Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme de 991 205,32 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa contamination aux virus de l'hépatite B et C lors de transfusions sanguines.
Par jugement n° 1900684 du 17 décembre 2021, le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, rejeté comme irrecevable une partie des conclusions indemnitaires de la requête et, d'autre part, condamné l'ONIAM à verser à M. A... 48 000 euros en réparation de ses préjudices ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 25 janvier, 19 août, 7 septembre 2022 et 7 mars 2023, M. A..., représenté par Me Boyer, demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement du 17 décembre 2021 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a retenu l'imputabilité de sa contamination au virus de l'hépatite C aux multiples transfusions de facteurs VIII qu'il a reçues depuis son enfance en raison de sa pathologie hémophilique et lui a alloué 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent et 3 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
2°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté comme irrecevable pour absence de liaison du contentieux sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs, de l'incidence professionnelle, des dépenses de santé et du déficit fonctionnel permanent et qu'il a limité le montant de l'indemnisation à la somme totale de 48 000 euros ;
3°) de condamner l'ONIAM à lui verser 919 963,32 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa contamination aux virus de l'hépatite B et C lors de transfusions sanguines, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'ONIAM de sa demande préalable d'indemnisation et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 4 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont jugé à tort irrecevable une partie de ses prétentions indemnitaires ;
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
- l'origine transfusionnelle de ses contaminations hépatiques reconnue par les premiers juges et admise par l'ONIAM doit être confirmée ;
- il est fondé à solliciter en réparation de ses préjudices patrimoniaux temporaires, au titre des dépenses de santé actuelles 5 406 euros, de l'assistance par tierce personne 23 444,82 euros et des pertes de gains professionnels 177 994,50 euros ;
- en réparation de ses préjudices patrimoniaux permanents, au titre des dépenses de santé futures 22 553 euros, des pertes de gains professionnels futurs 426 861 euros et de l'incidence professionnelle 50 000 euros ;
- en réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux temporaires, au titre du déficit fonctionnel temporaire 47 302,50 euros, des souffrances endurées 40 000 euros et du préjudice esthétique 2 500 euros, montant qui lui a été alloué par les premiers juges et qui doit être maintenu ;
- en réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux permanents, au titre du déficit fonctionnel permanent 40 402 euros, du préjudice d'agrément 5 000 euros, du préjudice esthétique 500 euros montant qui lui a été alloué par les premiers juges et qui doit être maintenu, de son préjudice sexuel 3 000 euros et du préjudice d'établissement 25 000 euros ;
- enfin, en réparation de son préjudice d'anxiété 50 000 euros.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juin et 4 septembre 2022, l'ONIAM, représenté par Me Welsch, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) de confirmer le jugement du 17 décembre 2021 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il a alloué à M. A... la somme de 48 000 euros en réparation des préjudices en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C ;
2°) subsidiairement de réduire les sommes allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire à 18 342 euros et des souffrances endurées temporaires à 11 500 euros et de rejeter l'indemnisation des préjudices d'agrément et d'établissement et de limiter l'indemnisation allouée au titre du déficit fonctionnel permanent à la somme de 40 402 euros ;
3°) de rejeter les demandes d'indemnisation des préjudices liés aux dépenses de santé actuelles et futures, des pertes de gains professionnels actuelles et futures et de l'incidence professionnelle ;
4°) subsidiairement de réduire le montant des pertes de gains professionnels actuels et futurs aux sommes maximales de 11 640,25 euros et 19 424,21 euros ;
5°) de rejeter toute autre demande ;
6°) de surseoir à statuer, s'agissant de la demande d'indemnisation de l'assistance par tierce personne, jusqu'à la production des justificatifs relatifs à la perception d'éventuelles aides par M. A... à ce titre et, en tout état de cause, de réduire le montant alloué pour ce chef de préjudice à la somme de 9 477 euros, avant déduction des aides reçues.
