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06/06/2023 | FRANCE | N°22PA02913

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 06 juin 2023, 22PA02913


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'État à lui verser une somme totale de 47 000 euros en réparation des préjudices subis par elle et son fils, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2102498 du 14 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Etat à verser à Mme C... une somme de 500 euros au titre de ses préjudices propres, ains

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'État à lui verser une somme totale de 47 000 euros en réparation des préjudices subis par elle et son fils, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2102498 du 14 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a condamné l'Etat à verser à Mme C... une somme de 500 euros au titre de ses préjudices propres, ainsi qu'une somme de 500 euros au titre des préjudices subis par son fils D..., et il a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juin 2022, Mme C..., agissant en son nom propre et au nom de son fils mineur D... B..., et représentée par Me Vocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 14 juin 2022 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 25 000 euros au titre de ses préjudices propres, et une somme de 22 000 euros, en sa qualité de représentante de son fils mineur D... B..., au titre des préjudices de celui-ci ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'Etat a commis, dans la prise en charge de son fils, des fautes de nature à engager sa responsabilité dès lors que cet enfant n'a bénéficié d'une assistante de vie scolaire qu'à la rentrée 2019 alors qu'il aurait dû l'avoir dès 2018, qu'elle n'a ensuite pas assuré les 18 heures hebdomadaires auxquelles il avait droit, et qu'il n'a pas non plus bénéficié d'une scolarité adaptée à son niveau ;

- ces fautes lui ont occasionné des pertes de chance de progresser ainsi qu'un préjudice moral, dont il est fondé à demander réparation ;

- ces fautes ont par ailleurs occasionné un préjudice moral à sa mère.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2022, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que se borne à reproduire la demande de première instance ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. D... B..., alors scolarisé en classe de sixième ULIS au collège Jean Moulin de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis), s'est vu accorder par décision du

27 novembre 2018 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées une orientation en unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS), ainsi qu'un auxiliaire de vie scolaire individuel (AVSI) à raison de 18 heures par semaine, pour la période du

30 août 2018 au 30 août 2020. Estimant que ces mesures n'avaient pas été convenablement mises en œuvre, sa mère, Mme C... a saisi le directeur des services départementaux de l'éducation nationale d'une demande indemnitaire préalable par courrier du 19 octobre 2020, reçu le 28 octobre suivant, qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Mme C... a, dès lors, saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser une somme totale de 47 000 euros en réparation des préjudices subis par elle-même et son fils du fait des fautes alléguées de l'administration dans la prise en charge de celui-ci. Le tribunal n'a que partiellement fait droit à cette demande en retenant seulement une carence de l'Etat de nature à engager sa responsabilité pour la seule période du 1er mars 2019 à la fin de l'année scolaire 2018-2019, du fait que le fils de la requérante n'a bénéficié pour cette période, en raison de la démission de sa précédente auxiliaire de vie scolaire, d'une telle assistante qu'à raison de 3 heures par semaine au lieu des 18 heures prévues, et en condamnant l'Etat sur ce fondement à verser à la requérante et à son fils une somme de 500 euros chacun au titre de leur préjudice moral. Mme C..., agissant en son nom et au nom de son fils mineur, relève dès lors appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique et des troubles qui lui sont apparentés bénéficie, quel que soit son âge, d'une prise en charge pluridisciplinaire qui tient compte de ses besoins et difficultés spécifiques. / Adaptée à l'état et à l'âge de la personne, cette prise en charge peut être d'ordre éducatif, pédagogique, thérapeutique et social. / Il en est de même des personnes atteintes de polyhandicap ". Il résulte de ces dispositions que le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation. Si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d'être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en œuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l'accueil dans un établissement spécialisé ou par l'intervention d'un service à domicile, c'est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire, et adaptée à l'état et à l'âge de la personne atteinte de ce syndrome.

