La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2023 | FRANCE | N°22PA04390

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 28 juin 2023, 22PA04390


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement.

Par un jugement n° 2207855/6-2 du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2022, M. B..., r

eprésenté par Me Cabot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207855/6-2 du 21 juin 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement.

Par un jugement n° 2207855/6-2 du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Cabot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207855/6-2 du 21 juin 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de police du 20 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'un vice de procédure, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ayant été émis en méconnaissance des dispositions des articles R. 425-11 à R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 9 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant sénégalais né le 12 octobre 1996, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 décembre 2021, le préfet de police lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour son éloignement. Par un jugement du 21 juin 2022 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges n'ont pas visé le moyen, dirigé contre la décision de refus de titre de séjour, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'y ont pas répondu. Dans ces conditions, le jugement est entaché d'irrégularité et, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité, M. B... est fondé à en demander l'annulation pour ce motif.

3. Il y a lieu pour la Cour de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande de M. B....

Sur la décision de refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, la décision vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, et mentionne également les éléments de la situation personnelle et familiale de M. B.... Elle contient ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de police pour refuser son admission au séjour et, par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". L'article R. 425-12 du même code précise que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins " et son article R. 425-13 que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / (...) L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. D'une part, aucune des dispositions précitées, ni aucune autre disposition, n'impose la communication du rapport médical au demandeur d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile préalablement à l'édiction d'une décision lui refusant ce titre. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 17 septembre 2021 a été établi au vu du rapport médical rédigé par le docteur C..., et signé par trois autres médecins régulièrement désignés à cette fin par une décision du 10 août 2021 publiée sur le site internet de l'OFII. L'avis porte en outre la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", de nature à établir le caractère collégial de cet avis dès lors que les médecins signataires de cet avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux. Par ailleurs le respect du délai de trois mois prévu par l'article R. 425-13 précité n'est pas prescrit à peine de nullité. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté en toutes ses branches.

7. En troisième lieu, pour refuser un titre de séjour à M. B..., le préfet de police s'est fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII émis le 17 septembre 2021 indiquant que l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, enfin que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été traité en France pour un glaucome post traumatique ayant nécessité une énucléation et la pose d'une prothèse oculaire, et souffre par ailleurs des troubles psychiatriques. Si le requérant soutient qu'il ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine des traitements nécessités par ces deux pathologies il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'à la date de la décision attaquée aucune pièce médicale n'établit que M. B... suivait un traitement à base de psychotropes non disponibles au Sénégal, les seuls prescriptions produites étant postérieures de 7 mois à la décision attaquée, et, d'autre part, que le traitement des suites de son glaucome ne nécessite qu'un entretien semestriel de sa prothèse par un oculariste, spécialité dont le préfet établit qu'elle est disponible dans au moins un établissement à Dakar. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier que l'entretien nécessité par cette prothèse ne serait pas accessible financièrement au requérant. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour attaquée méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2018, selon ses déclarations, soit à l'âge de 22 ans, et qu'il y est sans charge de famille. Par ailleurs il n'établit pas, par ses seules affirmations, qu'il serait isolé ou victime de discriminations en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas plus fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le refus de séjour n'étant pas entaché d'excès de pouvoir, M. B... n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8, le moyen tiré de ce que la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté.

12. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander à la Cour d'annuler l'arrêté du préfet de police du 20 décembre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2207855/6-2 du 21 juin 2022 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

La rapporteure,

P. HAMON

Le président,

C. JARDIN

La greffière

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04390 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04390
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CABOT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-28;22pa04390 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award