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05/07/2023 | FRANCE | N°22PA05486

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 22PA05486


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2211702/8-2 du 20 juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2022 appuyée d'un

e pièce complémentaire enregistrée le 14 juin 2023, M. C..., représenté par Me Vi Van, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 mai 2022 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2211702/8-2 du 20 juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2022 appuyée d'une pièce complémentaire enregistrée le 14 juin 2023, M. C..., représenté par Me Vi Van, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 20 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Oise du 23 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police ou à tout autre préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors que sa femme réside en Guinée et non en Côte d'Ivoire ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'erreurs de fait qui révèlent un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie d'une résidence effective et d'un passeport en cours de validité ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Mme Julliard a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant ivoirien né le 5 janvier 1983, entré en France en 2012 selon ses déclarations, a fait l'objet d'une interpellation lors d'un contrôle d'identité le 23 mai 2022. Par un arrêté du même jour, la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du

20 juin 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

2. Il résulte des termes du jugement attaqué, ainsi que le soutient M. C..., que la première juge n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'arrêté est entaché d'erreurs de fait. Dès lors, le jugement est entaché d'irrégularité.

3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris :

Sur les moyens communs à toutes les décisions attaquées :

4. En premier lieu, par un arrêté du 21 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, la préfète de l'Oise a donné délégation de signature à M. D... A..., sous-préfet, secrétaire général, pour signer notamment les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Oise. Par suite le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige doit être écarté comme manquant en fait.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;(...) - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. Les décisions attaquées visent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les articles L. 611-1, L. 611-3, L.612-1, L. 612-2, L. 613-1 à L. 613-5. Elles indiquent également que

M. C..., ressortissant ivoirien né le 5 janvier 1983, ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et mentionnent que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'intéressé étant sans attaches familiales en France. En outre, s'agissant spécifiquement de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, la préfète de l'Oise a précisé qu'il existait un risque que M. C... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre dès lors qu'il ne pouvait justifier être entré régulièrement en France, qu'il n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne pouvait justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et qu'il déclarait être hébergé dans un foyer COALLIA. Enfin, s'agissant de la décision fixant le pays de destination, la préfète de l'Oise a relevé que l'intéressé n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, ces décisions, qui n'avaient pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et ne sont dès lors pas entachées d'une insuffisance de motivation. Par ailleurs, la circonstance que certains des éléments mentionnés seraient erronés, si elle peut affecter la légalité interne de l'arrêté attaqué, est sans incidence sur la régularité formelle de sa motivation, et ne saurait, contrairement à ce que soutient le requérant, permettre de d'établir que la préfète de l'Oise, dont la décision ne fait pas suite à un refus de titre de séjour, n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation. Le moyen soulevé à ce dernier titre doit, par suite, également être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. C... déclare être entré en France en 2012 et soutient que la décision contestée, qui mentionne que sa femme et ses enfants vivent en Côte d'Ivoire, qu'il n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et qu'il ne justifie pas d'une intégration ancienne, intense et stable dans la société française, est entachée d'erreurs de fait. Cependant,

M. C... ne produit aucune pièce justifiant d'une démarche en préfecture en vue de régulariser sa situation administrative et ne justifie pas davantage avoir occupé des emplois stables depuis son arrivée alléguée en France en 2012 par la production de seulement quatre bulletins de paie datés de 2016, d'une promesse d'embauche datée du 15 juin 2022 et donc postérieure à l'arrêté attaqué et d'un contrat de travail non daté et non signé par l'employeur. Par ailleurs, en se bornant à produire une copie du passeport de son épouse délivré en 2016 et mentionnant une résidence en Guinée ainsi qu'un certificat de résidence établi postérieurement à l'arrêté attaqué, le requérant ne démontre pas que son épouse et ses enfants y résidaient antérieurement à l'édiction de la décision attaquée, alors qu'au surplus, il avait mentionné dans son audition du 23 mai 2022 par les services de police que son épouse et ses enfants résidaient en Côte d'Ivoire. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et alors que

M. C... ne justifie pas d'une particulière intégration à la société française, il ressort des pièces du dossier que la préfète de l'Oise aurait pris la même décision si elle avait pris en considération le fait que l'épouse de M. C... résidait en Guinée. Par suite, à supposer l'erreur de fait avérée, cette dernière n'a pas eu d'incidence sur l'appréciation portée par la préfète de l'Oise sur la situation familiale de M. C.... Au vu de ces mêmes éléments, la décision n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision refusant un délai de départ volontaire par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut être accueilli.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ".

11. S'il ressort des pièces du dossier que M. C... disposait d'un passeport en cours de validité, contrairement aux mentions de la décision litigieuse et d'un hébergement, il ressort également des déclarations de l'intéressé lors de son audition qu'il est entré irrégulièrement en France en 2012 et s'est maintenu sur le territoire sans chercher à régulariser sa situation pendant dix ans puisqu'il a été interpellé dans le cadre d'un contrôle de police du 23 mai 2022 et qu'il a déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. Par ailleurs, la circonstance que l'intéressé n'aurait pas représenté une menace pour l'ordre public est sans incidence sur la décision attaquée. C'est donc sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation que la préfète de l'Oise a considéré qu'il existait un risque que M. C... se soustraie à la décision l'obligeant à quitter le territoire français et a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, elle aurait pris la même décision si elle n'avait pas indiqué à tort que M. C... ne disposait pas d'un passeport en cours de validité. Il en résulte que le moyen doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2211702/8-2 du 20 juin 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... C... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05486 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05486
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : VI VAN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;22pa05486 ?
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