Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 janvier 2020 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société TrustBK devenue la société Memo Bank à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire, la décision implicite de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion rejetant son recours hiérarchique ainsi que la décision du 14 janvier 2021 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a retiré sa décision implicite de rejet, annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé son licenciement.
Par un jugement nos 2022451/3-2 et 2105496/3-2 du 12 mai 2022 le tribunal administratif de Paris a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C... tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 24 janvier 2020 et de la décision implicite de la ministre chargée du travail rejetant son recours hiérarchique et a, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 juillet 2022, le 12 octobre 2022, le
20 janvier 2023 et le 2 mars 2023, M. C..., représenté par Me Arvis, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 2022451/3-2 et 2105496/3-2 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 24 mars 2020, la décision implicite de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion rejetant son recours hiérarchique ainsi que la décision de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion du 14 janvier 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Memo Bank une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier pour insuffisance de motivation quant au moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense ;
- la procédure de licenciement est entachée d'une méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'il n'a pas eu accès aux pièces utiles à sa défense, et notamment aux historiques de sa messagerie professionnelle et de la messagerie instantanée utilisée par la société dénommée " Slack " ;
- la procédure de licenciement est entachée d'irrégularité dès lors que le comité social et économique n'a pas été consulté ; le tribunal a commis une erreur de droit en omettant de vérifier si l'entreprise disposait d'un accord collectif rendant obligatoire une telle consultation ;
- son licenciement est fondé sur des faits qui ne sont pas établis et qui, en tout état de cause, ne sauraient constituer une faute d'une gravité suffisante pour justifier une telle mesure :
* il n'a pas méconnu l'obligation d'exclusivité résultant de son contrat de travail dès lors que cette exclusivité n'interdit pas l'exercice d'une activité non rémunérée au profit d'une entreprise tierce ; à supposer que cette obligation d'exclusivité couvre l'exercice d'activités non rémunérées, la clause figurant à son contrat ne le prévoit pas expressément et doit dès lors être déclarée illicite ;
* il n'a pas méconnu son obligation contractuelle de loyauté en se livrant à une activité bénévole au profit de la société IDETA, laquelle intervient dans un secteur d'activité totalement distinct de celui de son employeur ; l'étude qu'il a réalisée sur les " chatbots " a été effectuée à la demande de son employeur pour le compte de la société Memo Bank et non pas au profit de la société IDETA ; le tribunal a commis une erreur de droit en ne faisant pas usage de ses pouvoirs d'instruction afin de solliciter les historiques de la messagerie instantanée " Slack " permettant d'attester ces faits ;
* il n'a pas méconnu l'obligation de confidentialité résultant de son contrat de travail dès lors que la société Memo Bank n'établit pas qu'il aurait fourni des données ou informations confidentielles à la société IDETA et qu'en tout état de cause, les informations transmises n'ont pas porté préjudice à son employeur dont le domaine d'activité est totalement distinct de celui de la société IDETA ;
- la procédure de licenciement présente un lien avec son mandat.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 novembre 2022, le 6 février 2023 et le 10 mars 2023, la société Memo Bank, représentée par Me Leroy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mars 2023.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- les observations de Me Arvis, représentant M. C...,
- et les observations de Me Leroy, représentant la société Memo Bank.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été recruté le 21 août 2017 par la société TrustBK, devenue la société Memo Bank, en qualité de responsable risque et conformité et exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur financier adjoint. Il détenait par ailleurs le mandat de membre titulaire au comité social et économique. Par un courrier du 12 décembre 2019, la société Memo Bank a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. C... pour motif disciplinaire. Par une décision du 24 janvier 2020, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement du salarié. Saisie par un recours hiérarchique formé par ce dernier, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, a, par une décision du 14 janvier 2021, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur ce recours, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 24 janvier 2020 et autorisé le licenciement. M. C... a alors saisi le tribunal administratif de Paris d'un recours tendant à l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 11 avril 2022, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Paris a d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C... tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 24 janvier 2020 et de la décision implicite de la ministre du travail rejetant son recours hiérarchique et a, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Il ressort du point 10 du jugement attaqué que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense, le tribunal a retenu, d'une part, qu'aucune disposition du code du travail ne fait obstacle à ce l'employeur prive le salarié ayant fait l'objet d'une mise à pied de l'accès à son matériel professionnel et à la plateforme collaborative interne à l'entreprise et d'autre part, que M. C... a bénéficié d'un ordinateur de remplacement lui permettant d'accéder à sa messagerie professionnelle. Par suite, le tribunal a précisé les raisons pour lesquelles les droits de la défense ont été respectés et a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision de la ministre chargée du travail du 14 janvier 2021 :
4. En premier lieu, en vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. En revanche, aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du même code, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire. Il en va toutefois autrement si l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que, par suite, le ministre annule sa décision et statue lui-même sur la demande d'autorisation.
