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07/06/2023 | FRANCE | N°22PA03662

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 07 juin 2023, 22PA03662


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2108133 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août 2022 et le 4 avril 2023, M

. B..., représenté par Me Dewolf, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108133 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2108133 du 14 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 août 2022 et le 4 avril 2023, M. B..., représenté par Me Dewolf, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108133 du 14 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait méconnu le délai de reprise applicable aux impositions mises à sa charge au titre de l'année 2012 ;

- l'administration fiscale n'a pas notifié de proposition de rectification à la société Imagine ;

- elle a méconnu l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, l'article L. 55 du même code et le principe de personnalité juridique des EURL ;

- elle a méconnu la doctrine référencée D. adm 13 L-1513 ;

- le chef de rehaussement fondé sur le c. de l'article 111 du code général des impôts n'est pas suffisamment motivé ;

- la prescription n'a pas été valablement interrompue par la proposition de rectification du 17 décembre 2015 au titre de l'année 2012 ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a imposé des revenus distribués entre ses mains sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts ;

- l'administration fiscale ne pouvait mettre à sa charge, par la proposition de rectification du 17 décembre 2015, une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à raison des revenus distribués par la société DetP Finance, dès lors qu'elle n'avait pas procédé au rehaussement du bénéfice imposable de cette société à raison de ces sommes ;

- l'administration fiscale a méconnu les articles 40 à 47 de l'annexe II au code général des impôts ;

- elle a méconnu les doctrines référencées D. adm 13 L L-1211, n° 14, BOI-CF-IOR-10-30 et BOI-RPPM-RCM-10-20-10, lesquelles ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il a été fait application.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aggiouri ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;

- et les observations de M. C..., représentant le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Considérant ce qui suit :

1. L'administration fiscale a procédé à un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme B..., à l'issue duquel elle les a assujettis, selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012, 2013 et 2014. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions demeurant à sa charge, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. M. B... soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait méconnu le délai de reprise applicable aux impositions mises à sa charge au titre de l'année 2012. Toutefois, les premiers juges ont répondu à ce moyen, et de manière suffisante, aux points 9 et 10 de leur jugement. Il s'ensuit que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation [...] ". Aux termes de l'article R.* 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition [...] ".

5. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

6. Les propositions de rectification adressées à M. et Mme B..., datées du 17 décembre 2015 et du 31 mai 2016, indiquent notamment que la société DetP Finance a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, laquelle a permis de constater que, au titre des exercices 2012, 2013 et 2014, certaines dépenses n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise mais au profit de M. B.... A cet égard, l'administration fiscale a précisé le montant des dépenses en cause, leur objet, à savoir, le paiement de loyers d'un appartement, les frais d'entretien de cet appartement, des retraits en espèces ainsi que diverses dépenses personnelles. Par ailleurs, les annexes jointes à chacune de ces deux propositions de rectification détaillent les dépenses en cause, en indiquant leurs montant et leur date d'engagement. L'administration fiscale a également relevé, dans la proposition de rectification datée du 31 mai 2016, qu'une partie des loyers de l'appartement supportés par la société DetP Finance avaient fait l'objet de refacturations à la société Imagine. De l'ensemble de ces éléments, l'administration fiscale a déduit que la société DetP Finance avait accordé à M. B... des avantages occultes, qui devaient être imposés entre ses mains sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Si le requérant soutient que les propositions de rectification du 17 décembre 2015 et du 31 mai 2016 ne démontrent ni l'intention libérale des parties, ni le caractère somptuaire des dépenses engagées par la société DetP Finance à son profit, ces circonstances, relatives au bien-fondé des impositions, sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, alors que le service vérificateur a précisé, dans la partie " A. Les faits " des propositions de rectification en cause, que les dépenses en cause étaient " somptuaires et/ou ne relèvent pas de l'intérêt de l'entreprise SAS DetP Finance et sont engagées au profit de M. B... ". Enfin, les propositions de rectification n'avaient pas à viser les dispositions du e. de l'article 111 du code général des impôts, dès lors que l'administration fiscale n'a pas entendu se fonder sur ces dispositions. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de motivation des rehaussements correspondant à l'imposition de revenus distribués entre les mains de M. B... doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même [...] ".

8. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, dans la proposition de rectification datée du 31 mai 2016 adressée à M. et Mme B..., a mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à raison, notamment, du rehaussement des bénéfices industriels et commerciaux de la société Imagine, dont M. B... était associé à hauteur de 100 % et qui n'était pas soumise à l'impôt sur les sociétés, en application du 4° de l'article 8 du code général des impôts. Si M. B... soutient qu'aucune proposition de rectification n'aurait été adressée à la société Imagine, cette circonstance, à la supposer établie, serait sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. et Mme B.... En tout état de cause, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée à la société Imagine a été notifiée à cette société le 3 juin 2016 à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception du pli contenant cette proposition de rectification, produit par l'administration fiscale. Ainsi, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'administration fiscale aurait méconnu l'article L. 53 du livre des procédures fiscales, l'article L. 55 du même code, ou le principe de " personnalité juridique des EURL ". Par suite, ces moyens doivent être écartés.

9. En troisième lieu, M. B... ne saurait se prévaloir d'une méconnaissance de la doctrine administrative pour contester la régularité de la procédure d'imposition. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la doctrine référencée D. adm. 13 L-1513 doit en tout état de cause être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun [...] ".

11. La proposition de rectification du 17 décembre 2015, assignant à M. et Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2012, a été notifiée aux intéressés le 18 décembre 2015, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception produit par l'administration fiscale. Cette proposition de rectification qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, est suffisamment motivée, a donc valablement interrompu le délai de reprise de ces impositions, prévu par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales. Si M. B... soutient que l'administration fiscale ne pouvait, par la proposition de rectification du 31 mai 2016, mettre à sa charge des impositions supplémentaires à raison de la quote-part des bénéfices de la société Imagine au titre de l'année 2012, dès lors que, selon lui, le délai de reprise à l'égard de la société Imagine était, en 2016, expiré, le délai de reprise des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dues par M. et Mme B... au titre de l'année 2012 avait été valablement interrompu, au titre de cette année, par la notification de la proposition de rectification datée du 17 décembre 2015. A cet égard, la circonstance que la société Imagine n'a pas été destinataire d'une proposition de rectification avant le 31 décembre 2015 portant sur le rehaussement de son bénéfice au titre de l'année 2012 est sans incidence sur l'interruption, par la proposition de rectification du 17 décembre 2015 adressée à M. et Mme B..., du délai de reprise des cotisations d'impôt sur revenu et de contributions sociales dues par les intéressés au titre de cette année. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme des revenus distribués : / [...] c) les rémunérations et avantages occultes ".

13. L'administration fiscale a relevé que, au cours des années 2012, 2013 et 2014, M. B... avait eu à sa disposition un logement situé à Paris dont les loyers ont été supportés par la société DetP Finance, dont il était le gérant et unique associé. L'administration fiscale a par ailleurs constaté que des dépenses d'entretien de ce logement, des honoraires de recherche d'appartement, et diverses dépenses personnelles de M. B..., avaient également été supportées par la société DetP Finance au bénéfice de son gérant et associé unique et comptabilisées en charge. M. B... n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause ces constatations. Ainsi, et dès lors que M. B... a disposé gratuitement de l'appartement en cause, mis à sa disposition par la société DetP Finance, que cette société a également pris en charge diverses prestations dont il a personnellement bénéficié, et qu'elle n'a pas inscrit explicitement en comptabilité, comme elle aurait dû le faire, la nature et la valeur de ces avantages, c'est à bon droit que l'administration fiscale a regardé les dépenses en cause comme des avantages occultes, imposables entre les mains de M. B..., sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts.

14. Enfin, M. B... soutient que l'administration fiscale ne pouvait mettre à sa charge, par la proposition de rectification du 17 décembre 2015, une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à raison des revenus distribués par la société DetP Finance, dès lors que, à cette date, elle n'avait pas procédé au rehaussement du bénéfice imposable de cette société à raison de ces sommes. Toutefois, la circonstance que les sommes en cause n'ont pas donné lieu à des rehaussements d'impôt sur les sociétés à la charge de la société DetP Finance au titre de l'année 2012 est sans incidence sur le bien-fondé des impositions assignées, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, et sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, au bénéficiaire de ces sommes, à savoir, en l'espèce, M. B.... Par suite, et alors que l'administration fiscale n'a pas méconnu les dispositions des articles 40 à 47 de l'annexe II au code général des impôts, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

15. M. B... n'est pas fondé à se prévaloir des doctrines référencées D. adm 13 L-1211, D. adm. 13 L-1513, BOI-CF-IOR-10-30 et BOI-RPPM-RCM-10-20-10, lesquelles ne donnent pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il a été fait application.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juin 2023.

Le rapporteur,

K. AGGIOURILa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03662
Date de la décision : 07/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : DEWOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-07;22pa03662 ?
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