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21/06/2023 | FRANCE | N°22PA03955

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 juin 2023, 22PA03955


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

25 janvier 2022 par lequel le préfet de police de Paris a retiré sa carte de séjour temporaire valable du 30 juin 2021 au 29 juin 2022, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2203307/1-2 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Paris

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 août...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

25 janvier 2022 par lequel le préfet de police de Paris a retiré sa carte de séjour temporaire valable du 30 juin 2021 au 29 juin 2022, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2203307/1-2 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 août 2022, M. A..., représenté par Me Stephan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 25 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le retrait de titre de séjour :

- il est entaché d'incompétence de son signataire ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la même convention ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle dès lors que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est dépourvue de base légale, dès lors qu'elle est fondée sur un retrait de titre de séjour lui-même illégal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la même convention ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur un retrait de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français eux-mêmes illégaux ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur un retrait de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français eux-mêmes illégaux ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale, dès lors qu'elle est fondée sur un retrait de titre de séjour et une obligation de quitter le territoire français eux-mêmes illégaux ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle a été prise en violation du principe du contradictoire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mars 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 20 juillet 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A... pour la présente procédure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 14 février 1983, est entré en France en juin 2017 selon ses déclarations. Il a sollicité le statut de réfugié le 28 août 2017. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 juillet 2018. Puis, le 22 mars 2019, le requérant a demandé un titre de séjour au titre de son état de santé. Il a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable du 30 juin 2021 au 29 juin 2022. Par un arrêté du 25 janvier 2022, le préfet de police de Paris a retiré cette carte de séjour temporaire, a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. L'intéressé demande à la cour d'annuler le jugement du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

En ce qui concerne le moyen commun soulevé contre les décisions portant retrait de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

2. M. A... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire des actes contestés qu'il avait soulevé en première instance, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux susceptibles de remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué sur ce point. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Paris, d'écarter ce moyen, réitéré devant la cour.

En ce qui concerne la décision portant retrait du titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision litigieuse vise les textes dont il est fait application, expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de M. A..., en particulier les éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour retirer son titre de séjour. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite et quand bien même l'arrêté ne mentionne pas tous les éléments, notamment médicaux, relatifs à la situation de l'intéressé, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 13 juin 2017 selon ses allégations, qu'il a sollicité l'asile en août 2017 et que, dès le 21 septembre 2017, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, pour vol aggravé par deux circonstances. Il a ensuite été condamné le 21 octobre 2017 par le tribunal correctionnel de Paris à un mois d'emprisonnement pour tentative de vol commis dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs, puis le 16 août 2018 par le tribunal correctionnel de Paris à deux mois d'emprisonnement pour tentative de vol aggravé par deux circonstances ; il a également été condamné le 26 janvier 2021 par le président du tribunal judiciaire de Paris à quatre mois d'emprisonnement pour recel de bien provenant d'un vol, puis le 30 mars 2021 par le président du tribunal correctionnel de Paris à six mois d'emprisonnement pour vol aggravé par deux circonstances, tentative d'escroquerie et d'escroquerie avec récidives. Il a été placé en détention du 31 mars 2021 au 2 octobre 2021. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal d'audition du 1er avril 2020 que M. A... a été interpellé en flagrant délit pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, faits dont il ne conteste pas la matérialité. Ainsi, compte tenu du nombre, de la répétition et du caractère récent de ces faits délictueux, dont les plus anciens ont été commis quelques semaines après l'entrée en France de l'intéressé, le préfet de police a pu légalement retirer sa carte de séjour temporaire au motif que son comportement constituait une menace pour l'ordre public, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il serait désormais " livreur cargo cycle " et aurait entamé des démarches pour suivre une formation. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur d'appréciation en considérant qu'il représentait une menace pour l'ordre public. La circonstance, à la supposer établie, qu'il remplirait les conditions prévues par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est à cet égard sans incidence.

