenir l'application d'un taux réduit. Elle précise les périodes auxquelles les rectifications se rapportent, les modalités de calcul et présente un tableau récapitulatif détaillant pour chacune des périodes courant du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012, du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 et du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, les taux de 19,6 % ou 20 % applicables aux prestations réalisées. Par suite, dès lors que l'administration a remis en cause le principe même de l'application d'un taux réduit à l'ensemble des opérations de la société compte tenu de la nature de son activité, l'administration n'était pas tenue de préciser le détail des factures auxquelles se rapportaient les rappels en litige. Dans ces conditions les éléments figurant dans la proposition de rectification étaient suffisamment précis et explicites, indépendamment de leur bien-fondé, pour permettre à la société requérante de formuler utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait, et le moyen tiré de l'insuffisante motivation des rappels au regard des exigences posées à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
7. Aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans, à l'exception de la part correspondant à la fourniture d'équipements ménagers ou mobiliers (...) / 2 bis. La disposition mentionnée au 1 n'est pas applicable aux travaux de nettoyage ainsi qu'aux travaux d'aménagement et d'entretien des espaces verts (...) ".
8. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ses opérations.
9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, lors des opérations de contrôle de la comptabilité de la SARL Window Conseil portant sur la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014, l'administration a remis en cause l'application d'un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pratiqué sur les prestations de service de la société en retenant qu'elles ne répondaient pas à la condition d'incorporation au bâti et d'adaptation à la configuration des lieux. La société requérante soutient que les travaux de confection qu'elle réalise sur mesure et de pose de rideaux, stores, tentures et tapisseries notamment auprès de particuliers, constituent des installations d'exception pérennes et reposent sur des mécanismes fixés ou rattachés à un support incorporé au bâti. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard aux caractéristiques des travaux en litige, que les prestations qu'elle réalise seraient incorporées au bâti des logements ou auraient vocation à s'y incorporer, ou auraient pour conséquence sa dégradation à l'occasion de leur retrait. Elle ne démontre pas davantage que les prestations réalisées seraient indispensables au bon usage d'un logement à usage d'habitation. Contrairement à ce qu'elle soutient, il ne ressort ni des travaux parlementaires de la loi de finances pour 2000, ni de l'arrêt de la CJUE
C-218/21 " DSR - Montagem e Manutençao de Ascensores e Escadas Rolantes ", que les opérations se rapportant à la fourniture et à la pose de rideaux répondraient à la définition de travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien, comparables à la pose de bardeaux ou de gouttières destinées à la protection d'un bâti contre des infiltrations d'eau, ou encore de systèmes d'alarme, d'interphone ou de téléphone dont les fils sont eux-mêmes incorporés au bâti. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a retenu que les prestations réalisées par la société Window Conseil ne pouvaient être éligibles au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions précitées de l'article 279-0 bis du code général des impôts.
10. En second lieu, l'instruction référencée BOI-RES-000072 du 23 décembre 2020 qui porte sur les prestations de services imposables aux taux réduits et qui, au demeurant, est postérieure aux années d'impositions en litige, ne peut être utilement invoquée par la société, à supposer qu'elle ait entendu s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
11. En dernier lieu et pour les motifs énoncés au point 9, la circonstance que la doctrine administrative référencée au paragraphe 370 du BOI-TVA-LIQ-30-20-90-20 exclut du champ d'application de l'article 279-0 bis du code général des impôts, la fourniture et la pose de tringles à rideaux, n'est pas constitutive d'une rupture d'égalité devant les charges publiques.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Window Conseil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Window Conseil est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Window Conseil et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'accueil déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 23 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 7 juillet 2023.
La rapporteure,
C. LORIN
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02147