Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2018, en tant que par cet arrêté, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n'a pas pris en compte, pour le calcul de son ancienneté, la période, comprise entre le 20 octobre 2014 et le 19 octobre 2017, au cours de laquelle il a préparé un doctorat, ainsi que la décision du 2 mai 2019 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté son recours gracieux dirigé contre cet arrêté.
Par un jugement n° 1907960 du 5 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 décembre 2022 et le 11 mai 2023, M. B..., représenté par la SELAS Goldwin Partners, agissant par Me Zahedi :
1°) d'annuler le jugement n° 1907960 du 5 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2018 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a reclassé au 2ème échelon du grade de professeur agrégé de classe normale avec une ancienneté d'un mois et quinze jours, en tant qu'il ne prend pas en compte la période, comprise entre le 20 octobre 2014 et le 19 octobre 2017, au cours de laquelle il a préparé un doctorat, ainsi que la décision du 2 mai 2019 portant rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il ne répond pas suffisamment au moyen tiré de ce qu'il " n'existe pas de concours externe spécial de l'agrégation réservé aux docteurs " en sciences de l'ingénieur ;
- le ministre de l'éducation nationale aurait dû prendre en compte les années effectuées au titre de la préparation d'un doctorat ;
- les décisions contestées méconnaissent le principe d'égalité dès lors qu'il ne peut pas bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue par l'article 6 du 4 juillet 1972 et que le concours externe spécial de l'agrégation en sciences de l'ingénieur n'est toujours pas organisé ;
- aucun concours externe spécial de l'agrégation n'a été organisé dans la discipline des sciences de l'ingénieur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 412-1 du code de la recherche ;
- le ministre de l'éducation nationale procède au reclassement des lauréats du concours externe qui ont effectué leur thèse après le passage du concours en prenant en compte leur doctorat ;
- les dispositions de l'article 6 du décret du 4 juillet 1972 méconnaissent le principe d'égalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la recherche ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983,
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,
- le décret n° 72-80 du 4 juillet 1972 ;
- le décret n° 2016-656 du 20 mai 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aggiouri,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Miagkoff, substituant Me Zahedi, avocate de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., lauréat du concours externe d'accès au corps des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré, a été, par un arrêté du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en date du 23 novembre 2018, classé au 2ème échelon du grade de professeur agrégé de classe normale avec une ancienneté d'un mois et quinze jours. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, en tant qu'il ne prend pas en compte, pour le calcul de son ancienneté, la période, comprise entre le 20 octobre 2014 et le 19 octobre 2017, au cours de laquelle il a préparé un doctorat, ainsi que de la décision du 2 mai 2019 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté son recours gracieux présenté à l'encontre de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". A cet égard, si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens.
3. En l'espèce, les premiers juges ont suffisamment répondu, au point 8 de leur jugement, au moyen, soulevé par M. B... dans ses écritures de première instance, tiré de ce qu'il " n'existe pas de concours externe spécial de l'agrégation réservé aux docteurs " en sciences de l'ingénieur. Par ailleurs, le bien-fondé de la réponse que les premiers juges ont apportée à ce moyen est sans incidence sur la régularité du jugement. M. B... n'est dès lors pas fondé à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier.
Sur la légalité des décisions attaquées :
4. Aux termes de l'article 5 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré : " Les professeurs agrégés sont recrutés : / 1° Parmi les candidats qui auront satisfait aux épreuves de l'agrégation / [...] ". L'article 5-1 de ce décret, dans sa rédaction résultant du décret du 20 mai 2016 modifiant certains statuts particuliers des personnels enseignants relevant du ministre chargé de l'éducation nationale, dispose que : " Les épreuves de l'agrégation comprennent : / 1° Les épreuves d'un concours externe, d'un concours externe spécial ou d'un concours interne / [...] ". L'article 5-3 du même décret, dans sa rédaction résultant du décret du 20 mai 2016, précise que : " Peuvent se présenter au concours externe les candidats justifiant de la détention d'un master ou d'un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l'éducation. / Peuvent se présenter au concours externe spécial, les candidats justifiant de la détention d'un doctorat [...] ". Aux termes de l'article 6 de ce décret, dans sa rédaction issue du décret du 20 mai 2016 : " I.- Les candidats qui ont été admis aux concours externe ou interne sont nommés professeurs agrégés stagiaires à la rentrée scolaire de l'année au titre de laquelle est organisé le recrutement et classés, dès leur nomination, selon les dispositions du décret du 5 décembre 1951 susvisé. / Les candidats qui ont été admis au concours externe spécial sont classés selon les dispositions du décret du 5 décembre 1951. Toutefois, ils bénéficient d'une bonification d'ancienneté de deux ans au titre de la période de préparation du doctorat. Lorsque la période de préparation du doctorat a été accomplie sous contrat de travail, les services accomplis dans ce cadre sont pris en compte, selon les modalités prévues à l'article 11-5 du même décret pour la part de leur durée excédant deux ans. Une même période ne peut être prise en compte qu'une seule fois [...] ".
