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06/06/2023 | FRANCE | N°21PA06107

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 06 juin 2023, 21PA06107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 août 2019 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Stains lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, sollicitée le

13 juillet 2019.

Par un jugement n°1912000 du 1er octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2021, Mme B..., r

eprésentée par Me Godemer, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 août 2019 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Stains lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle, sollicitée le

13 juillet 2019.

Par un jugement n°1912000 du 1er octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2021, Mme B..., représentée par Me Godemer, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 1er octobre 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 20 août 2019 par laquelle le président du CCAS de Stains lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

3°) de mettre à la charge du CCAS de Stains une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle remplit les conditions pour obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle, dès lors qu'elle a été victime dans son emploi d'agissements constitutifs de harcèlement moral, son nom ayant été supprimé de l'organigramme du service, et sa supérieure hiérarchique l'ayant agressée au cours d'une réunion le 7 décembre 2018, l'ayant laissée seule les 24, 26 et

31 décembre 2018 en dépit de son statut de travailleur handicapé, ayant refusé qu'elle se rende à un rendez-vous de la médecine du travail le 10 janvier 2019, ne l'ayant plus convoquée aux réunions de service à partir du mois de janvier 2019, et ne s'adressant plus à elle ;

- le CCAS de Stains n'a pas établi que ces faits reposeraient sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 novembre 2022 et le 16 janvier 2023, le centre communal d'action sociale de la commune de Stains, représenté par Me Carrere, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 15 décembre 2022, Mme B... conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 16 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au

16 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 alors en vigueur ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 alors en vigueur ;

- le décret n°94-415 du 24 mai 1994 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Godemer, pour Mme A...,

- et les observations de Me Abbal, pour le CCAS de la commune de Stains.

Une note en délibéré a été enregistrée le 26 mai 2023 pour le CCAS de la commune de Stains.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., titulaire du grade d'adjoint administratif territorial, exerce depuis le 1er juin 2017 les fonctions d'assistante administrative et budgétaire du programme de réussite éducative (PRE) au sein du centre d'action sociale (CCAS) de la commune de Stains. S'estimant victime de harcèlement moral de la part de sa cheffe de service à la suite du rattachement du PRE au service " politique de la ville " le 14 mars 2018, elle a sollicité, par courrier du 13 juillet 2019, le bénéfice de la protection fonctionnelle. Elle a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 août 2019 par laquelle le président du CCAS de Stains a rejeté sa demande. Par un jugement du 1er octobre 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Elle fait appel de ce jugement.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 20 août 2019 :

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, visée ci-dessus, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :/ 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;/2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;/3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés./Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ".

3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent, un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'ils n'excèdent pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

4. Aux termes du IV de l'article 11 de la même loi, alors en vigueur : " La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle ne puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en a résulté ".

5. Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

6. En premier lieu, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal, s'il ressort des pièces du dossier, et notamment de deux courriers électroniques en date des 9 juillet et 7 novembre 2018, que la supérieure hiérarchique de Mme B... a procédé à la suppression de son nom sur des projets d'organigramme du service " politique de la ville ", il ressort de ces échanges, et des projets d'organigramme sur lesquels ils portaient, que ces projets s'inscrivaient dans le cadre d'une réflexion sur une fusion du poste d'assistante du pôle " politique de la ville " avec celui d' " assistante administrative et budgétaire du PRE ", occupé par Mme B.... Dans ces conditions, la suppression, dans ces projets d'organigramme, des noms des deux agents occupant ces deux postes, dont Mme B..., ne saurait être regardée comme constitutive d'un acte de harcèlement moral.

7. En deuxième lieu, comme l'ont à bon droit relevé les premiers juges, s'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été maintenue en situation de travailleur isolé les 24 et

26 décembre au matin et le 31 décembre 2018, cette situation résulte, pour le 24 décembre, du dépôt par sa supérieure hiérarchique, le matin même, d'une demande d'absence d'une journée " pour enfant malade ", et, pour le 26 décembre, de la participation de sa supérieure hiérarchique à une réunion de service à l'extérieur. Si Mme B... s'est de nouveau trouvée seule le 31 décembre 2018 en raison d'un jour de congé pris par sa supérieure hiérarchique, cette circonstance, qui révèle un défaut d'organisation du service pour les fêtes de fin d'année, ne saurait davantage et en dépit de son statut de travailleur handicapé, être qualifiée d'acte de harcèlement moral.

8. En troisième lieu, Mme B... ne saurait davantage soutenir que sa supérieure hiérarchique aurait refusé qu'elle se rende le jeudi 10 janvier 2019 à un rendez-vous de la médecine du travail. En effet, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui travaillait à temps partiel à 80%, ne travaillait pas le jeudi, et que ce refus portait seulement sur sa demande tendant à ce que son jour de travail du vendredi 11 janvier soit avancé au jeudi 10 janvier, et était motivé par les nécessités du service, en raison de la tenue d'une réunion d'équipe le

11 janvier.

9. En quatrième lieu, il ressort en revanche des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par le CCAS de Stains, que Mme B..., reconnue travailleuse handicapée, a été prise à partie le 7 décembre 2018 par sa supérieure hiérarchique en l'absence de la coordinatrice du PRE mais en présence de trois autres agents du service, au nombre desquels la sœur de sa supérieure hiérarchique, dans le cadre d'une réunion d'une durée de trois heures, destinée, selon le mémoire en défense du CCAS, à permettre à chacun " de pouvoir s'exprimer librement sur (son) ressenti ", et qu'il a alors été recouru à un langage inapproprié vis-à-vis de Mme B... qui se trouvait en état de grande inquiétude, sinon de malaise. Il n'est par ailleurs pas contesté par le CCAS que Mme B... n'a pas été conviée aux réunions de service des 4 et 11 janvier et des 8 et 15 mars 2019, qu'elle a, lors d'une réunion tenue le

22 mars 2019, été victime d'un malaise reconnu comme accident du travail imputable au service par le CCAS, et qu'elle était, à la date de la décision contestée, toujours en congé de maladie pour un état anxio-dépressif. Il ressort enfin des pièces du dossier que ces évènements ont pris place dans le contexte de tensions extrêmement fortes au sein du PRE, dont un rapport d'audit élaboré en mars 2019 a confirmé la réalité en mettant en outre en évidence des difficultés de communication et un " management " perçu comme autoritaire. En se bornant à faire état de ce contexte et, en des termes vagues, de la " nécessité de trouver une solution pour rétablir (le) bon fonctionnement " du PRE, ainsi que de la présence d'une psychologue lors de la réunion du 7 décembre 2018, et à soutenir qu'il a immédiatement reconnu l'accident du travail survenu le 22 mars 2019, le CCAS ne démontre pas que les agissements du 7 décembre 2018 et les divers autres éléments rappelés ci-avant seraient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement et n'excéderaient pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Mme B... est donc fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le président du CCAS a rejeté sa demande de protection fonctionnelle.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

11. Mme B... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions du CCAS de Stains, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1912000 du Tribunal administratif de Montreuil du 1er octobre 2021, ainsi que la décision du 20 août 2019 par laquelle le président du CCAS de Stains a rejeté la demande de protection fonctionnelle de Mme B..., sont annulés.

Article 2 : Le CCAS de Stains versera à Mme B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du CCAS de Stains, présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au centre communal d'action sociale de la commune de Stains.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juin 2023.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLET

Le président,

T. CELERIERLa greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-en-Denis, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N 21PA06107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06107
Date de la décision : 06/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : GODEMER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-06;21pa06107 ?
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