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14/06/2023 | FRANCE | N°22PA02325

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 juin 2023, 22PA02325


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2205424 du 26 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un

e requête et un mémoire, enregistrés les 19 mai et 12 décembre 2022, M. A..., représenté par Me T...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2205424 du 26 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 mai et 12 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Togola, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'ensemble des décisions :

- elles ont été prises par une autorité territorialement incompétente ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnait son droit d'être entendu avant l'intervention d'une décision défavorable ;

- elle est entachée d'une insuffisante motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision de refus d'un délai de départ volontaire :

- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 5 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Saint-Macary a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 22 juillet 1999, est entré en France le 29 novembre 2018 selon ses déclarations. Le 2 mars 2022, il a été interpellé lors d'un contrôle d'identité et a été placé en retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Par un arrêté du 3 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 26 avril 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :

2. Le préfet territorialement compétent pour édicter la décision portant obligation de quitter le territoire français est celui qui constate l'irrégularité de la situation au regard du séjour de l'étranger concerné, que cette mesure soit liée à une décision refusant à ce dernier un titre de séjour ou son renouvellement, au refus de reconnaissance de la qualité de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire, ou encore au fait que l'étranger se trouve dans un autre des cas énumérés à l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Tel est, en toute hypothèse, le cas du préfet du département où se trouve le lieu de résidence ou de domiciliation de l'étranger. En outre, si l'irrégularité de sa situation a été constatée dans un autre département, le préfet de ce département est également compétent.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'irrégularité de la situation au regard du séjour de M. A..., interpellé sur le territoire de la commune de la Courneuve et placé en retenue à Bobigny, a été constatée par le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui était donc compétent territorialement pour prendre l'arrêté contesté, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. A... résiderait à Paris. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté doit être écarté.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. En outre, ainsi que la Cour de justice l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision en litige que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

5. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du procès-verbal d'audition du 3 mars 2022 que M. A... a été entendu par les services de police, assisté d'un interprète en langue bengali, et a été mis à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation administrative et personnelle, notamment les conditions de son entrée et de son séjour en France, sa situation familiale et professionnelle, les persécutions dont il aurait fait l'objet dans son pays d'origine et le pays vers lequel il souhaiterait être reconduit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la décision contestée vise les dispositions des articles L. 611-1 à L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les éléments de fait sur lesquels la décision d'éloignement se fonde, notamment la situation personnelle de M. A.... Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas pris en compte l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis et n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si M. A... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France, de ses relations amicales et sociales et de son insertion professionnelle, il a toutefois déclaré aux services de police n'avoir aucune famille en France et il n'y justifie d'aucune attache personnelle. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'ensemble de sa famille réside au Bangladesh, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. Enfin, il ne justifie pas d'une insertion ancienne et stable en France sur un emploi de boulanger par la production de plusieurs contrats de travail à durée indéterminée auprès de différents employeurs et de bulletins de salaire pour les mois de juin à septembre 2019 et de février 2020 à février 2022, souvent à temps partiel. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision refusant un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine, est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. Si M. A... soutient être exposé à un risque de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Bangladesh, notamment de la part de son oncle qui est un membre local influent de la Ligue Awami, il n'apporte aucun élément de nature à l'établir. Sa demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 février 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 16 septembre 2021, Il a, en outre, déclaré aux services de police ne pas être persécuté dans son pays d'origine. Par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

18. D'une part, M. A... ne fait valoir aucune circonstance humanitaire de nature à justifier qu'il ne lui soit pas fait application d'une interdiction de retour sur le territoire français. D'autre part, compte tenu du caractère relativement récent du séjour en France de l'intéressé et de ce qu'il n'y justifie d'aucune attache personnelle, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas fait une inexacte application des dispositions des article L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant la durée de l'interdiction de retour à deux ans.

19. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. A....

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARYLe président,

R. d'HAËMLa greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02325 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02325
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: M. MANTZ
Avocat(s) : TOGOLA

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;22pa02325 ?
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