Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel le préfet de police lui a infligé la sanction du blâme.
Par un jugement n° 2201751 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er décembre 2022 et le 5 avril 2023, M. D..., représenté par Me Laporte, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2201751 du 4 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police en date du 13 juillet 2021 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 10 000 euros et de 10 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
- il ne respecte pas les droits de la défense ;
- son comportement s'explique par le harcèlement moral dont il a fait l'objet ;
- la sanction a été prise en rétorsion de la dénonciation, par ses soins, de faits de harcèlement moral ;
- il doit bénéficier d'une réparation au titre du harcèlement moral qu'il a subi et des préjudices qu'il a subis à raison du blâme qui lui a été infligé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.
Par un courrier du 27 avril 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires présentées par M. D..., du fait de l'absence de demande indemnitaire préalable.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aggiouri,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 13 juillet 2021, le préfet de police a infligé à M. D..., gardien de la paix au sein de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police de Paris, affecté au service du soutien opérationnel, la sanction du blâme. M. D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il demande également la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 10 000 euros et de 10 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-01024 du 4 décembre 2020, régulièrement publié le 11 décembre 2020 au bulletin officiel de la ville de Paris, le préfet de police a donné délégation à M. A... C..., directeur des services actifs de police, directeur de l'ordre public et de la circulation, pour signer notamment " les arrêtés de sanctions disciplinaires du premier groupe infligées aux personnels ci-après désignés, placés sous son autorité : - les fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale [...]. ". Or, les gardiens de la paix - tels que M. D... - appartiennent au corps d'encadrement et d'application de la police nationale, ainsi que le prévoit le décret du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d'encadrement et d'application de la police nationale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... a reconnu, dans un formulaire signé le 29 mars 2021, " avoir pris connaissance de la note du 9 mars 2021 [l]'informant qu'il était envisagé de [lui] infliger l'une des sanctions pour lesquelles l'avis du conseil de discipline n'est pas requis ". Il ressort également des mentions de ce formulaire qu'il a indiqué qu'il avait " l'intention de prendre connaissance de son dossier ", et qu'il a été informé qu'il " [pouvait] être assisté, lors de la consultation de [son] dossier, d'un ou plusieurs défenseurs de [son] choix ". Par ailleurs, M. D... a signé un formulaire, le 26 août 2021, dans lequel il a reconnu " avoir pris connaissance de [ses] dossiers administratif et disciplinaire ". Or, le requérant n'apporte aucune précision ni élément de preuve permettant de remettre en cause ces mentions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire [...] ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / - l'avertissement ; / - le blâme [...] ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de l'article 6 de loi du 11 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".
6. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
7. En premier lieu, l'arrêté contesté relève que, " le 26 juin 2020, au cours d'un entretien avec l'un de ses supérieurs hiérarchiques, le gardien de la paix D... [...] retirait son arme administrative individuelle, alors mise en service, de son étui et la déposait brusquement sur le bureau du gradé avant de tenir des propos outrageants à son encontre, manquant ainsi à son devoir d'exemplarité par un comportement indigne dans le cadre du service prévu par les instructions mentionnées à l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure ". Ces faits, dont M. D... ne conteste pas la matérialité, constituent des manquements aux obligations incombant à l'intéressé en sa qualité de gardien de la paix.
8. En deuxième lieu, M. D... soutient que son comportement s'expliquerait par les relations difficiles régnant au sein de son service depuis l'arrivée d'un nouveau major, chef de brigade, lequel aurait fait preuve de favoritisme envers certains agents, au détriment d'autres, parmi lesquels il figurerait, et lui aurait adressé des ordres contradictoires ainsi que des propos blessants. Si une note du 17 septembre 2018, adressée au sous-directeur du soutien opérationnel, fait état du " manque d'investissement et de prise de décision de la part du major, chef de brigade " ainsi que du " climat délétère " au sein de cette brigade, ces circonstances, également mentionnées par M. D... lors de son audition du 30 octobre 2020, dans des échanges de messages téléphoniques avec une ancienne collègue, ainsi que dans une attestation d'un autre collègue, ne sauraient à elles seules justifier son comportement. Par ailleurs, ni les circonstances que M. D... a été placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service, par un arrêté du 16 mars 2020, et que son congé a été mentionné sur son évaluation au titre de l'année 2020, ni la convocation dont il aurait fait l'objet auprès d'un major après qu'il s'est plaint des termes de cette évaluation, ne sauraient davantage justifier son comportement. Par ailleurs, si M. D... soutient que des commentaires " diffamatoires " ont été ajoutés par son chef de brigade en annexe du rapport d'un commissaire de police, daté du 20 novembre 2020, faisant état des agissements qui lui sont reprochés, ces commentaires sont en tout état de cause postérieurs aux faits en cause et ne sauraient donc les justifier, ou en atténuer la portée.
9. En troisième lieu, eu égard aux faits reprochés à M. D... et aux manquements ainsi commis aux obligations lui incombant en sa qualité de gardien de la paix, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant d'infliger à l'intéressé la sanction du blâme, alors même que ce dernier fait état d'une carrière marquée par de bons états de service, ainsi qu'en atteste un courrier de félicitations du 2 janvier 2018 adressé par le directeur des services techniques et logistiques de la préfecture de police.
10. Enfin, il ne ressort pas des motifs de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier, que la sanction du blâme qui a été infligée à M. D..., laquelle est justifiée au regard des faits qui lui sont reprochés, serait la conséquence, comme il le soutient, de la dénonciation d'une situation de harcèlement moral dont il allègue avoir été victime. A cet égard, la circonstance que l'administration aurait d'abord envisagé de lui infliger un avertissement, pour finalement retenir un blâme, ne permet pas d'établir ses allégations. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. M. D... demande la condamnation de l'Etat à lui verser, d'une part, une somme de 10 000 euros en réparation des faits de harcèlement moral dont il se prévaut, d'autre part, une somme de 10 800 euros en réparation des préjudices qu'il aurait subi du fait du blâme qui lui a été infligé. Toutefois, ces conclusions n'ont pas été précédées d'une demande préalable. Elles sont donc irrecevables et doivent être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. D... doit être rejetée, y compris en ce qu'elle comporte des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juin 2023.
Le rapporteur,
K. AGGIOURI La présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05116 2