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02/06/2023 | FRANCE | N°22PA01328

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 02 juin 2023, 22PA01328


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti cette décision d'une interdiction de circuler sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2123284 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregi

strés les 21 mars et 7 novembre 2022

M. B..., représenté par Me Ganem, demande à la Cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti cette décision d'une interdiction de circuler sur le territoire français d'une durée de douze mois.

Par un jugement n° 2123284 du 3 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 mars et 7 novembre 2022

M. B..., représenté par Me Ganem, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2123284 du 3 février 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2021 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et assorti cette obligation d'une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de douze mois ;

3°) d'enjoindre à l'autorité compétente d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- la décision est insuffisamment motivée et ne prend pas en compte sa situation personnelle ;

- les faits reprochés ne sont pas d'une gravité telle qu'ils puissent constituer une atteinte grave à l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

- elle est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- aucune urgence ne justifie l'absence de délai de départ volontaire ;

En ce qui concerne l'interdiction de circuler :

- elle est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

-elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Simon ;

- et les observations de Me Ganem, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant roumain et américain et, selon ses déclarations, britannique, né le 27 octobre 2003 à Monaco et résidant au Danemark depuis 2020, est entré le 29 octobre 2021 en France où il a été signalé aux services de police et placé en garde à vue le 31 octobre 2021. Par un arrêté du 31 octobre 2021, pris sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français d'une durée de douze mois. M. B... demande à la Cour d'annuler le jugement, du 3 février 2022, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 31 octobre 2021, ainsi que l'annulation dudit arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a transposé l'article 27 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / (...) 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; / (...) ". En application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

3. Pour décider de l'obliger à quitter le territoire français en application des dispositions précitées du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police s'est fondé sur la circonstance que M. B... avait été interpelé le 31 octobre 2021 pour des faits qualifiés par l'administration d'agression sexuelle et que ces faits constituaient du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Il ressort du procès-verbal de son audition par les services de police le 31 octobre 2021, qu'à l'occasion d'une soirée dans une discothèque, dans les jours suivants son dix-huitième anniversaire, en présence d'un ami connu des réseaux sociaux, M. B..., alcoolisé, a " pincé les fesses d'une fille " qui dansait avec son ami et que cette dernière l'a giflé, d'une part, et qu'il avait déjà par le passé adopté ce type de comportement, qu'il a qualifié de " farce ", ainsi qu'il l'a explicitement indiqué avant de se rétracter, d'autre part. Pour regrettable et inadapté que soit ce comportement, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de police a estimé qu'il constitue du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, au sens donné à ces expressions par lesdites dispositions, de nature à justifier l'édiction d'une mesure d'éloignement du territoire. M. B... est ainsi fondé, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police pris à son encontre le 31 octobre 2021et à demander à la Cour d'annuler cet arrêté qui lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, et, par voie de conséquence, l'annulation de la mesure d'interdit de circuler sur le territoire pour une durée de douze mois qui l'a assorti.

4. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police procède à l'effacement du signalement de M. B... du système d'information Schengen à fin de non admission, à raison de l'arrêté du 31 octobre 2021. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 février 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de police en date du 31 octobre 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de procéder à l'effacement du signalement de

M. B... au fichier de non-admission Schengen dans un délai de deux mois.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 2 juin 2023.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA01328


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01328
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : AARPI ACTE V AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-02;22pa01328 ?
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