Il soutient que :
- il ne remet pas en cause l'origine transfusionnelle du virus de l'hépatite C contracté par M. A... reconnue par le jugement du Tribunal administratif de Melun ;
- s'agissant des dépenses de santé actuelles, le lien de causalité entre les soins podologiques et la contamination par le VHC n'est pas établi et il n'appartient pas à l'ONIAM de prendre en charge au titre de la solidarité nationale la franchise correspondant à la somme déduite par l'assurance maladie des remboursements effectués par la Caisse sur les médicaments, actes paramédicaux et transports sanitaires ;
- s'agissant de l'assistance par tierce personne, M. A... devra produire les justificatifs relatifs à la perception d'éventuelles aides à ce titre et, en tout état de cause, en retenant le tarif horaire de 13 euros sur 412 jours, le montant maximal qui pourra lui être alloué pour ce chef de préjudice s'élève à la somme de 9 477 euros, avant déduction des aides reçues :
- s'agissant des pertes de gains professionnels actuels, le lien avec la seule contamination par le VHC n'est pas établi dès lors qu'il ne peut être retenu une impossibilité de reprendre une activité professionnelle alors que M. A... est guéri de son hépatite C depuis 2017 avec une cirrhose compensée ; à titre subsidiaire, il a été placé en invalidité catégorie 2 à compter du 24 juin 2010 (après un licenciement pour absences répétées en 2009) et la caisse primaire d'assurance maladie retient une imputabilité de la pension d'invalidité au VHC à hauteur de 15%, de sorte que seuls 15% de la perte de revenus subie par M. A... peut être rattaché au VHC soit une somme de 11 640,25 euros après déduction des revenus perçus au titre des indemnités journalières, salaires, pension d'invalidité et indemnité de licenciement ;
- s'agissant des dépenses de santé futures, M. A... évoque des soins podologiques dont le lien de causalité avec la contamination par le VHC n'est pas établi ;
- s'agissant des pertes de gains professionnels futurs, le lien avec la seule contamination par le VHC n'est pas établi dès lors qu'il ne peut être retenu une impossibilité de reprendre une activité professionnelle alors que M. A... est guéri de son hépatite C depuis 2017 avec une cirrhose compensée ; à titre subsidiaire, il ne pourrait en tout état de cause être retenue qu'une perte de gains professionnels futurs limitée à 15%, seule part du préjudice imputable au VHC soit la somme de 19 424,21 euros ;
- s'agissant de l'incidence professionnelle, ce poste de préjudice non suffisamment justifié ne pourra donner lieu à indemnisation ou à défaut seulement à une indemnisation réduite à de plus justes proportions ;
- l'évaluation par le jugement attaqué des troubles de toute nature dans les conditions d'existence à la somme de 48 000 euros doit être confirmée ; à titre subsidiaire, les sommes maximales de 18 342 euros pour le déficit fonctionnel temporaire, de 11 500 euros pour les souffrances endurées, de 2 500 euros pour le préjudice esthétique temporaire, de 500 euros pour le préjudice esthétique permanent, de 3 000 euros pour le préjudice sexuel, de 10 000 euros pour le préjudice pour pathologie évolutive et de 40 402 euros pour déficit fonctionnel permanent pourront être allouées à M. A... et l'absence d'indemnisation des préjudices d'agrément et d'établissement confirmée.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet, première conseillère,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Boyer, avocat de M. A....
