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14/06/2023 | FRANCE | N°22PA03909

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 14 juin 2023, 22PA03909


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police du 18 janvier 2022 lui retirant sa carte de séjour temporaire, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi d'office et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2202667/8 du 28 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 18 janvier 2022.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2022, le préfet de police demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police du 18 janvier 2022 lui retirant sa carte de séjour temporaire, l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi d'office et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2202667/8 du 28 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 18 janvier 2022.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.

Il soutient que l'arrêté contesté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 10 mars 2023, M. B..., représenté par Me Sarah Arrom, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union/EEE/ Suisse - Toutes activités professionnelles " ou à défaut " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près du Tribunal judiciaire de Paris du

8 février 2023, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été reportée au

31 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- et les observations de Me Arrom représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 26 juin 1972 et entré en France en 1997 selon ses déclarations, s'est vu retirer, pour un motif tiré de la menace à l'ordre public, sa carte de séjour temporaire valable du 16 juillet 2021 au 15 juillet 2022 par un arrêté du préfet de police du

18 janvier 2022 lui faisant également obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi d'office et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de trente-six mois. Le préfet de police relève appel du jugement du 28 juillet 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 18 janvier 2022.

Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... qui se prévaut d'une résidence continue sur le territoire français depuis 1997 ne l'établit pas pour la période de 1997 à 2014, par la seule attestation de son ancienne compagne, qui déclare avoir vécu avec lui de 2000 à 2010 sans précision du lieu de résidence, et d'un certificat d'hébergement du samu social de Paris pour les nuitées du

18 juillet 2010, puis du 17 décembre 2010 au 30 janvier 2011. Il a été condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement pour usage de faux en écriture, usage illicite de stupéfiants, rébellion, recel de biens provenant d'un vol, escroquerie et prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales, par un jugement du Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse en date du 5 février 2019, puis à une peine de deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis suite à son appel contre ce jugement, par la Cour d'appel de Lyon. Il a été emprisonné à compter de septembre 2021 puis placé en détention à son domicile sous surveillance électronique du 24 juin 2022 au 1er septembre 2022. Ses deux enfants, nés le 5 juillet 2013, qui sont de nationalité slovaque, mais dont il n'est pas établi qu'ils n'auraient pas également la nationalité de leur père, et qui vivaient au foyer familial avec l'intéressé et leur mère de nationalité slovaque, dans un contexte de violence intra familial constaté par le juge des enfants dans son jugement du 20 octobre 2021, ont été placés à l'aide sociale à l'enfance en raison de l'incarcération de M. B..., dont le juge des enfants a pu toutefois relever son implication auprès de ses enfants, et l'incapacité de la mère des enfants, souffrant d'une pathologie psychiatrique, à les prendre seule en charge. Toutefois, M. B... n'établit pas avoir maintenu des liens avec eux à compter de son incarcération ou même les avoir rétablis, notamment à partir de son placement en détention à son domicile ou ultérieurement. Le maintien des relations avec sa compagne n'est pas non plus établi. Il ne justifie par ailleurs d'aucune insertion dans la société française, quand bien même il aurait exercé une activité salariée durant son incarcération et réalisé des actions de bénévolat à compter de 2019. Au regard de la gravité de l'infraction pour laquelle M. B... a été condamné et des conditions d'exercice de sa vie familiale en France, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a annulé ses décisions du 18 janvier 2022.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

Sur les autres moyens d'annulation invoqués par M. B... :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions attaquées :

5. Les décisions attaquées qui visent les articles L. 432-4, L. 611-2, L. 613-2, L. 612-6 et

L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précisent les éléments de fait relatifs à la situation de M. B... sont suffisamment motivées.

En ce qui concerne les autres moyens relatifs au retrait du titre de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été condamné, par un jugement du Tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse en date du 5 février 2019, à une peine de prison de deux ans, dont un an avec sursis pour usage de faux en écriture, usage illicite de stupéfiants, rébellion, recel de biens provenant d'un vol, escroquerie et prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales et que le quantum de la peine a été confirmé en appel. Au regard de la peine prononcée et du caractère récent de cette condamnation, le préfet de police n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que M. B... représentait une menace pour l'ordre public.

8. En deuxième lieu, M. B..., qui conteste la légalité du retrait de son titre de séjour et non un refus de titre de séjour, ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 3., M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ou méconnaîtrait l'intérêt supérieur de ses enfants, garanti par l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, pour les motifs indiqués supra, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français en conséquence de l'illégalité de la décision de retrait de titre de séjour doit être écarté.

11. En second lieu, pour les motifs exposés aux points 3. et 9. du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision de refus de départ volontaire :

12. En premier lieu, pour les motifs exposés aux points 10. et 11., M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

13. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni de la décision attaquée que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de l'intéressé.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ;(...) ".

15. Pour le motif exposé au point 7., le préfet de police était fondé à considérer que

M. B... représentait une menace à l'ordre public. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit par suite être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

16. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle la décision attaquée est fondée n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen soulevé contre la décision fixant le pays de destination, par la voie de l'exception de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

17. En premier lieu, il ne ressort pas de la décision attaquée ou des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

18. En deuxième lieu, le moyen tiré, par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit, compte tenu de ce qui précède, être écarté.

19. En dernier lieu, pour les motifs exposés aux points 3. et 7., et alors même que

M. B... n'avait jamais fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français, le préfet de police était fondé à prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trente-six mois.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à obtenir l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal. Les conclusions présentées par M. B... devant la Cour ne peuvent, en conséquence qu'être rejetées, ensemble celles à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2202667/8 du Tribunal administratif de Paris du 28 juillet 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

La rapporteure,

Signé

E. TOPINLe président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03909


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03909
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : ARROM

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;22pa03909 ?
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