Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n°2203900 du 20 janvier 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Trugnan Battikh, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 janvier 2023 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 26 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne à titre principal de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ou " étudiant " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au préfet.
Elle soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 425-9 et L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Mme A... a produit des pièces complémentaires le 11 avril 2023.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 23 février 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte-d'Ivoire relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les observations de Me Ben-Saadi pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissant ivoirienne, née le 29 décembre 1999, a sollicité le
6 novembre 2021 le renouvellement d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ". Par un arrêté du 26 janvier 2022, le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Mme A... a saisi le Tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 20 janvier 2023, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance, s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 110-1 du même code, " sous réserve du droit de l'Union européenne et des conventions internationales ". L'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 stipule que : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants. Ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité d'effectuer dans l'autre État d'autres types d'études ou de stages de formation dans les conditions prévues par la législation applicable ". L'article 14 de la même convention stipule que : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par les législations respectives des deux États ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions et stipulations que l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, n'est pas applicable aux ressortissants ivoiriens désireux de poursuivre leurs études en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cet accord. Par suite, la décision contestée ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, comme l'a fait le tribunal, il convenait donc de substituer l'article 9 de la convention franco-ivoirienne du 21 septembre 1992 aux dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mentionnées par l'arrêté en cause, dès lors, en premier lieu, que les stipulations précitées de l'article 9 de la convention et les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont équivalentes au regard des garanties qu'elles prévoient, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver la requérante, qui a été en mesure de produire des observations, d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation sur la réalité et le sérieux des études poursuivies par l'intéressée.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir validé en 2020/2021 sa deuxième année de " Bachelor management " à l'école de commerce " Campus Strat@innov " de Paris, la requérante s'est inscrite au titre de l'année universitaire suivante au sein du centre de formation " All Technics communication " pour un contrat de professionnalisation d'une durée de 7 mois en vue d'un certificat de qualification professionnelle employé de commerce niveau 3 dominante caisse. Si cette formation s'intègre dans une formation professionnelle et non dans un cursus d'enseignement supérieur, la requérante se prévaut aussi de son inscription au titre de l'année 2021 / 2022 en troisième année du " bachelor " au sein de l'établissement " Campus Strat@innov ". Certes, cette troisième année s'est déroulée de manière décalée puisqu'elle n'a débuté que le 7 février 2022, quelques jours après l'arrêté attaqué, mais Mme A... justifie des démarches antérieures pour sa réinscription en produisant des courriels datés d'août et de septembre 2021. En outre, Mme A... justifie ultérieurement de son assiduité et de la réussite à cette troisième année. Mme A... est donc fondée à soutenir que le préfet de Seine-et-Marne a commis une erreur d'appréciation s'agissant de la réalité et du sérieux de ses études et a méconnu l'article 9 de la convention franco ivoirienne du 21 septembre 1992 et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour et, par voie de conséquence, l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Le présent arrêt, eu égard à son motif d'annulation, implique nécessairement que le préfet de Seine-et-Marne délivre un titre de séjour mention " étudiant " à la requérante. Il y a lieu, dès lors, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, un tel titre de séjour à Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des dispositions susvisées sous réserve que Me Trugnan Battikh renonce à la part contributive de l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2203900 du 20 janvier 2023 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 26 janvier 2022 pris à l'encontre de Mme A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne, sous réserve d'un changement des circonstances de droit et de fait, de délivrer un titre de séjour mention " étudiant " à
Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Trugnan Battikh au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de Seine-et- Marne.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01409