Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2021 ordonnant le dessaisissement de son arme, d'enjoindre à l'Etat de lui restituer l'arme qui a été confisquée et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 150 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2100536 du 24 mai 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2022, M. B..., représenté par
Me Fidele, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du
24 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2021 ordonnant le dessaisissement de son arme ;
3°) d'enjoindre au haut-commissaire de la République en Polynésie française de lui délivrer l'autorisation sollicitée et, en conséquence, de lui restituer l'arme confisquée ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur d'appréciation, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- cet arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière, méconnaissant les dispositions de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, en l'absence de procédure contradictoire préalable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2022, le haut-commissaire de la République en Polynésie française conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable parce que tardive ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été autorisé le 24 novembre 2015 à acquérir un pistolet de catégorie B. Cette autorisation a expiré le 24 novembre 2020. Par courrier du 17 février 2021, le haut-commissaire de la République en Polynésie française l'a dès lors informé qu'il devait se dessaisir de son arme dans un délai de trois mois. L'intéressé a alors déposé le
25 mars 2021 une nouvelle demande d'autorisation, mais, par arrêté du 1er septembre 2021, pris après réalisation d'une enquête administrative, le haut-commissaire de la République en Polynésie française a ordonné le dessaisissement de l'arme et interdit l'acquisition et la détention des types d'armes et de munitions des catégories B, C et D. M. B... a sollicité du Tribunal administratif de la Polynésie française l'annulation de cet arrêté, mais cette demande a été rejetée par un jugement du 24 mai 2022 dont il relève appel.
2. Aux termes de l'article L. 312-13-1 du code de la sécurité intérieure, applicable en vertu de l'article L. 344-1 du même code : " L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes, munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui ". Aux termes de l'article L. 312-11 du même code de la sécurité intérieure, applicable en vertu de l'article L. 344-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme soumise au régime de l'autorisation ou de la déclaration de s'en dessaisir. (...) / Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le représentant de l'Etat dans le département fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme, de ses munitions et de leurs éléments ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de l'instruction de la demande du requérant de renouvellement de son autorisation de détention d'armes, présentée d'ailleurs seulement le 25 mars 2021, soit après l'expiration de sa précédente autorisation le 24 novembre 2020, l'enquête administrative effectuée a fait apparaitre plusieurs faits de violence commis par l'intéressé entre 2016 et 2019, ce qui a conduit le haut-commissaire de la République à saisir le procureur de la République pour informations. Et il ressort de la " fiche-navette à destination de l'autorité administrative " en date du 5 août 2021, transmise en réponse par le parquet, que le requérant s'était rendu coupable en 2016 de " violence avec arme sans ITT ", même si les faits ont été classés sans suite, l'infraction étant insuffisamment caractérisée, en 2017 de " tentative de violence avec arme sans ITT ", en 2018 de " harcèlement d'une personne étant conjoint ou concubin " et en 2019, de nouveau, de harcèlement sans ITT d'une personne étant (ou ayant été) conjoint ou concubin. Le requérant, qui ne saurait sérieusement contester la matérialité des faits en cause, sans apporter d'ailleurs aucune précision sur ce point, fait valoir qu'ils n'ont donné lieu à aucune poursuite. Toutefois alors même que les seules suites ont consisté en un rappel à la loi par OPJ à la suite des faits de 2018, il ressort de la fiche-navette susmentionnée que les faits relatés présentent un caractère répété sur plusieurs années, dénotant une propension récurrente à la violence. Dans ces conditions, à la réception de cette fiche navette en août 2021, le haut-commissaire a pu à juste titre considérer que ces faits caractérisaient une situation d'urgence justifiant qu'il soit ordonné immédiatement à M. B... de se dessaisir de ses armes sans procédure contradictoire préalable, comme le permet l'article L. 312-11 précité du code de la sécurité intérieure, et prononcer une telle mesure dès le 1er septembre 2021. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure du fait de l'absence d'une telle procédure contradictoire ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... a commis entre 2016 et 2019 divers actes de violence ou de harcèlement sur conjoint ou ex-conjoint, faits comportant à deux reprises au moins l'usage d'armes, ce qui suffit à justifier du danger à lui laisser détenir une arme, ce danger n'étant pas remis en cause par la circonstance que ces agissements n'aient donné lieu à d'autres poursuites judiciaires qu'un rappel à la loi. Ces faits ont d'ailleurs conduit le parquet, dans la fiche navette susévoquée, à conclure que " au vu des antécédents, l'avis défavorable à une détention d'arme est partagé par le Parquet ". Dans ces conditions, le haut-commissaire de la République, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la nature et du caractère répétitif des faits en cause, a pu sans erreur d'appréciation, lui ordonner de se dessaisir de son arme. Dès lors le moyen tiré de l'existence d'une telle erreur ne peut qu'être écarté.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.
La rapporteure,
M-I. LABETOULLELe président,
T. CELERIERLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22PA04176