Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.
Par un jugement n° 2112435 du 15 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2023, M. A..., représenté par Me Maillard, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 septembre 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 8 septembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, au réexamen de sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, ainsi qu'à l'effacement de son inscription au fichier du Système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
-le jugement attaqué est irrégulier pour insuffisance de motivation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen ;
- elle est entachée d'un vice de procédure pour défaut d'habilitation de l'agent ayant consulté le fichier automatisé des empreintes digitales ;
- elle est entachée d'un vice de procédure pour irrégularité des mentions figurant à ce fichier ;
- elle méconnaît son droit d'être entendu préalablement à l'édiction de la décision conformément au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a commis une erreur de droit et d'appréciation en estimant que son comportement constituait une menace à l'ordre public ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle doit être annulée par voie d'exception ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée par voie d'exception ;
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour :
- elle doit être annulée par voie d'exception ;
- elle méconnaît l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 23 janvier 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de présenter des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 19 octobre 1985, a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 septembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 24 mois. Par un jugement du 15 septembre 2022, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée à l'ensemble des moyens de M. A.... Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué pour insuffisance de sa motivation doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, mettant ainsi le requérant en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles cette mesure a été prise à son égard et de la contester utilement. Par conséquent, la décision attaquée, qui n'avait pas, par ailleurs, à indiquer de manière exhaustive l'ensemble des éléments afférents à la situation du requérant, est suffisamment motivée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas examiné sérieusement la situation du requérant. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen dont serait entachée la décision attaquée doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition dressé le 7 septembre 2021, que M. A... a été utilement entendu sur sa situation administrative, personnelle et familiale préalablement à l'édiction de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de son droit à être entendu.
5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant est connu au fichier automatisé des empreintes digitales pour des faits de vol en réunion commis le 4 juillet 2014, de tentative de vol par effraction commis le 30 août 2015, de vols à la roulotte commis les 6 avril et 21 août 2016 ainsi que pour avoir dissimulé son identité sous différents alias. Toutefois, le requérant fait valoir que le préfet ne justifie pas la réalité de ces faits allégués et soutient sans être contredit que ces faits, relativement anciens, n'ont pas entraîné de condamnation pénale ni même de poursuites judiciaires. M. A... est donc fondé à soutenir, en l'espèce, en l'absence de toute autre information par le préfet sur les circonstances et les suites des inscriptions en cause, que le motif tenant à la menace sur l'ordre public est entaché d'erreur d'appréciation. Toutefois il ressort des termes de la décision attaquée et des autres pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur les autres motifs de la décision portant obligation de quitter le territoire français, à savoir son entrée irrégulière sur le territoire français, le fait qu'il soit dépourvu de titre de séjour et l'absence d'attaches familiales et personnelles suffisantes en France.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si M. A... se prévaut de sa présence en France depuis 2012 et justifie avoir exercé une activité professionnelle de 2016 à 2018, puis une activité de livreur depuis janvier 2021, il n'établit pas disposer d'attaches personnelles et familiales ni d'une insertion particulièrement forte sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en prenant l'arrêté attaqué, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède, que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée pour obliger M. A... à quitter le territoire français sans délai.
Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché le refus de délai de départ volontaire doit donc être écarté.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que si le requérant était titulaire d'un passeport valide à la date d'édiction de la décision attaquée, en se bornant à produire une attestation du 2 septembre 2022 d'hébergement non circonstanciée, au demeurant postérieure à l'arrêté, il n'établit pas disposer d'une résidence stable et effective, de sorte qu'il ne peut être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis était fondé à lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire, en application des dispositions précitées de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
14. Compte tenu de la situation de M. A... rappelée ci-dessus, et alors que l'obligation de quitter le territoire français du 8 juin 2017, qui figure au dossier, fait suite au rejet de sa demande de renouvellement de titre de séjour, pour raison de santé, et lui est donc nécessairement connue, la décision fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour ne méconnaît pas les dispositions visées au point précédent et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
15. En troisième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00890