Une note en délibéré a été présentée pour M. A... le 5 juin 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 14 juillet 1974, souffrant d'hémophilie A congénitale sévère, a fait l'objet de nombreuses transfusions sanguines destinées à lui administrer des unités de facteur VIII afin de favoriser sa capacité de coagulation. Il a été diagnostiqué porteur du virus de l'hépatite B (VHB) en 1979 et du virus de l'hépatite C (VHC) le 16 avril 1999. Par une demande préalable du 9 février 2018, M. A... a demandé à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) de l'indemniser de ses préjudices. Le 23 mars 2018, l'ONIAM a ordonné une mesure d'expertise destinée à établir le caractère transfusionnel des contaminations alléguées qui a été confiée au docteur C..., lequel a déposé son rapport le 20 août 2018. Par courrier du 14 novembre 2018 reçu le jour même, l'ONIAM a adressé à M. A... une proposition d'indemnisation partielle d'un montant de 48 000 euros en subordonnant l'indemnisation de ses autres postes de préjudices à la production de justificatifs complémentaires. M. A... a refusé cette offre et demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 991 205,32 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par jugement n°1900684 du 17 décembre 2021, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Melun a, d'une part, rejeté comme irrecevable une partie de ses conclusions indemnitaires et, d'autre part, condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 48 000 euros. M. A... demande à la Cour de confirmer ce jugement en tant qu'il a retenu l'imputabilité de sa contamination au virus de l'hépatite C aux multiples transfusions de facteurs VIII qu'il a reçues depuis son enfance en raison de sa pathologie hémophilique et lui a alloué les sommes de 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent et 3 000 euros au titre du préjudice sexuel. Il demande, par ailleurs, à la Cour de réformer ce jugement en tant qu'il a jugé irrecevable pour absence de liaison du contentieux sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices de pertes de gains professionnels actuels et futurs, d'incidence professionnelle, des dépenses de santé et du déficit fonctionnel permanent et qu'il a limité le montant de son indemnisation à la somme totale de 48 000 euros. Il demande, enfin, à la Cour de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 919 963,32 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa contamination aux virus de l'hépatite B et C lors de transfusions sanguines, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'ONIAM de sa demande préalable d'indemnisation et de la capitalisation des intérêts.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ". Aux termes des dispositions des premier, troisième et quatrième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C (...) causée par une transfusion de produits sanguins (...) réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office (...). L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17. (...) La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante ".
3. La décision par laquelle l'ONIAM statue sur une demande préalable tendant à l'indemnisation au titre de la solidarité nationale des conséquences dommageables de la contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite B ou C lie le contentieux à l'égard de la victime ou ses ayants droit pour tous les chefs de préjudice résultant de ce fait générateur qu'ils soient invoqués ou non dans cette demande préalable. Dans les deux mois suivant la notification de la première décision de l'ONIAM statuant sur sa demande préalable d'indemnisation, la victime, ou ses ayants droit, est ensuite recevable à saisir le juge administratif de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur y compris en invoquant des chefs de préjudice non mentionnés dans sa demande préalable ou réservés par la décision de l'ONIAM. Toutefois, lorsque l'ONIAM fait à la victime ou à ses ayants droit une offre partielle, qui ne porte que sur certains postes de préjudice, ou qu'il refuse l'indemnisation de certains postes, la victime, ou ses ayants droit, peut choisir d'attendre la notification de l'ultime proposition de l'ONIAM ou de sa décision de rejet d'indemnisation pour les postes de préjudices restants pour saisir le juge administratif d'une action indemnitaire portant sur l'ensemble des chefs de préjudice en lien avec sa contamination.
4. Il résulte de l'instruction que par courrier du 9 février 2018, M. A... a adressé une demande préalable à l'ONIAM tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de ses contaminations aux VHB et VHC. Par décision du 14 novembre 2018 notifiée le jour même, l'ONIAM lui a adressé une offre partielle en réservant l'indemnisation des postes de préjudices liés au déficit fonctionnel permanent, à l'assistance par tierce personne, aux pertes de gains professionnels, à l'incidence professionnelle et aux dépenses de santé, retenus par l'expert dans son rapport du 20 août 2018, sous réserve de la production de justificatifs complémentaires. Or, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le caractère partiel de cette offre ne faisait pas obstacle à ce que M. A... saisisse le juge administratif aux fins de condamnation de l'ONIAM à l'indemniser, au titre de la solidarité nationale, de tout dommage ayant résulté de sa contamination, y compris des chefs de préjudice qui avaient été réservés par la décision partielle de l'ONIAM, et ce, sans attendre l'ultime proposition de l'ONIAM. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a rejeté comme irrecevables les conclusions de sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices tirés du déficit fonctionnel permanent, de l'assistance par tierce personne, des pertes de gains professionnels, de l'incidence professionnelle et des dépenses de santé et à demander l'annulation du jugement du 17 décembre 2021 de ce tribunal dans cette mesure.