5. Il ressort des termes de la décision attaquée que la ministre chargée du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 24 janvier 2020 pour méconnaissance de la procédure contradictoire au motif que l'inspectrice s'était fondée sur trois courriels qui n'avaient pas été portés à la connaissance du salarié. Dans le cadre du recours hiérarchique, la ministre a ainsi mené une nouvelle enquête contradictoire et a transmis, par courriel du 4 septembre 2020, à M. C... le courriel d'observations produit par son employeur accompagné de cinquante-sept annexes accessibles via un lien de téléchargement. Par un courriel du 8 septembre 2020, M. C... a accusé réception de cet envoi et a attesté du téléchargement de l'ensemble des fichiers annexés. En outre, il ressort des pièces du dossier que le salarié a été entendu le 11 septembre 2020 par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France et qu'il a transmis le 25 septembre 2020 des observations écrites en réponse au courriel d'observations de son employeur. Par suite, et dès lors que l'ensemble des documents transmis par la société Memo Bank dans le cadre de l'enquête réalisée par la ministre chargé du travail ont été communiqués au salarié, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire doit être écarté.
6. En deuxième lieu, M. C... soutient que l'accès à sa messagerie professionnelle et à la plateforme collaborative interne à l'entreprise lui a été refusé à compter de sa mise à pied à titre conservatoire le 3 décembre 2019 et qu'il a ainsi été privé de la possibilité de se prévaloir des courriels et messages utiles à sa défense. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des courriels échangés avec le service informatique, que le salarié s'est vu remettre un nouvel ordinateur à la suite de sa mise à pied et a bénéficié d'un accès à sa messagerie professionnelle au moins à compter du 11 décembre 2019 lui permettant de consulter les courriels souhaités pour préparer sa défense. En outre, la circonstance que M. C... ait été dans l'impossibilité d'accéder aux messages échangés sur la plateforme collaborative interne à l'entreprise ne saurait caractériser une méconnaissance des droits de la défense dès lors qu'aucun texte ni aucun principe n'oblige l'employeur ou l'autorité administrative à maintenir un accès à une telle plateforme à un salarié mis à pied dans le cadre d'une procédure de licenciement et qu'en tout état de cause, le principe du contradictoire a été respecté lors de l'instruction du recours hiérarchique ainsi qu'il a été dit au point précédent.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2311-2 du code du travail : " Un comité social et économique est mis en place dans les entreprises d'au moins onze salariés. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2312-1 du même code : " Les attributions du comité social et économique des entreprises de moins de cinquante salariés sont définies par la section 2 du présent chapitre. / Les attributions du comité social et économique des entreprises d'au moins cinquante salariés sont définies par la section 3 du présent chapitre. / (...) ". Aux termes de l'article L. 2312-4 du même code : " Les dispositions du présent chapitre ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables relatives aux attributions du comité social et économique résultant d'accords collectifs de travail ou d'usages ".
8. Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III. L'avis est réputé acquis nonobstant l'acquisition d'un nouveau mandat postérieurement à cette consultation. Lorsqu'il n'existe pas de comité social et économique dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement. (...) ". Aux termes de l'article R. 2421-8 du même code : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité social et économique faite en application de l'article L. 2421-3. / Si l'avis du comité social et économique n'est pas requis dans les conditions définies à l'article L. 2431-3 ", ce qui, à défaut d'article L. 2431-3 dans le code du travail, doit s'entendre comme une référence à l'article L. 2421-3, " cet entretien a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail. / A défaut de comité social et économique, cet entretien a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail ".
9. Il résulte de la combinaison de l'ensemble des dispositions précitées d'une part, que dans les entreprises comptant entre onze et quarante-neuf salariés, le comité social et économique n'a pas à être consulté sur le projet de licenciement d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité du comité social et économique, sauf si une telle consultation a été prévue par un accord collectif conclu en application de l'article L. 2312-4, d'autre part, que dans les entreprises comptant au moins cinquante salariés, une telle consultation est requise dans tous les cas.
10. Il n'est pas contesté que la société Memo Bank compte moins de cinquante salariés. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'accord collectif d'entreprise du 26 mars 2018 régissant l'activité de la société Memo Bank ne comporte aucune stipulation prévoyant la consultation du comité social et économique sur le projet de licenciement des membres élus à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire. Par suite, l'employeur n'était pas tenu de consulter le comité social et économique sur le projet de licenciement de M. C... et le moyen doit être écarté.
