Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 février 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2206444/1-2 du 19 juillet 2022 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 19 août, 22 septembre et 29 septembre 2022, M. B... A..., représenté par la SAS Itra consulting, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 février 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait pu le régulariser sur le fondement de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les articles 3-1, 10 et 16 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que l'article 5 de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour, elle-même illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme Renaudin a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien, né en 1976, et entré en France le 23 septembre 2013, selon ses déclarations, a sollicité en septembre 2021 son admission exceptionnelle au séjour en tant que salarié. Par un arrêté du 2 février 2022, le préfet de police a refusé de faire droit à cette demande, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 19 juillet 2022, dont M. A... fait appel, ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges ont suffisamment répondu au point 3 de leur jugement au moyen soulevé par M. A... tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. La critique du bien-fondé de la réponse apportée par le tribunal sur sa situation personnelle, qui, selon lui, justifiait une admission exceptionnelle au séjour, relève de l'examen au fond et n'est pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité. M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-3 du même code : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...) se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur temporaire " d'une durée maximale d'un an. La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. ".
4. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
5. D'une part, M. A... se prévaut à l'appui de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, d'un contrat de travail à durée déterminée avec la SARL TMA, en date du 1er octobre 2021, de la durée de sa présence en France entre 2014 et 2022, ainsi que de son intégration professionnelle. Toutefois si M. A... justifie avoir travaillé à compter du 1er avril 2015, c'est principalement dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée de trois mois, en qualité d'agent de service, à l'instar du contrat dont il se prévalait au moment de sa demande avec la SARL TMA, et de manière discontinue. Il est constant, en outre, qu'aucune autorisation de travail n'a été délivrée à M. A... au titre de ce dernier contrat, comme le prescrivent les dispositions précitées de l'article L. 421-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les conditions de séjour de M. A..., qui s'est maintenu irrégulièrement en France, la nature de ses contrats de travail et des emplois occupés, ni la durée de son séjour, ne sauraient suffire à constituer, au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au vu desquels le préfet ne pouvait, sans commette d'erreur manifeste d'appréciation, s'abstenir de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié ".
6. D'autre part, M. A... se prévaut de la présence en France de sa fille mineure, née le 9 août 2020 en France. Il ressort toutefois du dossier qu'il ne vit pas avec la mère de sa fille, qui a une adresse distincte de la sienne et que les pièces qu'il produit, qui se bornent à quelques photographies, un virement à la mère de sa fille et des factures d'achats pour sa fille, ne sont pas de nature à démontrer l'intensité des liens qu'il partage avec celle-ci, ni qu'il contribuerait effectivement à son entretien et à son éducation. Dans ces conditions, la présence de sa fille ne peut constituer non plus un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale ". En outre, si M. A... se prévaut de ce qu'une demande d'asile a été déposée pour sa fille mineure, en tout état de cause, dès lors que celle-ci n'avait pas encore obtenu le statut de réfugié, M. A... ne peut se prévaloir des dispositions du 4° de l'article L. 424-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lesquelles la carte de résident délivrée à l'étranger reconnu réfugié, est également délivrée à ses parents si l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection est un mineur. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Au surplus, l'appelant ne saurait invoquer la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, dès lors que celle-ci ne contient que de simples orientations générales dont il ne peut se prévaloir, et, en tout état de cause, pour les motifs déjà exposés, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Compte tenu de la situation personnelle de M. A... déjà mentionnée au point 6, et de ce qu'il est constant qu'il a également un autre enfant mineur qui vit en Côte d'Ivoire, où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 37 ans, qu'il ne démontre pas une intégration particulière en France, sur le plan professionnel ou social, qu'il se trouve en situation précaire étant hébergé dans une structure associative et que s'il fait part de sa situation de couple avec la mère de sa fille, il s'est déclaré célibataire dans la feuille de salle produite au dossier lors de sa demande de titre de séjour, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée porte au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Aux termes de l'article 16 de cette convention : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. / 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. ".
10. Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
11. Ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A..., ne justifie pas de l'intensité de ses liens avec sa fille, ni contribuer à son entretien et son éducation. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée porterait atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant en le séparant de son père et aurait méconnu les stipulations précitées doit être écarté.
12. Aux termes de l'article 10 de la même convention relative aux droits de l'enfant : " 1. Conformément à l'obligation incombant aux Etats parties en vertu du paragraphe 1 de l'article 9, toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence. Les Etats parties veillent en outre à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les auteurs de la demande et les membres de leur famille. ".
13. Ces stipulations, qui ne sont relatives qu'au droit pour l'enfant ou ses parents d'entrer dans un Etat partie, ne peuvent utilement être invoquées par M. A..., qui est déjà en France ainsi que sa fille.
14. Enfin, M. A... ne peut pas plus utilement invoquer la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, dès lors que celle-ci a été transposée en droit national et qu'en tout état de cause, sa situation ne correspond pas à celle d'un regroupement familial.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
15. Il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte portant obligation de quitter le territoire et tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2022 du préfet de police refusant de lui délivrer un titre de séjour, prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonctions ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- Mme Renaudin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03882