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14/06/2023 | FRANCE | N°22PA02114

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 14 juin 2023, 22PA02114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201154 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 mai

et 14 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Chilot-Raoul, demande à la Cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de police de Paris lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201154 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 mai et 14 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Chilot-Raoul, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 11 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- et les observations de Me Chilot-Raoul, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 13 octobre 1983, est entré en France le

4 janvier 2019 muni d'un visa de type D " salarié " valable du 7 décembre 2018 au

7 décembre 2019. Atteint d'un cancer, il a dû cesser son activité. Le 26 octobre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du

4 juin 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

M. A... relève appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision contestée, de l'insuffisance de motivation de cette décision et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans développer au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse du tribunal. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'autres dispositions que celles qui ont été invoquées. Il ressort de la fiche de salle du 26 octobre 2020 produite en défense que M. A... a seulement sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le préfet de police n'était, dès lors, pas tenu d'examiner le droit de M. A... de séjourner en France à un autre titre que celui qui était demandé et, notamment, au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 1er mars 1988. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 10 mars 2021 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine vers lequel il pouvait voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du certificat médical établi le 7 décembre 2020 par un praticien hospitalier de l'hôpital Saint Louis que l'état de santé de M. A..., atteint d'un cancer du cavum diagnostiqué au mois de septembre 2019 et qui a nécessité des hospitalisations itératives sur une période de plusieurs mois, nécessite désormais une surveillance très régulière à la fois en otorhinolaryngologie et en radiothérapie. Si l'intéressé soutient qu'il ne pourra pas bénéficier de manière effective d'un traitement approprié dans son pays d'origine en raison de son coût, de l'absence de prise en charge financière par le système médical tunisien et de la pauvreté de sa famille, il ne l'établit pas par la seule production d'un devis estimatif, non daté, d'un centre d'imagerie médicale de Kasserine et d'un certificat de situation sociale établi le 8 novembre 2021 par le chef de secteur de la cité El Khadra à Kasserine alors que M. A... réside en France. Il ne produit par ailleurs aucun élément relatif à la qualification du personnel nécessaire pour le traitement de sa pathologie, qui serait selon lui insuffisante en Tunisie, ni ne justifie ne pouvoir s'établir à proximité d'un lieu de soins. Dans ces conditions, le préfet de police a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade.

6. En dernier lieu, M. A... ne justifie d'aucune attache en France et il ressort des pièces du dossier que sa mère, son père et ses quatre frères vivent dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans. L'emploi dans une boulangerie dont il se prévaut est par ailleurs postérieur à la décision contestée. Par suite, cette décision n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à être spécifiquement motivée dès lors que, comme en l'espèce, le refus de titre de séjour est lui-même motivé. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

8. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

9. En dernier lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision contestée, qui n'a pas pour objet de fixer le pays de renvoi.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. La décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARYLe président,

R. d'HAËMLa greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02114 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02114
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: M. MANTZ
Avocat(s) : CHILOT - RAOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;22pa02114 ?
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