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05/07/2023 | FRANCE | N°22PA04797

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2023, 22PA04797


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire à destination de la Tunisie ou de tout pays où il serait légalement admissible et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an, et a présenté des conclusions aux fins d'injonction et de prise en charge des frais de justice sur le fondement de l'article L. 7

61-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2218935/8 du 14 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire à destination de la Tunisie ou de tout pays où il serait légalement admissible et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an, et a présenté des conclusions aux fins d'injonction et de prise en charge des frais de justice sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2218935/8 du 14 octobre 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 novembre 2022, M. A... D..., représenté par

Me Khiat Cohen, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 2218935/8 en date du

14 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

-la décision d'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle n'a pas été prise à l'issue d'un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement en date du 14 octobre 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire à destination de la Tunisie ou de tout pays où il serait légalement admissible et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée... ".

3. L'arrêté du 8 septembre 2022 vise le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes duquel l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français " L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ... s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ... ". Il précise que " Monsieur D... A... ou Jasser Salah, né le 18/8/2000 en Tunisie, de nationalité tunisienne, a déclaré être entré régulièrement sur le territoire français le 22/7/2019 muni d'un visa long séjour sans en apporter la preuve ; qu'il se maintient depuis cette date sur le territoire français et a dépassé la durée de validité de son visa " et que " M. D... ou Jasser Salah déclare être célibataire et sans charge de famille ; que l'intéressé n'établit, ni n'allègue être dépourvu de toutes attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il aurait vécu jusqu'à l'âge de 19 ans" et enfin que " Monsieur D... A... ou Jasser Salah ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière ". Ainsi, la décision de refus de séjour comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite la décision d'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée au regard de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision contestée, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur les déclarations de M. D... au cours des trois auditions de garde à vue effectuées par la police judiciaire les 7 et 8 septembre 2022 à la suite de l'interpellation de l'intéressé pour avoir renversé un piéton sur un passage clouté alors qu'il conduisait le camion de livraison de son employeur sans être détenteur d'un permis de conduire. Si le requérant produit pour la première fois à hauteur d'appel son visa type D long séjour, la demande d'autorisation de travail et diverses attestations de son employeur ainsi que ses bulletins de paye des années 2019 à 2022 et sa demande d'échange de permis de conduire, ces différentes pièces ne sont pas de nature à établir que le préfet des Hauts-de-Seine ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation du requérant manque en fait.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié " et aux termes des dispositions alors codifiées à l'article R. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sont dispensés de souscrire une demande de carte de séjour : ....8ème Les étrangers ... dans les cas prévus aux articles

L. 1262-1 et L. 1262-2 du code du travail sous couvert d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois et équivalente à la durée de l'emploi et portant la mention " travailleur temporaire, pendant la durée de validité de ce visa ".

6. Il ressort des pièces produites pour la première fois en appel que M. D... a bénéficié d'un visa valant titre de séjour sur la période du 20 juillet 2019 au 20 juillet 2020 pour exercer en qualité de " travailleur temporaire " un emploi salarié de livreur dans une supérette de commerce alimentaire à l'enseigne " Perle du midi " pour la SARL Proxi Service pendant une durée d'un an. A l'expiration de cette année, il s'est maintenu sur le territoire français sans bénéficier d'un titre de séjour. Si son employeur produit une attestation indiquant qu'il ne serait pas parvenu à faire renouveler le visa valant titre de séjour de son salarié en raison de la crise sanitaire malgré des démarches effectuées auprès de la préfecture, il ne produit aucune pièce attestant de la réalité de ces démarches et établissant l'existence d'une carence des services préfectoraux dans le traitement de sa demande de renouvellement de titre de séjour. Dans ces conditions, en l'absence de preuve du dépôt par M. D... ou son employeur d'une demande de renouvellement de titre de séjour, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision d'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

8. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, il fait obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant tunisien au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en œuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant tunisien. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait déposé le 23 juillet 2022 une demande en vue d'être admis exceptionnellement au séjour en qualité de salarié. En l'absence d'une telle demande, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 précité dirigé contre la décision d'obligation de quitter le territoire français est donc, en tout état de cause, inopérant.

9. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. D... soutient qu'il a continué à travailler pour le même employeur et produit une attestation de ce dernier indiquant que le requérant donne entière satisfaction dans son travail d'employé polyvalent et bénéficie depuis le 1er octobre 2022 d'un contrat à durée indéterminée comme responsable de magasin. Il ressort toutefois des pièces du dossier que depuis son arrivée en France, M. D... a exercé son métier de livreur sans être détenteur d'un permis de conduire l'y autorisant et qu'il n'a pas demandé le renouvellement de son visa valant titre de séjour avant son expiration et a donc travaillé irrégulièrement à partir du 20 juillet 2021 sans être détenteur d'une autorisation de travail et d'un permis de conduire valide. S'il fait état du fait qu'il aurait noué des liens en France, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant à charge, est hébergé par son employeur et n'établit pas l'intensité de sa vie privée sur le territoire français. Par suite, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. D... une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaelle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.

Le président-rapporteur,

I. B...L'assesseure la plus ancienne,

M. C...

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04797


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04797
Date de la décision : 05/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : KHIAT COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-05;22pa04797 ?
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