3. Il ressort des pièces du dossier que D... B... a été scolarisé dès la rentrée scolaire 2018 en parcours ULIS, comme le prévoit la décision du 27 novembre 2018 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, au collège Jean Moulin de Neuilly Plaisance. Il ressort également des pièces produites, et notamment du contrat de travail de l'auxiliaire de vie scolaire ayant accompagné D... B... dans sa scolarité à compter du 1er septembre 2018, et du courriel du 26 avril 2021 retraçant l'historique des aides le concernant, que celui-ci, contrairement à ce que soutient sa mère, a bien bénéficié d'une auxiliaire de vie scolaire dès cette date, ainsi qu'il est d'ailleurs confirmé par cet enfant lui-même dans l'attestation produite. Si, en revanche, l'intéressé soutient dans cette attestation que cette auxiliaire se serait occupée de deux autres élèves en même temps que de lui, et, s'il n'est pas établi, en effet, que cette assistante lui aurait été exclusivement dédiée, il ne ressort ni de ses notes, ni d'aucune pièce du dossier que cette circonstance, à la supposer établie, lui aurait occasionné, à lui-même ou à sa mère, un quelconque préjudice de nature à ouvrir droit à réparation.

4. S'il est vrai qu'à la suite de la démission de cette auxiliaire de vie scolaire le

28 février 2019, D... B... n'a pu bénéficier d'un accompagnement qu'à raison de

3 heures par semaine au lieu de 18 heures, à compter du mois d'avril 2019 et ce jusqu'à la fin de l'année scolaire 2018-2019, le tribunal a, à juste titre, jugé que cette carence de l'Etat n'avait occasionné à D... et à sa mère qu'un préjudice moral dont il a fait une juste évaluation en condamnant l'Etat à leur verser à ce titre une somme de 500 euros chacun. En outre il ressort des pièces du dossier que D... a bien bénéficié de nouveau, à compter de la rentrée 2019, de l'aide d'une auxiliaire de vie scolaire à raison de 18 heures par semaine. Et là encore, à supposer même que la requérante doive être regardée comme soutenant que celle-ci n'aurait pas été affectée exclusivement à son fils mais aurait aidé d'autres enfants, cette circonstance n'est pas établie, pas plus que, en toute hypothèse, l'existence d'un quelconque préjudice, scolaire ou moral, que cet enfant aurait subi de ce fait et qui serait susceptible d'ouvrir droit à réparation.

5. En dernier lieu, si Mme C... fait valoir que, lors de la rentrée de son fils en 6ème, celui-ci se serait vu proposer " des exercices largement en-dessous de ses capacités réelles, ce qui l'a conduit à régresser " cette circonstance n'est pas établie par les pièces du dossier, alors qu'il ressort, au contraire, de ses bulletins de 5ème qu'il présente alors un niveau satisfaisant et obtient de bonnes notes. De même, si elle se plaint de ce que certaines matières n'auraient pas été traitées, elle n'établit pas que cette circonstance ne puisse s'expliquer, comme le fait valoir le recteur de l'académie de Créteil en défense, par les contraintes propres aux emplois du temps des classes ULIS, qui ne permettent pas aux élèves concernés, compte tenu des heures d'enseignement spécifiques à ce parcours ULIS, de suivre par ailleurs toutes les matières enseignées aux autres élèves dans un parcours ordinaire. Dès lors, et alors surtout qu'il ressort du courriel du 26 avril 2021 produit par le rectorat, retraçant l'historique des aides le concernant, que D... a pu ensuite, l'année suivante, être la plupart du temps inclus en quatrième ordinaire, ce qui n'est pas contesté, il n'est aucunement établi que les choix pédagogiques effectués, qu'il s'agisse des exercices proposés ou des matières étudiées, seraient constitutifs de fautes de l'Etat de nature à engager sa responsabilité.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a limité l'indemnisation à lui verser à une somme de 500 euros au titre de son préjudice propre et de 500 euros également au titre du préjudice de son fils. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.

La rapporteure,

M-I. LABETOULLELe président,

T. CELERIER

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02913


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02913
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : VOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-06;22pa02913 ?
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