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08/06/2023 | FRANCE | N°22PA00153

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 08 juin 2023, 22PA00153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 juin 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2108504 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée

de deux ans.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 juin 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2108504 du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108504 du 6 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2021 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Berdugo, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, cette somme lui étant versée dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de preuve de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle méconnait son droit d'être entendu ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la menace pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant au risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Diémert a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 2 juillet 1984, de nationalité malienne, est entré en France en 2014 selon ses déclarations. Après s'être maintenu sur le territoire français à la suite d'une première mesure d'éloignement édictée le 9 août 2019 par le préfet du Val-de-Marne en raison du rejet de sa demande de protection internationale, M. A... a été interpelé le 6 juin 2021 pour des faits de conduite sans permis d'un véhicule automobile. Par un arrêté du même jour, le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 6 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a rejeté le surplus de la demande d'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. A... reprend en appel, sans apporter d'éléments de nature à permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et de la méconnaissance du droit d'être entendu. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 3 et 9 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, M. A... soutient que le préfet du Val-de-Marne n'a pas apporté la preuve de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande d'asile. Or, s'il est constant que le préfet du Val-de-Marne n'a pas produit la preuve de notification de ladite décision à l'intéressé, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué, d'une part, que son auteur ne s'est toutefois pas fondé sur elle, qu'il s'est borné à viser les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les règlements (UE) n° 2018/1861 et n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, plusieurs dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le code des relations entre le public et l'administration, les arrêtés de délégation de signature ainsi que le procès-verbal d'audition du 6 juin 2021 et les observations formulées par l'intéressé et, d'autre part, qu'il n'y est fait mention que du refus de délivrance du titre de séjour et de la mesure d'éloignement pris par le préfet du Val-de-Marne le 9 août 2016, que des circonstances ayant conduit à estimer que le requérant représente une menace pour l'ordre public ainsi que des éléments de sa situation personnelle. Ainsi, le préfet n'a pas fondé l'arrêté litigieux sur la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la demande de protection internationale sollicitée par le requérant, mais seulement sur la circonstance que l'intéressé, en raison de faits de conduite sans permis et du non-respect de la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet, représentait une menace pour l'ordre public. Il suit de là que M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'absence de preuve de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qu'il invoque. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

4. En troisième lieu, M. A... soutient que le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur d'appréciation quant à la menace à l'ordre public qu'il représenterait, dès lors qu'il n'a jamais été condamné pour des faits constitutifs d'une infraction et que le ministère public a procédé à un classement sans suite à la suite de la clôture de l'enquête de police relative aux faits de conduite sans permis d'un véhicule automobile ayant conduit à son interpellation.

5. Toutefois, le requérant, qui ne produit au demeurant aucun document de nature à établir l'absence de toute condamnation, ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits de conduite sans permis. En outre, et comme l'a relevé le tribunal administratif, il ne conteste pas être connu des services de police pour des faits de vente à la sauvette et d'infractions à la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers en France, pour avoir fait l'objet d'une première mesure d'éloignement à laquelle il ne s'est pas conformé. Par ailleurs, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que la menace à l'ordre public n'est pas le seul motif ayant conduit l'autorité préfectorale à prendre une telle décision, qui se fonde également sur la circonstance que le requérant s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement et qu'il est célibataire, sans charge de famille en France et dépourvu de liens stables et intenses sur le territoire français.

6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a le droit au respect sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits ou des libertés d'autrui ".

7. Si l'intéressé soutient que la mesure d'éloignement prise à son encontre méconnaît les stipulations précitées et est de nature à porter atteinte de manière manifestement disproportionnée à sa situation personnelle, les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir qu'il justifie d'une particulière insertion dans la société française, tant sur le plan professionnel que personnel, les seuls avis d'imposition, relevés bancaires et documents relatifs à son contrat de transports en commun qu'il produit n'étant pas suffisants pour établir son intégration en France. Par ailleurs, il ressort des écritures de M. A... ainsi que des pièces du dossier que sa seule famille présente sur le territoire français est composée de son frère, de son oncle et de plusieurs cousins et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident toujours ses parents et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 30 ans. Il s'ensuit que le préfet du Val-de-Marne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, M. A... reprend en appel, sans apporter d'éléments de nature à permettre à la Cour de remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal administratif, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 3 et 10 du jugement attaqué.

9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...). ".

10. En égard à ce qui a été dit au point 5, et alors que l'intéressé s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet du Val-de-Marne n'a pas entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions législatives précitées en refusant d'octroyer à M. A... le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2023.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00153
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-08;22pa00153 ?
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