5. Il y a lieu pour la Cour de se prononcer sur lesdits préjudices par la voie de l'évocation et sur les autres conclusions par l'effet dévolutif de l'appel.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité de l'ONIAM :
6. M. A... a fait l'objet de multiples transfusions sanguines depuis sa naissance, destinées à lui administrer des unités de facteur VIII afin de favoriser sa capacité de coagulation en raison de son hémophilie sévère. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Melun, d'une part, que la présence du VHC n'était pas systématiquement détectée chez les donneurs durant la période où M. A... a fait l'objet de transfusions sanguines et, d'autre part, qu'il n'a pas fait l'objet d'actes médicaux invasifs ni adopté un comportement personnel à risque susceptible de révéler la probabilité d'une origine étrangère aux transfusions. Par suite, malgré l'impossibilité de réaliser une enquête transfusionnelle, il y a lieu de confirmer le jugement en tant qu'il retient l'origine transfusionnelle de la contamination au VHC engageant la responsabilité sans faute de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale et ouvrant droit à M. A... à la réparation intégrale des préjudices qui en ont résulté.
En ce qui concerne la réparation des préjudices :
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Quant aux dépenses de santé actuelles :
7. M. A... se prévaut de dépenses de santé engagées avant la consolidation de son état de santé au 29 octobre 2017, correspondant à une somme totale de 5 406 euros. D'une part, il résulte de l'instruction, en particulier du courrier de notification définitive des débours de l'assurance maladie du Val-de-Marne adressé au requérant le 6 février 2020, que le montant des franchises médicales restant à sa charge du fait de ses traitements pour la période du 15 juin 2016 au 4 février 2019 est de l'ordre de la somme de 42 euros. D'autre part, si le requérant se prévaut de dépenses de santé relatives à des soins podologiques afin de traiter une onychomycose dont il souffre depuis 2009 et pour le traitement de laquelle son état hépatique contre-indique la prise de tout médicament, il ne produit aucun justificatif de nature à établir la réalité de ces dépenses avant la date de consolidation. Par suite, il y a lieu de lui accorder seulement le remboursement des dépenses relatives aux franchises médicales en fixant leur montant à la somme de 42 euros.
Quant à l'assistance par tierce personne :
8. M. A... soutient, sans être contesté, avoir eu recours à une assistance par tierce personne non spécialisée durant ses différentes cures du VHC pour les besoins de la vie quotidienne. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 20 août 2018, que son état de santé a nécessité le suivi de quatre cures, à savoir du 22 septembre 1999 au 6 février 2001, du 21 octobre 2002 au 18 janvier 2004, du 6 février 2008 au 9 juillet 2009 et du 15 octobre 2012 au 15 janvier 2013, durant lesquelles il était assisté par sa femme, puis par sa mère et sa sœur, à raison de quatre à cinq heures par semaine, notamment pour l'aider dans ses déplacements ainsi que dans les actes de la vie quotidienne. Dans ces conditions, M. A... est fondé à se prévaloir d'un préjudice lié au besoin d'assistance par une tierce personne à raison de quatre heures et demie par semaine au cours des quatre périodes précitées. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice sur ces périodes, sur la base d'un taux horaire de l'assistance par une tierce personne non spécialisée évalué à 18 euros et proratisé pour prendre en compte les congés payés et les jours fériés sur une base annuelle de 412 jours, en le fixant à la somme arrondie de 20 532 euros.
