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30/06/2023 | FRANCE | N°22PA03127

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 30 juin 2023, 22PA03127


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande du 15 octobre 2018 tendant, d'une part, au retrait de l'arrêté de suspension du 18 juillet 2018 et à sa réaffectation ou à son reclassement et, d'autre part, à ce que la protection fonctionnelle lui soit accordée, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur, d'une part, de le rétablir dans ses fonctions ou de l'affecter provisoirement à d'autres fonctions, ou à

titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mo...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande du 15 octobre 2018 tendant, d'une part, au retrait de l'arrêté de suspension du 18 juillet 2018 et à sa réaffectation ou à son reclassement et, d'autre part, à ce que la protection fonctionnelle lui soit accordée, et d'enjoindre au ministre de l'intérieur, d'une part, de le rétablir dans ses fonctions ou de l'affecter provisoirement à d'autres fonctions, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, d'autre part, de lui accorder la protection fontionnelle ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 1900278 du 13 mai 2022 le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de mettre fin à la suspension de M. A... à l'expiration d'un délai de quatre mois et de lui donner une affectation provisoire compatible avec son contrôle judiciaire et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 8 juillet 2002, M. A..., représenté par Me Arvis, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement entrepris en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, du ministre de l'intérieur, relative à sa demande de protection fonctionnelle du 15 octobre 2018 ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ou à tout le moins de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L ; 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire protégé notamment par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif que les premiers juges se sont fondés sur une pièce qui n'avait pas été versée au dossier ; - les premiers juges ont commis des erreurs de fait, de droit et d'appréciation ; - la décision lui refusant la protection fonctionnelle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; - elle méconnaît également l'article R. 434-7 du code de la sécurité intérieure ; - il n'a commis aucune faute personnelle ; - elle a été prise en violation de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983. Par un mémoire en défense enregistré le 12 avril 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Une demande de pièce pour compléter l'instruction a été adressée, le 3 mai 2023 au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Le ministre de l'intérieur et de l'outre-mer a produit un mémoire et une pièce qui n'ont pas été communiqués. Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Bourgeois, substituant Me Arvis, pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été nommé gardien de la paix stagiaire le 18 décembre 2017, affecté à la compagnie de protection du palais de justice de Paris. Le 9 juin 2018, il a informé sa hiérarchie d'une altercation physique avec un détenu en attente de comparution, intervenue le même jour, et a été mis en examen pour violences volontaires. Par arrêté du 13 juillet 2018, le ministre de l'intérieur a suspendu M. A... de ses fonctions à titre conservatoire. Par lettre du 15 octobre 2018, M. A... a demandé au ministre de l'intérieur de retirer ou d'abroger cet arrêté, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et de lui communiquer son dossier administratif et médical. Par un jugement n° 1900278 du 13 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de mettre fin à la suspension de M. A... à l'expiration d'un délai de quatre mois et de lui donner une affectation provisoire compatible avec son contrôle judiciaire et a rejeté le surplus de ses demandes. M. A... interjette régulièrement appel du jugement précité en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, du ministre de l'intérieur, relative à sa demande de protection fonctionnelle du 15 octobre 2018. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) " et aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Le caractère contradictoire de la procédure contentieuse implique la communication aux parties des documents sur lesquels les juges se fondent pour prendre leur décision.

