Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
22 février 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2221052/8 du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, M. A..., représenté par Me Hug, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2221052/8 du 21 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 22 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", sous astreinte de 150 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter la notification de l'arrêt à intervenir ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 23 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Pluchet, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 23 octobre 1997, est entré en France le
16 septembre 2018 selon ses déclarations. Le 3 juin 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 février 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un jugement du 21 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ".
3. Pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. A..., le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du
13 octobre 2021 selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces médicales versées au dossier, et notamment du compte-rendu de consultation établi par un praticien de l'hôpital Georges Pompidou le 1er février 2021, que M. A... souffre d'une pathologie cardiaque (maladie de Barlow) à l'origine d'une fuite mitrale sévère nécessitant un traitement médicamenteux à base de bisoprolol, de ramipril et d'oracilline. En première instance, le préfet de police a fait valoir que les traitements prescrits étaient substituables et plus particulièrement que le ramipril pouvait être remplacé par le captopril, disponible au Mali et appartenant à la même classe thérapeutique. Toutefois, M. A... se prévaut, pour la première fois en appel, d'un certificat établi le 13 février 2023 par le médecin généraliste qui le suit en lien avec les praticiens de l'hôpital George Pompidou, indiquant que le captopril n'est pas substituable au ramipril au regard de la spécificité de la pathologie cardiaque de l'intéressé ainsi que d'extraits du site internet Vidal corroborant l'existence de différences entre les deux médicaments. Les éléments produits par M. A... ne sont pas sérieusement contestés par le préfet de police, qui se borne à affirmer qu'ils sont de faible valeur probante. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour. Par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, qui se trouvent privées de base légale, doivent être annulées.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans la situation de l'intéressé, que le préfet de police délivre à M. A... une carte de séjour temporaire. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Hug, conseil de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hug de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2221052/8 du 21 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 22 février 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Hug la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi de 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience publique du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00822