Quant à la perte de gains professionnels actuels :
9. M. A... sollicite l'indemnisation des pertes de gains professionnels qu'il a subies du 3 novembre 2008, date du début du versement des indemnités journalières, au 24 juin 2010, date de fin de versement des indemnités journalières par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne et du 25 juin 2010, date à compter de laquelle lui a été versée une pension d'invalidité jusqu'au 29 octobre 2017, date de consolidation de son état de santé. Il ne sollicite ainsi l'indemnisation de la perte de gains professionnels subie qu'à compter des troisième et quatrième cures pour le traitement du VHC qui se sont déroulées du 6 février 2008 au 9 juillet 2009 puis du 15 octobre 2012 au 15 janvier 2013. Lors de la troisième cure, il exerçait les fonctions de spécialiste de production depuis 2006 en contrat à durée indéterminée. Il ressort des pièces du dossier qu'il a été placé en arrêt de maladie à compter du 25 juin 2007 pour affection de longue durée et qu'il a été licencié le 26 février 2009 pour nécessité de remplacement définitif en raison de son absence prolongée depuis le 25 juin 2007. Il a été reconnu comme travailleur handicapé avec une invalidité supérieure à 80 % en avril 2009 et bénéficie d'une pension d'invalidité catégorie II depuis le 25 juin 2010 versée par la caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France pour laquelle la CPAM du Val-de-Marne indique dans son courrier du 6 février 2020 que l'imputabilité de cette pension à la seule contamination au VHC doit être fixée à 15 %. L'expert relève dans son rapport que doivent être pris en compte " les désagréments et les contraintes des traitements de l'hépatite C " et que pendant " au moins deux cures le patient a perdu 25 % de son poids le mettant ainsi dans l'incapacité de travailler " et que les contraintes de ses traitements hépatiques lui " ont imposé de cesser toute activité à partir de février 2009 ".
10. Il résulte ainsi de l'instruction que le licenciement de M. A... est intervenu le 26 février 2009 alors qu'il suivait une troisième cure de traitement contre le VHC depuis le 6 février 2008, traitement dont les contraintes et la lourdeur ont été soulignées par l'expertise, et que son employeur lui a opposé pour justifier la rupture de son contrat de travail son absence à son poste désorganisant le service. Ainsi, le lien de causalité entre une partie ou la totalité des pertes de gains professionnels qu'il a subies du 3 novembre 2008 au 29 octobre 2017 et sa pathologie liée au VHC peut être regardé comme direct et certain jusqu'à la date de consolidation de son état à savoir le 29 octobre 2017. Il résulte de l'instruction que M. A... a perçu entre le 3 novembre 2008 et le 29 octobre 2017 des salaires, des indemnités journalières et une pension d'invalidité pour un montant total de 103 013,54 euros alors que le salaire annuel de référence correspondant à sa dernière année pleine travaillée en 2006 est de 21 233 euros, de sorte qu'il aurait dû percevoir une somme de 191 097 euros entrainant ainsi une perte de gains professionnels de 88 083,46 euros. Dès lors que ses pertes de revenus sont entièrement imputables à sa contamination par le VHC au cours des périodes de cure de traitement contre ce virus et ne sont imputables à sa contamination par le VHC qu'à hauteur de 15 % en-dehors de ses périodes de cure, il sera fait une juste évaluation de la perte de gains professionnels subie par M. A... du 3 novembre 2008 jusqu'au 29 octobre 2017 en lui allouant à ce titre la somme arrondie de 23 000 euros en prenant en compte une revalorisation de son salaire au cours de cette période de neuf années.
S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :
Quant aux dépenses de santé futures :
11. M. A... se prévaut de dépenses de santé engagées depuis la consolidation de son état de santé au 29 octobre 2017 relatives à des soins podologiques à raison d'une séance toutes les trois semaines afin de traiter une onychomycose dont son état de santé hépatique contre-indique la prise de tout traitement médicamenteux. Si le rapport d'expertise mentionne la nécessité de ces séances à cette fréquence, M. A... ne produit aucun justificatif de nature à démontrer en avoir bénéficié après la date de consolidation de son état de santé, de sorte que le caractère certain du préjudice n'est pas établi. Toutefois, ces mêmes mentions du rapport d'expertise sont suffisantes pour regarder ce préjudice comme certain à l'avenir, soit à partir de la date de notification du présent arrêt, de sorte que l'ONIAM remboursera les frais correspondant aux soins podologiques exposés par M. A... pour le traitement de son onychomycose restant à sa charge sur présentation des justificatifs à la fin de chaque année civile, frais assortis des intérêts au taux légal prévus par l'article 1231-6 du code civil s'appliquant de droit à compter de la date à laquelle M. A... aura transmis tous les justificatifs précités par lettre qui vaudra demande de paiement.