3. M. A... soutient que les premiers juges ne pouvaient, pour rejeter ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle, faire mention de la vidéo de l'incident en litige diffusée sur internet, cette pièce n'ayant pas été produite dans le cadre du contradictoire. En dépit de l'absence de production en première instance de ladite vidéo par le préfet de police, celui-ci a mentionné dans ses écritures en défense en date du 6 décembre 2019 le nom et l'adresse du site internet ayant diffusé le 12 juillet 2018 la vidéo correspondant à celle des caméras de surveillance des cellules et présentant le comportement violent et inadmissible d'un gardien de la paix stagiaire. En outre, cette vidéo était accessible à M. A... qui en avait fait état antérieurement même à l'introduction de son instance devant le Tribunal, dans son courrier de demande de protection fonctionnelle du 15 octobre 2018. Dans ces conditions, en l'espèce, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le Tribunal aurait méconnu le principe du contradictoire et les exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 4. En deuxième lieu, le requérant fait valoir que le jugement est entaché d'erreurs de fait, de droit et d'erreur manifeste d'appréciation. Ces moyens, qui relèvent du bien-fondé de la décision juridictionnelle attaquée, ne constituent pas des moyens touchant à sa régularité. En tout état de cause, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement soutenir que le Tribunal a entaché sa décision d'erreurs de fait, de droit et d'erreur manifeste d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur le bien-fondé du jugement : 5. Aux termes de l'article 11 de la loi précitée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) III. Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. Le fonctionnaire entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection. La collectivité publique est également tenue de protéger le fonctionnaire qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale. / IV.-La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". L'article R. 434-7 du code de la sécurité intérieure dispose : " L'Etat défend le policier ou le gendarme, ainsi que, dans les conditions et limites fixées par la loi, ses proches, contre les attaques, menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations et outrages dont il peut être victime dans l'exercice ou du fait de ses fonctions. / L'Etat accorde au policier ou au gendarme sa protection juridique en cas de poursuites judiciaires liées à des faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. Il l'assiste et l'accompagne dans les démarches relatives à sa défense. ". Enfin selon, l'article R. 434-10 du code précité : " Le policier ou le gendarme fait, dans l'exercice de ses fonctions, preuve de discernement.Il tient compte en toutes circonstances de la nature des risques et menaces de chaque situation à laquelle il est confronté et des délais qu'il a pour agir, pour choisir la meilleure réponse légale à lui apporter ". 6. Il résulte d'un principe général du droit que, lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle, et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Ainsi, pour rejeter la demande d'un fonctionnaire qui sollicite le bénéfice des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, l'autorité administrative peut, sous le contrôle du juge, exciper, en l'établissant, du caractère personnel détachable du service de la ou des fautes de l'agent. Elle se prononce au vu des éléments dont elle dispose à la date de sa décision en se fondant, le cas échéant, sur ceux recueillis dans le cadre de la procédure pénale. 7. Par ailleurs, présentent le caractère d'une faute personnelle détachable des fonctions, des faits qui, commis dans l'exercice du service, révèlent des préoccupations d'ordre privé procédant d'un comportement incompatible avec les obligations qui s'imposent dans l'exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. En revanche, ni la qualification retenue par le juge pénal, ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l'intéressé, ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions et justifiant dès lors, que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au fonctionnaire qui en fait la demande. 8. En l'espèce, d'une part, le 9 juin 2018, une altercation a éclaté entre le gardien de la paix A... et un gardé à vue en attente de comparution au moment où ce dernier, placé sous le contrôle de M. A..., regagnait sa cellule après être allé aux toilettes. Le 12 juillet 2018, le site internet " Là-bas si j'y suis " diffusait une vidéo montrant les images des caméras de surveillance des cellules et présentant " le comportement violent et inadmissible d'un gardien de la paix stagiaire ", en l'occurrence M. A.... A la suite de cet incident, l'intéressé a été mis en examen, le 14 juillet 2018, pour des faits de violences volontaires n'ayant pas entrainé une incapacité totale de travail et placé sous contrôle judiciaire. Parallèlement, celui-ci a déposé plainte, le 18 juillet suivant, contre le détenu pour des faits de rebéllion, menaces de mort et violences volontaires contre un dépositaire de l'autorité publique. Le 15 octobre 2018, il a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des procédures qu'il a dû engager pour se défendre des attaques dont il a fait l'objet mais également pour les procédures engagées à son encontre. Il ressort du contenu de la vidéo que M. A... a dû faire face au refus virulent d'un gardé à vue sous escorte de réintégrer sa cellule, et a dû en conséquence le maîtriser au sol avant de le menotter dans l'attente de l'arrivée des renforts. Toutefois, sans attendre l'arrivée de ses collègues, il a décidé de le traîner au sol jusque dans sa cellule et lui a ensuite porté des coups de pied alors que le gardé à vue était resté menotté, allongé dans la cellule, puis, lors de l'arrivée de deux de ses collègues, a continué à lui porter des coups de pied, et a réitéré ces coups alors que ses collègues lui avaient demandé de quitter la cellule et qu'il y était retourné, le gardé à vue étant alors en cours de contrôle par les deux collègues mentionnés. Ainsi, le ministre établit que les faits commis par M. A..., qui, contrairement à ses affirmations, n'était plus seul au moment où les coups en cause ont été portés et ne justifie pas de la nécessité d'aider des collègues en difficultés, constituent un comportement constitutif d'un manquement de discernement qui s'imposaient à lui dans l'exercice de ses fonctions de policier en application des dispositions de l'article R. 434-10 du code de la sécurité intérieure et qui, de surcroît, eu égard aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, ont relevé d'une initiative entièrement personnelle de M. A.... 9. D'autre part, si le requérant fait valoir qu'il a également été l'objet d'insultes et de menaces de mort de la part du gardé à vue, ces insultes et menaces ont été proférées dans les circonstances mentionnées ci-dessus, alors que le gardé à vue n'était plus sous le contrôle de M. A... et que ce dernier n'agissait plus dans le cadre de l'usage légal de ses prérogatives mais, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, se livrait à des agissements caractéristiques d'une faute personnelle. 10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 ci-dessus que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'intérieur a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sollicitée, tant à raison des faits pour lesquels il était poursuivi, qu'à raison des poursuites qu'il avait engagées. 11. Il résute de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées à fin d'annulation et d'injonction ainsi que celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.Délibéré après l'audience du 9 juin 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Simon, premier conseiller,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 30 juin 2023. La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERELa greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N°22PA03127 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03127
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP ARVIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-30;22pa03127 ?
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