La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2023 | FRANCE | N°22PA05485

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 22PA05485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2216932/4-1 du 24 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 décembre 2022 et

20 février 2023, M. D..., représenté par Me Perrimond, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2216932/4-1 du 24 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 décembre 2022 et 20 février 2023, M. D..., représenté par Me Perrimond, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 18 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Perrimond en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- l'arrêté préfectoral contesté est entaché d'incompétence de son signataire ;

- il n'est pas suffisamment motivé ;

- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il viole les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- il a été pris en violation des dispositions de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de police a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de police, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. D... par une décision du 7 novembre 2022.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 14 avril 1977, déclare être entré en France le 9 novembre 2017. Il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 18 juillet 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... demande à la cour d'annuler le jugement du 24 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". À supposer que M. D... ait entendu soulever le moyen tiré de la méconnaissance par le jugement attaqué des dispositions précitées, ce dernier énonce de manière précise et complète les motifs sur lesquels il est fondé. Il est ainsi suffisamment motivé et n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'arrêté litigieux du 24 octobre 2022 a été signé par Mme B... F..., attachée d'administration de l'État, adjointe à la chef du neuvième bureau du service de l'administration des étrangers de la délégation à l'immigration de la préfecture de police, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin consentie par un arrêté n° 2022-00263 du 18 mars 2022, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire dudit arrêté doit être écarté.

4. En deuxième lieu, cet arrêté indique de façon suffisamment précise les textes de droit ainsi que les considérations de fait sur lesquels il est fondé, alors par ailleurs que le préfet de police n'était pas tenu de mentionner tous les éléments de fait relatifs à la situation du requérant. Il est dès lors suffisamment motivé.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. / (...) ". Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

6. M. D... soutient qu'il souffre d'une pathologie grave impliquant un suivi régulier dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il ne peut accéder à des soins dans son pays d'origine, l'Algérie. Toutefois, s'il ressort des certificats médicaux produits par le requérant qu'il a subi une amputation transtibiale droite et transfémorale gauche en avril 2010, et qu'il est désormais porteur d'un appareillage nécessitant un suivi spécialisé régulier " une fois tous les deux ans ", il n'est pas établi par ces documents que l'absence de soins aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, seuls les certificats des 17 novembre 2021 et 5 octobre 2022 du Dr E... mentionnant des " conséquences orthopédiques et cutanéo-trophiques graves chez ce patient " en l'absence de soins, mais non d'une exceptionnelle gravité au sens des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968". M. D... n'est dès lors pas fondé à soutenir qu'en estimant, au vu de l'avis médical émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 13 juin 2022, que si l'état de santé de M. D... nécessitait un suivi médical, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'en rejetant pour ce motif sa demande de titre de séjour, le préfet de police aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ".

8. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles mentionnés au 1°, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des dispositions de ces articles. Or, il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. D... ne justifie pas satisfaire aux dispositions, notamment, de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, équivalant à celles prévues par l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le préfet de police, avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour, n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Si M. D... invoque brièvement, dans sa requête sommaire, le moyen tiré de la violation de ces stipulations, il ne l'assortit, dans ses écritures ultérieures, d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, alors qu'il indique être entré sur le territoire français le 9 novembre 2017 à l'âge de quarante ans, il n'établit aucun lien personnel ou familial en France et ne conteste pas, comme l'ont relevé les premiers juges, que sa fille réside en Algérie. Le préfet de police n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En septième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

12. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté pour les même motifs que ceux exposés au point 6 du présent arrêt.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 18 juillet 2022. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent donc être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

La rapporteure,

G. C...Le président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05485

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05485
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : PERRIMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;22pa05485 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award