Quant aux pertes de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle :
12. Si M. A... allègue que les traitements hépatiques reçus à compter de sa date de consolidation au 29 octobre 2017 lui ont définitivement interdit de continuer à exercer sa profession, il ne résulte pas de l'instruction que cette pathologie l'empêchait d'exercer une activité professionnelle à compter de cette date, le rapport d'expertise se bornant uniquement à indiquer qu'il était probable que le requérant alors âgé de 44 ans ne reprenne pas une activité professionnelle. Au demeurant, comme le fait valoir l'ONIAM en défense, M. A... est guéri du VHC depuis 2017, malgré une cirrhose compensée et la nécessité de réaliser une échographie tous les six mois pour surveiller le risque d'un hépatocarcinome, circonstances ne constituant pas des éléments suffisants de nature à démontrer le caractère direct du préjudice invoqué avec sa contamination transfusionnelle au VHC. Par suite, aucune indemnisation ne peut lui être allouée pour ce chef de préjudice.
Quant à l'incidence professionnelle :
13. Il résulte de l'instruction que si les séquelles liées à sa contamination transfusionnelle au VHC, à savoir notamment une cirrhose compensée, ont pu limiter ses opportunités futures d'emploi, d'autres facteurs ont eu également un impact sur ses possibilités professionnelles à savoir son infection par le virus de l'immunodéficience humaine, son surpoids et son état dépressif multifactoriel. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste évaluation de son préjudice en lui allouant à ce titre la somme de 5 000 euros.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
14. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 20 août 2018 du docteur C..., que M. A..., du fait de sa contamination au VHC, a souffert, d'une part, d'un déficit fonctionnel temporaire total de dix jours pendant les hospitalisations nécessaires pour établir les bilans de ses maladies hépatiques et, d'autre part, d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % du 22 septembre 1999 au 6 février 2001, du 21 octobre 2002 au 18 janvier 2004, du 6 février 2008 au 9 juillet 2009 et du 15 octobre 2012 au 15 janvier 2013, soit pendant 1 568 jours, ainsi que d'un déficit temporaire partiel de 15 % d'avril 1999 au 29 octobre 2017, soit pendant 5 218 jours, déduction faite des 1 568 jours relatifs au déficit de 50 %. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en fixant son montant à la somme arrondie de 26 270 euros.
Quant aux souffrances temporaires endurées :
15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité, que les souffrances endurées par M. A... ont été évaluées à 5 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à M. A... la somme de 13 530 euros.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
16. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation du préjudice subi en allouant à M. A... la somme de 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire évalué à 2 sur une échelle de 7 par le rapport d'expertise précité.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :
Quant au déficit fonctionnel permanent :
17. Il résulte de l'instruction, en particulier des mentions du rapport d'expertise, que M. A... souffre d'un déficit fonctionnel permanent de 15 % attribué à sa cirrhose compensée, séquelle du VHC, et de 10 % lié à ses symptômes dépressifs provenant de la prise continue du traitement nécessité par sa pathologie hépatique. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant à ce titre la somme demandée de 32 000 euros.
Quant au préjudice d'agrément :
18. Il résulte de l'instruction que si M. A... indique qu'il a dû renoncer à toute activité compte tenu de ses douleurs physiques et de son état dépressif, il ne précise pas davantage en appel qu'en première instance à quelle activité il a dû renoncer. Dans ces conditions, aucune indemnisation ne peut lui être allouée à ce titre.
Quant au préjudice esthétique permanent :
19. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 20 août 2018 du docteur C..., que le préjudice esthétique permanent de M. A... a été évalué à 0,5 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce préjudice en allouant à M. A... la somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent.