6. En troisième lieu, la décision portant retrait du titre de séjour n'a pas pour objet de déterminer le pays à destination duquel M. A... sera renvoyé. Par suite, comme relevé à bon droit en première instance, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de cette décision.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de ce la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. M. A... se prévaut de son insertion professionnelle et sociale, de son état de santé, et de son absence de famille dans son pays d'origine. Il produit un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi de chauffeur-livreur signé avec la société " la Petite Reine " le 4 octobre 2021 et les bulletins de paie afférents, un courrier de Pôle emploi concernant une formation à l'utilisation de chariots automoteurs et une attestation d'hébergement de l'association " Domiciles ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le requérant est célibataire et sans charge de famille et, d'autre part, que son comportement représente une menace pour l'ordre public sur le territoire français. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux ne porte pas au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but de préservation de l'ordre public en vue duquel il a été édicté. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu et ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision retirant à M. A... un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise sur le fondement d'une décision illégale. L'exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écartée.

10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5, 7 et 8 du présent arrêt, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En troisième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'a pas pour objet de déterminer le pays à destination duquel M. A... sera renvoyé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de cette décision.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu et ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions retirant à M. A... un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement de décisions illégales. L'exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écartée.

13. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

14. M. A... soutient que l'arrêté contesté, en ce qu'il fixe la Côte d'Ivoire comme pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, le requérant, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 juillet 2018, ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'il serait susceptible de faire l'objet de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. S'il fait en outre valoir que les algies vasculaires de la face dont il souffre ne peuvent être soignées dans son pays d'origine, les documents qu'il produit ne l'établissent pas, alors que par un avis émis le 23 juillet 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que les soins dont il avait besoin étaient disponibles en Côte d'Ivoire. Enfin, le requérant ne peut davantage se prévaloir d'un certificat médical du 19 avril 2022, relatif à l'hépatite B dont il est atteint, qui n'établit pas qu'il ne pourrait recevoir un traitement dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

15. En premier lieu et ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions retirant à M. A... un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire n'a pas été prise sur le fondement de décisions illégales. L'exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écartée.

16. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

17. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 5, le comportement de M. A... constitue une menace pour l'ordre public, le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle, refuser au requérant l'octroi d'un délai de départ volontaire. Le moyen doit donc être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. En premier lieu et ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions retirant à M. A... un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, l'interdiction de retour sur le territoire français n'a pas été prise sur le fondement de décisions illégales. L'exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écartée.

19. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes de l'article 51 de cette charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / (...). ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt C-141/12 et C-372/12 du 17 juillet 2014), que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.

20. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 15 novembre 2021, M. A... a été informé de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'un retrait de titre de séjour pour trouble à l'ordre public, circonstance pour laquelle il était également susceptible de se voir refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire, et de faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français en vertu des dispositions des articles L. 612-4 et L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que le préfet de police n'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure de retrait, expressément invité l'intéressé à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder M. A... comme ayant été privé de son droit à être entendu, alors qu'il n'apporte aucune précision sur les éléments pertinents qu'il aurait été empêché de faire valoir et qui auraient été susceptibles d'exercer une influence sur le contenu des décisions prises à son encontre. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

21. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ". Aux termes des dispositions de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

22. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

23. La décision portant interdiction de retour sur le territoire national pour une durée de trente-six mois vise l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise que M. A... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai, porte l'appréciation selon laquelle M. A... représente une menace pour l'ordre public en restant sur le territoire national, qu'il allègue être entré sur le territoire le 13 juin 2017 et que, célibataire et sans charge de famille, il ne justifie pas être démuni d'attaches familiales à l'étranger. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette décision manque en fait.

24. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, s'agissant de la caractérisation de la menace pour l'ordre public, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation du préfet quant au principe et à la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 25 janvier 2022. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Marianne Julliard, présidente,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2023.

La rapporteure,

G. B...La présidente,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03955
Date de la décision : 21/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : STEPHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-21;22pa03955 ?
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