Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 25 février 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2207389 du 31 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Lancel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2207389 du 31 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 25 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation de séjour et de procéder au réexamen de sa situation en vue de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;
- il a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions du 9 de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mai 2023, à 12 heures.
Un mémoire a été produit par le préfet de police le 12 mai 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Aggiouri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 20 mars 1985, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 février 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / [...] 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour [...] ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour [...] ".
3. L'arrêté attaqué, après avoir visé les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 3° de son article L. 611-1, relève que " le collège des médecins de l'Office de l'immigration et de l'intégration a estimé le 3 janvier 2022 que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Côte d'Ivoire et voyager sans risque vers ce pays ", et que, " après un examen approfondi de sa situation, il ressort que Mme A... ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 425-9 du code susvisé ". Le préfet de police a également indiqué que " Mme A... se déclare célibataire et sans charge de famille en France, qu'elle n'atteste pas être démunie d'attaches familiales à l'étranger, que la présence en France de son fils mineur de nationalité ivoirienne ne lui confère aucun droit au séjour au regard de la législation en vigueur ", de sorte, " que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée à sa vie privée et familiale ". Ainsi, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, qui mentionne les textes dont elle fait application ainsi que la situation personnelle de Mme A... sur laquelle elle se fonde, est suffisamment motivée. A cet égard, la circonstance que le préfet de police n'a pas mentionné le nouveau rendez-vous accordé à Mme A... ne saurait caractériser un défaut de motivation. Par ailleurs, la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise, en application des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à la suite du refus de titre de séjour opposé à Mme A.... En conséquence, sa motivation se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, en droit comme en fait, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, ce refus est lui-même motivé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme A.... A cet égard, si la requérante soutient qu'elle avait obtenu un nouveau rendez-vous auprès des services de la préfecture de police et qu'elle a " tenté de faire une demande complémentaire ", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été empêchée de présenter des pièces au soutien de sa demande ou de compléter sa demande de titre de séjour. Par suite, et alors que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police se serait estimé lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée [...] ".
6. Pour refuser à Mme A..., qui soutient souffrir d'un syndrome des antisynthases assorti d'une atteinte musculaire et pulmonaire, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police a relevé que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et a estimé en conséquence que son admission au séjour n'avait pas lieu d'être prononcée sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour établir l'indisponibilité des soins nécessaires dans son pays d'origine, Mme A... s'est bornée à produire, outre des ordonnances médicales, un compte-rendu d'hospitalisation, et des formulaires faisant état de rendez-vous médicaux, des certificats médicaux mentionnant de manière très sommaire l'indisponibilité des traitements appropriés dans son pays d'origine. Ainsi, les éléments dont se prévaut Mme A... ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. A cet égard, la circonstance que Mme A... a obtenu, entre 2018 et 2021, des titres de séjour en qualité d'étranger malade, n'impliquait pas nécessairement le droit, pour elle, de bénéficier de nouveau d'un tel titre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme A... se prévaut, outre de sa situation médicale, de son activité professionnelle en qualité d'agent de service, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée. Elle soutient également qu'elle a résidé en France en situation régulière entre 2018 et 2021. Toutefois, la requérante, célibataire, est entrée récemment en France, en 2017, soit à l'âge de 32 ans. Par ailleurs, elle n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / [...] 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié [...] ".
10. Si Mme A... soutient que le préfet de police ne pouvait, sans méconnaître les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français, elle n'établit pas, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans le pays de renvoi. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Mme A... soutient qu'elle encourt de graves dangers en cas de retour dans son pays d'origine du fait de son état de santé. Toutefois, eu égard à ce qui a été dit précédemment, et dès lors que la requérante n'établit pas qu'elle ne pourrait pas accéder effectivement aux soins appropriés dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 30 juin 2023.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05072 2