Quant au préjudice sexuel :
20. Il résulte de l'instruction que dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont procédé à une juste appréciation du préjudice sexuel subi par M. A... en lui allouant la somme de 3 000 euros.
Quant au préjudice d'établissement :
21. M. A... soutient que sa pathologie a une incidence sur sa vie de couple et qu'il a dû recourir à la fécondation in vitro pour avoir sa fille, toutefois, il a pu concrétiser son projet de vie familiale avant son divorce. Par ailleurs, s'il soutient que l'altération de son état physique, sa vie sexuelle difficile, ainsi que le fait qu'il vive replié sur lui-même, rendent quasi impossible le projet d'une nouvelle vie familiale, il n'établit pas davantage en appel qu'en première instance le lien entre sa contamination au VHC et les difficultés qu'il rencontre désormais à poursuivre ce projet. Par suite, aucune indemnisation ne peut lui être accordée à ce titre.
Quant au préjudice pour pathologie évolutive, au préjudice d'anxiété ou de contamination :
22. M. A... doit être regardé comme demandant l'indemnisation à la fois du préjudice dit de pathologie évolutive lié au risque de survenue d'un hépatocarcinome, que l'expert estime possible et du préjudice d'anxiété ou de contamination lié aux inquiétudes éprouvées suite à sa contamination. Si M. A... n'apporte en cause d'appel aucun élément supplémentaire de nature à démontrer les craintes qu'il ressent depuis la consolidation de son état de santé sur l'évolution de sa contamination au VHC, en revanche s'agissant des inquiétudes qu'il a pu ressentir du fait de sa contamination diagnostiquée en 1999 et des conséquences graves qui pouvaient en résulter jusqu'à la date du constat de sa guérison, les premiers juges ont procédé à une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant la somme de 10 000 euros.
23. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... est fondé à demander que la somme de 48 000 euros que l'ONIAM a été condamné à lui verser par le jugement du 17 décembre 2021 du Tribunal administratif de Melun soit portée à la somme de 136 374 euros et que soit mis à la charge de l'ONIAM à compter de la date du présent arrêt dans les conditions précisées au point 11 ci-dessus les frais correspondant aux soins podologiques exposés par M. A... pour le traitement de son onychomycose.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
24. D'une part, les sommes allouées à M. A... par le présent arrêt porteront intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018, date de l'enregistrement par l'ONIAM de sa demande préalable d'indemnisation du 9 février 2018, mentionnée par le docteur C... dans le rapport d'expertise déposé le 20 août 2018.
25. D'autre part, l'article 1343-2 du code civil, dispose que " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. Cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ". La capitalisation des intérêts ayant été demandée dans la requête enregistrée devant le Tribunal administratif de Paris le 11 janvier 2019, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 14 février 2019 date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés à l'instance :
26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900684 du Tribunal administratif de Melun du 17 décembre 2021 est annulé en tant qu'il a jugé irrecevables les conclusions indemnitaires présentées par M. A... au titre des préjudices tirés du déficit fonctionnel permanent, de l'assistance par tierce personne, des pertes de gains professionnels, de l'incidence professionnelle et des dépenses de santé.
Article 2 : La somme de 48 000 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. A... par le jugement du 17 décembre 2021 du Tribunal administratif de Melun est portée à la somme de 136 374 euros, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 14 février 2018, les intérêts échus à la date du 14 février 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'ONIAM est condamné à rembourser à M. A... les frais correspondants aux soins podologiques restant à sa charge qu'il aura exposés chaque année pour le traitement de son onychomycose sur présentation des justificatifs dans les conditions fixées au point 11 du présent arrêt.
Article 4 : Le jugement n° 1900684 du Tribunal administratif de Melun du 17 décembre 2021 en tant qu'il a statué sur les préjudices autres que ceux mentionnés à l'article 1er du présent dispositif est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'ONIAM versera à M. A... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. A... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 5 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,
- Mme Collet, première conseillère,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 juin 2023.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
F. HO SI FAT
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00380