La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2023 | FRANCE | N°22PA03522

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 14 juin 2023, 22PA03522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, en droits et en pénalités, mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014, ou, à titre subsidiaire, des seules amendes, pénalités et majorations qui lui ont été appliquées sur ces mêmes impositions.

Par un jugement n° 2007221/2-2 du 30 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Ph...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, en droits et en pénalités, mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014, ou, à titre subsidiaire, des seules amendes, pénalités et majorations qui lui ont été appliquées sur ces mêmes impositions.

Par un jugement n° 2007221/2-2 du 30 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Philippe Mattei, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison de la dénaturation des faits et des erreurs de droit commises par les premiers juges ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur certains moyens et conclusions ;

- ils ont insuffisamment motivé le jugement attaqué ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ne l'informant pas de ce qu'elle avait recueilli des informations sur le coffre qu'il détenait dans une banque ;

- les dispositions des articles L. 57 et R. 57 du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors qu'il a été privé des garanties attachées à la procédure contradictoire et que la proposition de rectification est insuffisamment motivée à défaut de préciser dans quelle catégorie les revenus d'origine indéterminée ont été imposés ;

- les dispositions des articles L. 16, L. 16 A et L. 69 du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors qu'il a justifié de l'origine de 60 000 euros en espèces déposée sur son compte bancaire le 18 juillet 2014 ;

- l'administration supporte la charge de la preuve dès lors que des observations ont été présentées à la suite de la proposition de rectification ;

- l'administration n'était pas en droit d'imposer la somme en litige dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;

- la somme de 60 000 euros en espèces déposée sur son compte bancaire le 18 juillet 2014 n'est pas imposable dès lors qu'il s'agit d'un mouvement de fonds au sein de son patrimoine ;

- les autres sommes en espèces taxées ne sont pas imposables car il s'agit de dons à l'occasion de fêtes religieuses ou d'entraide familiale ;

- les pénalités doivent être déchargées par voie de conséquence de la décharge des impositions ;

- elles doivent être déchargées en application des dispositions du L. 80 CA du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant notamment sur les revenus des années 2013 et 2014, l'administration a adressé à M. et Mme A..., sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, des demandes de justifications portant sur l'origine des sommes, non déclarées, provenant de remises de chèques et de versements en espèces pour un montant total de 66 377 euros et 123 863 euros respectivement pour les années 2013 et 2014, qui avaient été portées au crédit de leurs comptes bancaires. Estimant leurs réponses à ces demandes insuffisantes, l'administration fiscale leur a adressé, le 11 mai 2016, une proposition de rectification par laquelle elle les a informés qu'elle envisageait de rehausser leurs revenus déclarés de 66 377 euros titre de l'année 2013 et de 123 863 euros au titre de l'année 2014 dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales et par suite de mettre à leur charge les cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux correspondantes ainsi que des pénalités pour manquement délibéré et des intérêts de retard. Les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux ont été mis en recouvrement par voie de rôles des 31 mars et 30 juin 2017. M. A... relève appel du jugement du 30 mai 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort du point 6. du jugement attaqué que les premiers juges ont constaté que les sommes imposées ont été " recensées dans les catégories " revenus d'origine indéterminée " dans la proposition de rectification du 11 mai 2016 et " divers " dans les avis d'imposition correspondant ", et en ont déduit que la mention de " revenus de capitaux mobiliers " dans la décision du 16 mars 2020 portant rejet de la réclamation préalable devait être regardée comme une simple erreur de plume sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse. Ce faisant, ils ont suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'administration fiscale, en taxant les différents revenus de M. A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, aurait commis une erreur de droit. Le tribunal a également suffisamment répondu, au point 7. du jugement attaqué, au moyen tiré de ce que la somme de 60 000 euros déposée sur le compte bancaire le 18 juillet 2014 ne pouvait être taxée en tant que revenu d'origine indéterminée, en jugeant que le lien entre le retrait d'espèces et le dépôt en litige n'était pas établi. Par ailleurs, le tribunal, qui n'était tenu ni de reprendre dans ses motifs l'ensemble des arguments présentés à l'appui des moyens invoqués devant lui, ni d'y répondre, notamment s'agissant de la question relative à la détention d'un coffre-fort, qui était sans incidence sur le bien-fondé des impositions, a répondu avec suffisamment de précision aux moyens soulevés. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité à défaut d'être suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, si M. A... soutient que le tribunal a omis de statuer sur certaines de ses conclusions, il ne précise pas quelles conclusions auraient ainsi été omises.

5. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient dénaturé des pièces du dossier et que le jugement serait entaché d'erreurs de droit, de fait et de qualification juridique des faits relèvent du bien-fondé du jugement et sont sans influence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement:

6. En premier lieu, M. A... reprend en appel, à l'identique, le moyen soulevé en première instance tiré de l'absence de communication d'informations recueillies par l'administration relatives au coffre-fort qu'il détenait, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Dans ces conditions, le requérant n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation motivée qui a été portée par le tribunal. Par suite, le moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 5. de son jugement.

7. En deuxième lieu, d'une part, si M. A... soutient qu'il a été privé de garanties procédurales il ne précise pas lesquelles, alors au demeurant que l'administration lui a adressé une réponse à ses observations, en date du 8 juillet 2016, dans laquelle elle l'informait de la possibilité qui lui était offerte de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. D'autre part, la proposition de rectification est suffisamment motivée dès lors que, contrairement à ce qui est soutenu, elle indique que les sommes dont l'origine n'a pas été justifiée seront imposées à titre de revenus d'origine indéterminé, lesquels constituent une catégorie de revenu par défaut.

8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... justifie que la somme de 60 000 euros provenant d'une remise d'espèces sur son compte bancaire le 18 juillet 2014, non déclarée au titre des revenus 2014, correspond à un retrait de même montant effectué sur son compte bancaire le 14 juillet 2014, soit quelques jours auparavant. Dès lors, M. A... doit être regardé comme ayant apporté la preuve de l'origine non imposable de cette somme. Par suite, l'administration, à laquelle avait été au demeurant communiqués les justificatifs produits devant la Cour, n'était pas fondée à imposer cette somme en tant que revenus d'origine indéterminée, au motif notamment que le requérant n'aurait pas justifié des raisons pour lesquelles il avait procédé à un retrait de cette somme avant de la redéposer quelques jours plus tard sur son compte.

9. En quatrième lieu, dès lors que l'administration a régulièrement taxé d'office les sommes de 66 377 euros titre de l'année 2013 et de 63 863 euros au titre de l'année 2014, il appartient à

M. A..., en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'établir l'origine et la nature non imposable de ces sommes. S'il soutient que les sommes de 59 340,29 euros et 57 749,94 euros en espèces déposées respectivement en 2013 et 2014 sur ses comptes bancaires résultent de dons reçus à l'occasion de son mariage en 2009, de la naissance de ses enfants en 2011 et 2013, de fêtes religieuses et d'entraide familiale, il n'apporte aucun commencement de preuve permettant d'en établir l'origine. Est à cet égard sans incidence la circonstance qu'il ait ou non loué un coffre-fort, dès lors qu'il ne fournit aucune information sur les montants et les dates des espèces qu'il y aurait déposées puis retirées.

Sur les pénalités :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander la décharge des pénalités en litige par voie de conséquence de la décharge des impositions à hauteur de la réduction de la base d'imposition résultant de ce qui a été dit au point 8. du présent arrêt.

11. En second lieu, en l'absence d'irrégularité de la procédure d'imposition des sommes restant en litige, ainsi qu'exposé aux points 6. et 7. du présent arrêt, le moyen tiré ce que les pénalités doivent être déchargées sur le fondement de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander la réduction de sa base imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014 d'une somme de 60 000 euros et la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux correspondant. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La base d'imposition de M. A... à l'impôt sur le revenu de l'année 2014 est réduite de 60 000 euros.

Article 2 : M. A... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui lui ont été assignées au titre de l'année 2014 en conséquence de la réduction de base prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

La rapporteure,

Signé

E. TOPINLe président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03522
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SELARL CABINET MATTEI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;22pa03522 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award