5. En premier lieu, M. B... ne pouvait bénéficier, lors de sa nomination dans le corps des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré, de la bonification d'ancienneté ouverte, par le deuxième alinéa de l'article 6 du décret du 4 juillet 1972, aux lauréats du concours externe spécial, au titre de la préparation d'un doctorat, dès lors qu'il a satisfait aux épreuves du concours externe, et non du concours externe spécial. Ainsi, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 6 du décret du 4 juillet 1972 que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse lui a refusé l'octroi de cette bonification d'ancienneté.
6. En deuxième lieu, M. B..., qui a obtenu un doctorat en dynamique des fluides en octobre 2018, soutient qu'il n'a pu bénéficier des dispositions du deuxième alinéa de l'article 6 du décret du 4 juillet 1972 prévoyant, pour les candidats admis au concours externe spécial de l'agrégation, le bénéfice d'une bonification d'ancienneté au titre de la préparation du doctorat, dès lors que le concours externe spécial ouvert aux docteurs en sciences de l'ingénieur n'a jamais été ouvert, alors qu'il l'a été pour d'autres disciplines. Le requérant en déduit que cette absence d'organisation d'un concours externe spécial de l'agrégation en sciences de l'ingénieur, lequel concours aurait pu lui ouvrir droit au bénéfice de la bonification d'ancienneté mentionnée précédemment, aurait méconnu le principe d'égalité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été lauréat du concours de l'agrégation au titre de l'année 2013. Or, les concours externes spéciaux de l'agrégation ont été créés par le décret du 20 mai 2016 modifiant certains statuts particuliers des personnels enseignants relevant du ministre chargé de l'éducation nationale, qui a modifié l'article 5 du décret du 4 juillet 1972, lequel dispose désormais que " [les] épreuves de l'agrégation comprennent : / 1° Les épreuves d'un concours externe, d'un concours externe spécial ou d'un concours interne ". Le requérant ne pouvait donc passer, au titre de l'année 2013, un concours externe spécial de l'agrégation dans quelque discipline que ce soit. Ainsi, l'absence d'ouverture, à la suite de l'introduction du concours externe spécial par le décret du 20 mai 2016, d'un tel concours dans la discipline des sciences de l'ingénieur est en l'espèce sans incidence sur la situation de M. B.... Par ailleurs, la différence de traitement, résultant de la modification apportée par le décret du 20 mai 2016 aux épreuves du concours de l'agrégation, entre les professeurs qui ont été recrutés dans ce corps avant la date à laquelle est entrée en vigueur la modification statutaire et ceux qui ont été recrutés sous l'empire des nouvelles règles est inhérente à la succession dans le temps des règles applicables et n'est pas, par elle-même, contraire au principe d'égalité. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. En troisième lieu, si M. B... soutient que le ministre de l'éducation nationale procède au reclassement des lauréats du concours externe qui ont effectué leur thèse après le passage du concours en prenant en compte la préparation de leur doctorat, il n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations, alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, ayant passé le concours externe de l'agrégation, et non un concours externe spécial, il ne pouvait bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue par l'article 6 du décret du 4 juillet 1972. Par suite, le moyen doit être écarté.
8. En quatrième lieu, la circonstance qu'aucun concours externe spécial de l'agrégation n'a été organisé dans la discipline des sciences de l'ingénieur, alors que les dispositions de l'article L. 412-1 du code de la recherche prévoient que " [les] concours et procédures de recrutement dans les corps et cadres d'emplois de catégorie A relevant du statut général de la fonction publique sont adaptés [...] afin d'assurer la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle résultant de la formation à la recherche et par la recherche lorsqu'elle a été sanctionnée par la délivrance du doctorat " ne saurait, par elle-même, entacher d'illégalité l'arrêté contesté, lequel a fixé l'ancienneté de M. B..., sans méconnaître, en particulier, et ainsi qu'il a été dit précédemment, les dispositions de l'article 6 du décret du 4 juillet 1972. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 412-1 du code de la recherche doit être écarté.
9. Enfin, M. B... soutient que le décret du 4 juillet 1972 méconnaîtrait le principe d'égalité dès lors qu'il opèrerait une distinction injustifiée selon les disciplines des candidats à l'agrégation. Toutefois, les dispositions de ce décret n'instituent, par elle-même, aucune distinction selon la discipline dans laquelle concourent les candidats. Par ailleurs, la circonstance que le ministère de l'éducation nationale n'a pas ouvert un concours externe spécial de l'agrégation dans la discipline des sciences de l'ingénieur ne relève pas de la légalité du décret du 4 juillet 1972. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité du décret du 4 juillet 1972 doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 30 juin 2023.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05152 2