La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2023 | FRANCE | N°23PA00307

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 23PA00307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 1305 MED du 7 février 2022 aux termes duquel le ministre de l'agriculture, de l'économie bleue et du domaine de la Polynésie française a autorisé Mme D... à occuper la parcelle AO n°161 à Moorea, dépendance du domaine public maritime.

Par un jugement n° 2200131 du 8 novembre 2022, rectifié par ordonnance du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a fait droit à sa

demande et a annulé l'arrêté n°1305 MED du 7 février 2022.

Procédure devant la Cour :

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté n° 1305 MED du 7 février 2022 aux termes duquel le ministre de l'agriculture, de l'économie bleue et du domaine de la Polynésie française a autorisé Mme D... à occuper la parcelle AO n°161 à Moorea, dépendance du domaine public maritime.

Par un jugement n° 2200131 du 8 novembre 2022, rectifié par ordonnance du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a fait droit à sa demande et a annulé l'arrêté n°1305 MED du 7 février 2022.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2023, Mme H... D..., représentée par Me Jourdainne, demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2200131 du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la procédure, prévue par la réglementation a bien été suivie, et l'arrêté n° 1305 MED du

7 février 2022 ne souffre d'aucune illégalité externe ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le ponton entravait l'accès au chenal et la circulation sur la plage, car il n'entrave ni la circulation maritime ni la circulation piétonne ; l'autorité compétente n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation ;

- le ponton, ancien, est totalement intégré dans son milieu naturel ;

- la destruction de tout ou partie du ponton aurait un impact négatif sur l'environnement ;

- à la suite des évènements de forte houle de juillet 2022 ayant eu pour conséquence la destruction partielle du ponton, celui-ci a été sécurisé par la requérante et les parties dangereuses de l'ouvrage ont été enlevées.

Par un mémoire, enregistré le 8 juin 2023, M. E... C..., représenté par Me Baron, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 300 000 francs CFP soit mis à la charge solidaire de la Polynésie française et Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 16 juin 2023, la Polynésie française, représentée par Me Marchan, conclut à l'annulation du jugement n° 2200131 du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française et au rejet des conclusions de M. C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la circonstance que la fille de Mme D... occupe le poste de responsable du bureau des affaires juridiques au sein de la direction des affaires foncières n'a pas été de nature à favoriser la délivrance de l'autorisation d'occupation contestée, le bureau des affaires juridiques n'intervenant pas dans l'instruction de ces demandes ;

- c'est à tort que M. C... soutient qu'avant l'installation de Mme D..., il était possible de passer en bateau entre le commencement du ponton et la plage pour atteindre le chenal ;

- les avis recueillis auprès des différentes autorités administratives au cours de l'instruction de la demande, avis non conformes, ne lient pas l'autorité décisionnaire ;

- contrairement à ce que soutient M. C..., l'autorisation contestée ne méconnaît ni l'article 13 du PGEM de l'île de Moorea car elle se situe en dehors des espaces maritimes protégés dans le cadre du PGEM de Moorea, ni l'article 17 du PGEM de l'île de Moorea, ni l'article 31 du PGEM de l'île de Moorea dès lors qu'il s'agit de la régularisation d'un ponton construit antérieurement à l'édiction du premier PGEM ;

- l'autorité compétente a pu choisir de ne pas suivre l'avis défavorable rendu par le comité permanent du PGEM dès lors que ses avis sont défavorables par principe et qu'en l'espèce il ne s'agissait pas de créer une nouvelle atteinte au domaine public ;

- la circonstance que le rapport d'étude environnementale de Mme A... ne soit pas visé dans la décision d'autorisation contestée est sans incidence sur sa légalité ;

- contrairement à ce que soutient M. C..., l'autorité compétente disposait de ce rapport d'étude environnementale préalablement à l'édiction de l'autorisation querellée ;

- M. C..., qui a la possibilité de les utiliser, ne peut se prévaloir d'une quelconque privatisation des ouvrages édifiés à proximité de sa propriété ;

- la jurisprudence citée par M. C... comme les attestations qu'il produit ne sont pas probantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n° 2004-34 du 12 février 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 1305 MED du 7 février 2022, le ministre de l'agriculture, de l'économie bleue et du domaine de la Polynésie française a délivré à Mme G... H... D... une autorisation d'occupation temporaire, à titre de régularisation, d'un emplacement du domaine public maritime sur une dépendance d'une superficie de 116 mètres carrés cadastrée en section AO sous le numéro 161 située sur le territoire de la commune d'Afareaitu, commune associée de Moorea, sise au droit de sa propriété cadastrée en section AO n° 17. Mme D... relève appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 1er de la délibération du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française : " Le domaine public de la Polynésie française comprend toutes les choses qui sont affectées à l'usage du public ou affectées à un service public par la nature même du bien ou par un aménagement spécial, et, par suite, ne sont pas susceptibles de propriété privée. (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette délibération : " Le domaine public naturel comprend : / - le domaine public maritime qui se compose notamment des rivages de la mer (...) ". L'article 3 de la même délibération énonce que : " Le domaine public artificiel comprend (...) 3° Le domaine public maritime : (...) B - les aménagements de littoral réalisés sur le domaine public maritime, notamment, les plages artificielles et les remblais ; (...) ".

