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26/06/2023 | FRANCE | N°22PA03376

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 26 juin 2023, 22PA03376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'avis à tiers détenteur du 22 mars 2022 émis par le Centre des finances publiques du Val-de-Marne.

Par une ordonnance n° 2203187 du 17 juin 2022, le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 21 juillet 2022, 16 janvier et 24 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Denakpo, demande à la Cour :

1°) d'ann

uler l'ordonnance n° 2203187 du 17 juin 2022 du président du Tribunal administratif de Melun ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'avis à tiers détenteur du 22 mars 2022 émis par le Centre des finances publiques du Val-de-Marne.

Par une ordonnance n° 2203187 du 17 juin 2022, le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 21 juillet 2022, 16 janvier et 24 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Denakpo, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2203187 du 17 juin 2022 du président du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'avis à tiers détenteur du 22 mars 2022 émis par le Centre des finances publiques du Val-de-Marne et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 085,82 euros résultant de cet avis à tiers détenteur ou, à défaut, d'échelonner sa dette sur une durée d'au moins deux années ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Denakpo au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance du Centre hospitalier intercommunal (CHI) Villeneuve-Saint-Georges est prescrite dès lors que le délai de réclamation expirait en 2019 et que l'avis à tiers détenteur n'a été émis qu'en 2022 ;

- l'avis à tiers détenteur est entaché d'une erreur de droit en ce que les frais invoqués sont couverts par la couverture maladie universelle complémentaire dont elle bénéficiait durant sa période d'hospitalisation ;

- le refus de remise gracieuse de sa dette est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle, en particulier sur sa santé et ses besoins quotidiens, dès lors qu'elle dispose de revenus modestes.

La requête a été communiqué au CHI Villeneuve-Saint-Georges qui n'a pas produit d'observations.

Par ordonnance du 24 mars 2023, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2023 à 12h.

Par des courriers des 9 et 30 mai 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office les moyens d'ordre public suivants :

1) Irrégularité de l'ordonnance attaquée en ce que le tribunal a retenu à tort sa compétence pour connaître de la contestation d'un avis à tiers détenteur émis par un établissement public de santé, contentieux relatif au recouvrement des créances non fiscales d'un établissement public de santé qui relève du juge de l'exécution en vertu des dispositions des articles L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et L. 281 du livre des procédures fiscales ;

2) Incompétence de la juridiction administrative pour connaître du présent litige ;

3) Irrecevabilité des conclusions tendant au prononcé de la remise ou de l'échelonnement de la dette en tant qu'il s'agit de demandes nouvelles postérieures à l'expiration du délai de recours et, en tout état de cause, irrecevables par leur objet en tant qu'il n'appartient pas au juge administratif d'en connaître, seule l'autorité administrative pouvant se prononcer en ce sens et dont le refus peut, le cas échéant, être contesté devant le juge ;

4) Irrecevabilité pour tardiveté des conclusions de la requête de première instance tendant à la contestation du bien-fondé de la créance du CHI de Villeneuve-Saint-Georges résultant du titre exécutoire du 14 août 2015 dès lors que la requérante a eu connaissance de l'existence de la créance au plus tard en juillet 2018 et n'était ainsi plus recevable à en contester le bien-fondé en mars 2022, conformément aux dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 3 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ho Si Fat, président-assesseur

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'avis de saisie à tiers détenteur du 22 mars 2022 émis par le Centre des finances publiques du Val-de-Marne d'un montant de 2 085,82 euros correspondant aux frais de son hospitalisation au CHI de Villeneuve-Saint-Georges du 23 janvier au 4 février 2015 ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette somme. Elle relève appel de l'ordonnance du 17 juin 2022 par laquelle le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée et la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable en l'espèce : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) ".;

3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / [...] / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés: / [...] / c) Pour les créances non fiscales (...) des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. "

4. Il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

5. Si Mme B... a présenté une demande devant le Tribunal administratif de Melun tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 085,82 euros résultant de de l'avis à tiers détenteur émis par le Centre des finances publiques du Val-de-Marne destiné à recouvrer une créance de 2 085,82 euros correspondant aux frais hospitalier de son séjour au CHI Villeneuve-Saint-Georges du 23 janvier au 4 février 2015, ses conclusions tendaient également à l'annulation de cet avis de saisine à tiers détenteur. De telles conclusions, relatives à l'exigibilité de la créance et non sur son bien-fondé, relèvent du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des établissements publics de santé dont le juge de l'exécution est le seul compétent pour en connaître.

6. Il y a lieu, dès lors, d'annuler pour irrégularité l'ordonnance en date du 17 juin 2022 par lequel le président du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 22 mars 2022 émis par le Centre des finances publiques du Val-de-Marne sans opposer l'incompétence de la juridiction administrative.

7. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 22 mars 2022 et par la voie de l'effet dévolutif sur le bien-fondé de la créance.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'avis à tiers détenteur du 22 mars 2022 :

8. Ainsi qu'il a été énoncé aux points 2 à 5, le litige relatif à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 22 mars 2022 ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative et il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions dirigées contre ce dernier comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les conclusions à fin de décharge :

9. Il résulte des dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, citées au point 2, que l'action, dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par un établissement public de santé, pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de cette créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite.

10. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

11. Il résulte de l'instruction que Mme B... a eu connaissance de l'existence de la créance du CHI Villeneuve-Saint-Georges au plus tard le 16 juillet 2018, date d'introduction de son recours devant le Tribunal administratif de Melun relatif à la contestation d'un avis à tiers détenteur émis à son encontre par la trésorerie de Villeneuve-Saint-Georges en vue du recouvrement de la créance contestée. Dans ces conditions, Mme B..., qui ne se prévaut pas de circonstances particulières, ne pouvait exercer un recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable d'un an à compter de cette date. Il s'ensuit que ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 085,82 euros, enregistrées au greffe du Tribunal administratif de Melun le 31 mars 2022, étaient tardives et, par suite, irrecevables.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 085,82 euros.

Sur la demande d'échelonnement de la dette et de remise gracieuse :

13. Mme B... demande l'échelonnement de sa dette et doit être regardée comme demandant également une remise gracieuse totale de son montant. Toutefois, ces conclusions n'ont été présentées pour la première fois que dans un mémoire enregistré le 16 janvier 2023. Le délai de recours ayant expiré le 22 août 2022, la demande d'aide juridictionnelle n'ayant pas eu d'effet interruptif faute d'avoir été introduite avant son expiration, ce mémoire est postérieur à l'expiration du délai de recours et contient, par conséquent, des demandes nouvelles présentées tardivement et ainsi irrecevables. Par ailleurs, il n'appartient qu'à l'autorité administrative d'accorder un échelonnement de dette ou une remise gracieuse, son refus pouvant, le cas échéant, être contesté devant le juge administratif.

Sur les frais liés à l'instance :

14. L'Etat n'étant pas partie à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à sa charge la somme que demande Me Denakpo, avocat de Mme B..., sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 17 juin 2022 du président du Tribunal administratif de Melun est annulée en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 22 mars 2022 émis par le Centre hospitalier intercommunal Villeneuve-Saint-Georges.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... B... tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 22 mars 2022 émis par le Centre hospitalier intercommunal Villeneuve-Saint-Georges est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au Centre hospitalier intercommunal Villeneuve-Saint-Georges.

Copie en sera adressée au Centre des finances publiques du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2023.

L'assesseure la plus ancienne,

A. COLLET Le président,

F. HO SI FAT

La greffière,

N. COUTY

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA03376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03376
Date de la décision : 26/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. HO SI FAT
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DENAKPO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-26;22pa03376 ?
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