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22/06/2023 | FRANCE | N°21PA01814

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 22 juin 2023, 21PA01814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 mars 2019 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à adjoindre à son nom celui de " Baudoin ".

Par un jugement n° 1911583/4-2 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 et 12 avril 2021, et 30 septembre 2022, M. B..., re

présenté par Me Marcel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911583/4-2 du 11 fé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 mars 2019 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à adjoindre à son nom celui de " Baudoin ".

Par un jugement n° 1911583/4-2 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, des pièces et un mémoire complémentaire enregistrés les 9 et 12 avril 2021, et 30 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Marcel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911583/4-2 du 11 février 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 28 mars 2019 de la garde des sceaux, ministre de la justice ayant rejeté sa demande de changement de nom ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice d'édicter le décret portant changement de nom ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il justifie au dossier que ses parents et ses grands-parents dans la lignée paternelle, ont usé de manière constante du nom " Milcent-Baudoin ", dont il est fait un usage constant et ininterrompu depuis trois générations, de sorte que la décision méconnaît les dispositions de l'article 61 du code civil.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lapouzade,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Baysan, substituant Me Marcel pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1984, a demandé à la garde des sceaux, ministre de la justice, d'adjoindre à son nom celui de " Baudoin ", qui est le nom de naissance de sa grand-mère paternelle et que selon lui, toute la famille porte de manière accolée au nom de B..., depuis le mariage de ses grands-parents en 1946. Par une décision du 28 mars 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande. M. B... fait appel du jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré (...) ". La possession d'état qui résulte du caractère constant et ininterrompu, pendant plusieurs dizaines d'années, de l'usage d'un nom, peut caractériser l'intérêt légitime requis par les dispositions de l'article 61 du code civil.

3. M. B... se prévaut de l'usage constant du nom de " Milcent-Baudoin " sur trois générations. Pour rejeter sa demande, la garde des sceaux a relevé que l'intéressé ne justifiait de son propre usage du nom que pour certaines années entre 2006 et 2012 et que les éléments produits étaient trop succincts pour établir l'usage de ce nom par ses parents et ses grands-parents, dans la lignée paternelle. En première instance, M. B... a produit de nombreux documents permettant d'attester qu'il justifie user de ce nom depuis au moins sa scolarité à compter de 1987 et jusqu'en 2002, puis dans ses études supérieures à partir de 2003 et jusqu'en 2011, ses diplômes mentionnant son double nom, ainsi que dans sa vie professionnelle, ses bulletins de salaire à compter de 2012 jusqu'en 2021, en France comme aux Etats-Unis, ainsi que ses relevés d'identité bancaire, le mentionnant également. De même certains de ses documents d'identité et administratifs mentionnent son nom d'usage " Milcent-Baudoin ", comme son passeport établi en 2007, un certificat d'immatriculation de son véhicule établi en 2010, ou son brevet de préparation militaire supérieure " marine " pour l'année 2006-2007. En appel, M. B... produit de nombreux documents, tant de nature privée, que professionnelle et administrative, qui font état de l'usage du nom " Milcent-Baudoin " par la famille. Ainsi, en ce qui concerne la génération de ses grands-parents, il produit la carte nationale d'identité de sa grand-mère mentionnant ce nom, délivrée en 1988, ainsi que des relevés bancaires de celle-ci en 1991 et 1998 et son avis de décès, qui mentionnent ce même nom. Il produit également des cartes de visite de ses grands-parents à ce nom et l'attestation de sa mère faisant état de ce qu'il est porté dans la famille depuis que la grand-mère de M. A... B..., l'a adjoint au nom de son mari à compter de son mariage. Pour la génération de ses parents, l'appelant produit également de nombreuses pièces attestant de l'usage constant du nom de " Milcent-Baudoin ", par sa mère, notamment mentionné dans ses diplômes d'études supérieures, délivrés dès 1974, et son permis de conduire établi en 2012, ainsi que par son père, notamment à travers ses opérations des comptes bancaires dès 1983, sa carte d'identité délivrée en 2009 mentionnant ce nom d'usage, ainsi que les factures liées aux charges du domicile familial. Ces documents établissent un usage ancien et constant du nom " Milcent-Baudoin " par la famille de l'intéressé pendant plusieurs décennies. Ils sont dès lors de nature à conférer la possession d'état de ce nom à M. A... B.... Par suite, l'appelant justifie d'un intérêt légitime à changer de nom, par dérogation aux règles de dévolution et de fixité du nom de famille établies par la loi.

4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Le jugement du 11 février 2021 ainsi que la décision du 28 mars 2019 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de nom, doivent donc être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

6. L'annulation de la décision en litige pour le motif retenu au point 3 implique nécessairement que le garde des sceaux, ministre de la justice, présente au Premier ministre, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, un projet de décret autorisant M. B... à changer son patronyme en " Milcent-Baudoin ".

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1911583/4-2 du 11 février 2021 du tribunal administratif de Paris et la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 28 mars 2019 rejetant la demande de changement de nom de M. A... B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de présenter au Premier ministre, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, un projet de décret autorisant M. B... à changer son patronyme en " Milcent-Baudoin ".

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le président-rapporteur,

J. LAPOUZADELe président-assesseur,

S. DIEMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01814


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01814
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Lapouzade
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : HB2M AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-22;21pa01814 ?
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