3. Si, dans l'exercice de ses pouvoirs de gestion du domaine public maritime, il appartient à l'administration d'accorder à titre temporaire et dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur des autorisations d'occupation privative dudit domaine, ces autorisations ne peuvent légalement intervenir que si, compte tenu des nécessités de l'intérêt général, elles se concilient avec les usages conformes à la destination du domaine que le public est normalement en droit d'y exercer, ainsi qu'avec l'obligation qu'a l'administration d'assurer la conservation de son domaine public. L'autorisation d'occupation temporaire d'une dépendance du domaine public ne peut être légalement accordée qu'à la condition de se concilier avec les usages, conformes à la destination du domaine, que le public est normalement en droit d'exercer.

4. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, par une autorisation délivrée le 2 juillet 1980 à Hubert D..., père de la requérante, la commune de Moorea-Maiao l'a autorisé à procéder à " des travaux consistant à dégager, au moyen de barres à mine, sans aide mécanique ou explosive, un passage de trois mètres de large environ jusqu'à la balise ", qui a été réalisé dans le platier corallien jusqu'au lagon, comme il ressort notamment des photographies aériennes produites. D'autre part, longeant ce chenal au nord-est, un ponton d'une longueur de 74 mètres a été installé, semble-t-il en 1998, pour lequel Mme D... a demandé qu'il soit régularisé par la décision litigieuse.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un procès-verbal de constat d'huissier du 14 novembre 2022, que la profondeur d'eau, au sud-ouest du ponton, est d'une cinquantaine de centimètres dans une zone formant un platier corallien constitué de coraux très vigoureux de petite hauteur qui affleurent la surface, tandis qu'" en bordure de plage, au sud-ouest du ponton, (...) il y a moins de formations coralliennes en hauteur, mais (...) il existe une dalle corallienne très dure recouverte d'un fine couche de sable dans une eau qui arrive au niveau du mollet ". Toutefois, l'impossibilité d'accéder au chenal, qui a été relevé dans les observations du rapport de visite de la direction des services technique de la mairie de Moorea du 16 avril 2021, tient non pas tant à la présence des coraux puisque, comme il a été dit, il y a moins de formations coralliennes en hauteur en bordure de plage, ce qui permettrait à une embarcation à faible tirant d'eau d'y naviguer sans dommage pour elle-même et pour les coraux, qu'au caractère particulièrement bas sur l'eau du platelage du ponton, qui ne permet pas à une embarcation, même sans infrastructures et dont le franc-bord serait bas, de passer sous ce ponton. Eu égard à la circonstance qu'il s'agit d'une autorisation de régularisation, le ministre de l'agriculture, de l'économie bleue et du domaine de la Polynésie française ne pouvait la délivrer, d'une part, sans l'entacher de contradiction interne, puisque son article 3 dispose que " la présente autorisation est consentie aux clauses et conditions particulières du présent arrêté, toutes de rigueur, que le bénéficiaire s'engage à respecter, à savoir : (...) 2° L'emprise maritime générée par les constructions existantes (ponton + plate-forme) ne doit pas entraver la circulation maritime " (ce qui reprenait la prescription de l'avis de la direction polynésienne des affaires maritimes dont l'avis favorable était subordonné à ce que " l'emprise maritime générées par les constructions existantes (ponton + plateforme) n'entrave pas la circulation maritime "), ce qui méconnaissait la situation de fait existante et, d'autre part, sans méconnaître les principes de gestion du domaine public rappelés ci-dessus, et notamment les usages conformes à la destination du domaine public maritime que le public est normalement en droit d'exercer, en accédant et en circulant librement le long du rivage.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé l'arrêté n°1305 MED du 7 février 2022.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... le paiement à M. C... de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... D..., à M. E... C... et au président de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au maire de la commune de Moorea.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

Le président-rapporteur,

I. B...L'assesseure la plus ancienne,

M. F...La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00307
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : SELARL GROUPAVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;23pa00307 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award