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14/06/2023 | FRANCE | N°22PA02309

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 juin 2023, 22PA02309


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104437 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2022,

M. B..., représenté par Me Delorme, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2104437 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mai 2022, M. B..., représenté par Me Delorme, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur le refus de séjour :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été précédé de la saisine pour avis de la commission du titre de séjour ;

- il méconnait les dispositions de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 13 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Saint-Macary a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant égyptien né le 26 février 1976, est entré en France le 4 décembre 2009 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 18 décembre 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 9 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance du titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 14 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 435-1 : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

3. Si M. B... soutient qu'il résidait en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée, il ne produit aucun document susceptible d'établir l'effectivité de sa résidence sur le territoire français en 2010, ainsi qu'il le reconnaît d'ailleurs. Il ressort au surplus des pièces du dossier qu'au titre des années 2016 à 2018, les seules pièces produites pour justifier de la présence en France de M. B... sont des relevés de compte bancaire, les factures EDF également produites n'ayant aucune valeur probante compte tenu de son adresse commune avec son épouse. Le requérant produit en outre un courrier de l'assurance maladie du 7 août 2018 lui refusant l'aide médicale d'Etat au motif qu'il ne réunit pas les conditions de résidence nécessaires pour en bénéficier. Enfin, les avis d'impôt produits au titre des années 2017 et 2018 ne font apparaître des revenus que pour son épouse. Dans ces conditions, M. B... ne justifiait pas d'une résidence habituelle en France de plus de dix ans à la date de la décision contestée. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était, dès lors, pas tenu de saisir la commission du titre de séjour et le moyen tiré d'un vice de procédure doit, par suite, être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision contestée vise, notamment, les articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet a fait application pour refuser d'admettre au séjour M. B.... Elle indique également les circonstances de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé et, notamment, l'ancienneté du séjour en France de l'intéressé et sa situation familiale et professionnelle. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'a pas procédé à un examen complet de la situation de M. B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 435-1 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code, désormais codifié à l'article L. 423-23 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 33 ans au moins. Il ne conteste pas qu'y résident ses trois enfants issus d'une précédente union, sa mère et sept membres de sa fratrie. Il ne fait par ailleurs état d'aucune attache en France à l'exception de son épouse, une ressortissante algérienne bénéficiant d'un certificat de résidence de dix ans, valable jusqu'au 30 mai 2026, avec laquelle il s'est marié le 14 novembre 2015 et dont il partage depuis lors le domicile, ni d'aucun d'élément d'intégration, à l'exception d'une embauche pendant deux mois. Au regard des fortes attaches dans son pays d'origine de l'intéressé et de son absence d'intégration particulière en France, la durée de son séjour et la présence de son épouse ne sauraient être regardées, dans les circonstances de l'espèce, comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 janvier 2020, auquel il a été mis fin au mois de mars 2020, en qualité de peintre du bâtiment, n'est pas de nature à établir l'insertion professionnelle de M. B..., pas plus que la promesse d'embauche du 15 mars 2021, en tout état de cause postérieure à la décision contestée. Dans ces conditions, en refusant de régulariser la situation de M. B... au regard du séjour, au titre de sa vie privée et familiale ou au titre du travail, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARYLe président,

R. d'HAËM

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02309


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02309
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: M. MANTZ
Avocat(s) : DELORME

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;22pa02309 ?
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