11. En quatrième lieu, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
12. A l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, la société Memo Bank fait grief à M. C... d'avoir consacré une partie significative de son temps de travail à l'activité d'une entreprise tierce, la société IDETA, et d'avoir notamment réalisé au profit de cette dernière une étude de la concurrence dans le secteur dit " des chatbots ", sous couvert de ses fonctions au sein de la société Memo Bank, en méconnaissance de l'obligation d'exclusivité prévue dans son contrat de travail. Elle lui reproche également d'avoir transmis à la société IDETA des informations confidentielles et des ressources internes à l'entreprise, en méconnaissance de l'obligation de discrétion et de confidentialité prévue dans son contrat de travail.
13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail de M. C... comporte, en son article 11, une clause d'exclusivité stipulant que " pendant toute la durée du contrat, le salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son temps et de son activité professionnelle à la société et apportera les soins les plus diligents à l'accomplissement des différentes missions lui incombant en application du présent contrat. / Le salarié s'engage donc pendant la durée du contrat, à ne pas s'engager ou s'impliquer, directement ou indirectement, dans une activité professionnelle autre que celle de la société et de quelque nature que ce soit ainsi qu'à ne pas acquérir ou contrôler des intérêts extérieurs à l'activité de la société sans l'autorisation écrite préalable de cette dernière. ".
14. M. C... soutient qu'il n'a pas méconnu son obligation contractuelle d'exclusivité dès lors qu'il fournissait une aide bénévole à sa compagne, associée de la société IDETA, le plus souvent en dehors de son temps de travail. A ce titre, les attestations de sa compagne et d'un autre associé de la société IDETA versées aux débats indiquent que M. C... se contentait d'apporter son expertise sans percevoir aucune rémunération. Toutefois, il ressort du constat d'huissier produit par la société Memo Bank qu'au cours de la période allant d'août 2018 à novembre 2019, M. C... a adressé, depuis sa messagerie professionnelle, de nombreux courriels aux deux associés de la société IDETA portant exclusivement sur l'organisation et l'activité de cette société, tels que des courriels relatifs à la mise à jour de son business plan, à des relances de débiteurs, à des contacts d'entreprises pouvant constituer de potentiels investisseurs mais également des courriels relatifs à la procédure de rupture du contrat de travail d'un des associés de la société ou relatant l'entretien que M. C... avait fait passer à un candidat pour le compte de la société IDETA. Le constat d'huissier relève en outre qu'au cours des mois de septembre à novembre 2019, le logiciel de la société IDETA a été le deuxième site le plus consulté par le salarié depuis son ordinateur professionnel.
15. Par ailleurs, il ressort de ce même constat que M. C... a rencontré, entre mars 2019 et août 2019, quatorze entreprises spécialisées dans les " chatbots ", en sa qualité de salarié de la société Memo Bank, et a communiqué les comptes-rendus de chacun de ces entretiens, depuis sa messagerie professionnelle, à la société IDETA. Si le salarié soutient avoir réalisé une étude de la concurrence sur les " chatbots " sur instruction de son employeur, il se borne toutefois à produire une attestation du responsable comptable indiquant que la mise en place d'outils " chatbots " a été évoquée au cours de réunions internes, sans fournir aucun autre élément probant tels que des échanges de courriels avec son employeur. En outre, si l'associée de la société IDETA explique, dans son attestation, que ces comptes-rendus d'entretiens lui ont été transmis afin qu'elle procède à leur relecture dès lors que son entreprise est spécialisée dans le secteur des " chatsbots ", M. C... ne produit aucun courriel attestant de la relecture de ces comptes-rendus et n'établit pas davantage que lesdits comptes-rendus auraient été communiqués à son employeur.
16. Dès lors, l'ensemble de ces éléments témoignent d'une participation active de M. C... à l'activité de la société IDETA dont il ressort des pièces du dossier qu'il en est d'ailleurs associé minoritaire. Par suite, et alors même qu'il n'est pas démontré que le salarié aurait perçu une rémunération, M. C... doit être regardé comme étant impliqué dans une activité professionnelle autre que celle de la société Memo Bank, sans autorisation préalable de son employeur. Il s'ensuit que les faits reprochés à l'intéressé méconnaissent les obligations contractuelles résultant de la clause d'exclusivité prévue à l'article 11 de son contrat de travail.
17. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail de
M. C... comporte, en son article 10, une clause de discrétion et confidentialité stipulant que " Le salarié est tenu, tant pendant l'exécution du présent contrat de travail qu'après sa rupture, quelle qu'en soit la cause, à une obligation impérative de discrétion et de confidentialité. Il s'engage à ce titre : / - à ne pas communiquer, directement ou indirectement, et à ne pas utiliser pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, les informations relatives aux activités de la Société, à ses projets, dossiers, méthodes, savoir-faire, process et à son organisation ainsi que tout élément développé par ou pour la Société et constituant des secrets de fabrique et/ou des secrets d'affaires. Il en est de même pour les renseignements, bases de données et résultats, découlant de travaux et contributions, réalisés dans l'entreprise ; / - à ne pas divulguer, à quiconque, les informations par nature confidentielle ou secrète qu'il aura pu connaître dans le cadre de son activité, que ces informations concernent la Société ou un client de celle-ci ; (...) ".
18. Il ressort du constat d'huissier produit par la société Memo Bank et n'est pas sérieusement contesté que M. C... a adressé à la société IDETA, depuis sa messagerie professionnelle, des documents internes à la société Memo Bank, tels qu'un fichier " d'objective and key results " ainsi qu'un document relatif au partage de la politique de distribution des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise. Le salarié a également repris des documents réalisés par son employeur au profit de la société IDETA, tels qu'un document de mise à jour des investisseurs, un tableau de flux prévisionnel ou encore un dossier de subvention. Si M. C... conteste avoir partagé une base de données de gestion et de suivi des investisseurs élaborée par son employeur, il ressort toutefois du rapport établi par l'inspectrice du travail à la suite du recours hiérarchique que l'associée de la société IDETA a adressé le 17 février 2019 un courriel à M. C... comportant en pièce jointe une base de données précisant, pour chaque investisseur, le nom des contacts de salariés de la société Memo Bank, lesquels n'ont pu être pu être renseignés que par M. C.... Dès lors, au vu de ces éléments, le salarié doit être regardé comme ayant communiqué et utilisé, pour le compte d'autrui, des informations relatives aux activités de la société Memo Bank ainsi que des renseignements, bases de données et résultats découlant de travaux et contributions réalisés dans l'entreprise. Il s'ensuit que les faits reprochés à l'intéressé méconnaissent les obligations contractuelles résultant de la clause de discrétion et confidentialité prévue à l'article 10 de son contrat de travail.
19. S'il est constant que les sociétés Memo Bank et IDETA interviennent dans des domaines distincts et que l'activité exercée par M. C... au profit de la société IDETA n'a pas causé de préjudice à son employeur, la méconnaissance par le salarié des obligations contractuelles découlant tant de sa clause d'exclusivité que sa clause de discrétion et de confidentialité constitue, eu égard à son niveau hiérarchique et à la nature du poste qu'il occupait, une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement.
20. En dernier lieu, si M. C... soutient que des difficultés sont apparues avec son employeur à compter de l'obtention de son mandat de membre du comité social et économique en avril 2019, il n'apporte aucun élément de nature à établir ses allégations. A ce titre, il n'est pas démontré que la société Memo Bank lui aurait reproché d'exercer des fonctions représentatives lors de son entretien d'évaluation, ni qu'il aurait fait état d'une surcharge de son travail auprès de son employeur du fait de l'exercice de son mandat. Il n'est pas davantage établi que des salariés auraient été licenciés du fait de l'exercice de fonctions représentatives, l'employeur démontrant que ces salariés ont quitté l'entreprise dans le cadre d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Dans ces conditions, et alors que les reproches faits par son employeur trouvent leur origine dans un comportement fautif grave dont il a pris seul l'initiative, le moyen tiré de ce que le licenciement de M. C... serait en rapport avec ses fonctions représentatives doit être écarté.
21. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision de l'inspectrice du travail du 24 janvier 2020 et la décision implicite de la ministre chargée du travail rejetant son recours hiérarchique :
22. Lorsque le juge est parallèlement saisi de conclusions tendant, d'une part, à l'annulation d'une décision et, d'autre part, à celle de son retrait ou de son annulation et qu'il statue par une même décision, il lui appartient de se prononcer sur les conclusions dirigées contre le retrait ou l'annulation puis, sauf si, par l'effet de l'annulation qu'il prononce, la décision retirée est rétablie dans l'ordonnancement juridique, de constater qu'il n'y a plus lieu pour lui de statuer sur les conclusions dirigées contre cette dernière.
23. Il ressort du point 31 du jugement attaqué que le tribunal, après avoir retenu que la ministre avait légalement autorisé le licenciement de M. C..., a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande de première instance tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 24 janvier 2020 et à celle de la décision implicite de la ministre chargée du travail rejetant son recours hiérarchique. Si M. C... persiste à demander en appel l'annulation de ces décisions, il ne conteste pas le non-lieu à statuer prononcé à bon droit par le tribunal administratif sur ce point. Par suite, ses conclusions, réitérées en cause d'appel, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la société Memo Bank, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés
M. C... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme à la société Memo Bank sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Memo Bank présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à la société Memo Bank et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2023.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03125