Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Ecole de conduite Axel'R a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie pour les années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.
Par un jugement n° 1901369 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Ecole de conduite Axel'R.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 9 août 2021, 5 mai 2022 et 20 janvier 2023, la SARL Ecole de conduite Axel'R, représentée par Me Bouclier, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 22 juin 2021 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie pour les années 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 ;
3°) condamner l'Etat aux dépens et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a obtenu de manière indue des documents auprès de particuliers non soumis au droit de communication ;
- l'administration n'a pas communiqué l'ensemble des informations sur lesquelles elle s'est fondée, en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et de la doctrine administrative BOI-CF-PGR-30-10 n° 210 ;
- sa comptabilité est probante et l'administration ne pouvait pas la rejeter ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est excessivement sommaire et radicalement viciée dans son principe, aboutissant à un nombre d'heures irréalistes et reposant sur une règle du paiement par tiers infondée et un nombre d'heures de conduite par élève surévalué ;
- la méthode qu'elle propose est plus réaliste ;
- elle n'a commis aucun manquement délibéré.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon ;
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bouclier, avocat de la SARL Ecole de conduite Axel'R.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Ecole de conduite Axel'R, exploitée dans la commune de Bondy, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. A l'issue de cette vérification, après avoir rejeté sa comptabilité comme non probante et reconstitué ses recettes, l'administration lui a notifié, par proposition de rectification du 21 juillet 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assortis de pénalités. La société relève appel du jugement du 22 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires, rappels et pénalités restant à sa charge, soit 66 811 euros en droits et 32 832 euros en pénalités, après l'acceptation partielle de ses observations puis de sa première réclamation par l'administration.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, si les élèves de l'auto-école n'étaient pas soumis au droit de communication prévu aux articles L. 81 et suivants du livre des procédures fiscales, l'administration était cependant en droit, dès lors qu'elle ne leur imposait pas l'obligation de lui répondre, de leur demander des informations sur le nombre d'heures de conduite suivies et le mode de règlement auprès de l'auto-école. Il résulte de l'instruction que le courrier adressé à certains élèves ou anciens élèves de l'auto-école, intitulé " demande d'information " et précisant qu'il ne s'agissait pas d'une vérification de leur situation personnelle, ne présentait pas de caractère comminatoire laissant penser que la demande ainsi formulée revêtait un caractère obligatoire. Par ailleurs, si certains élèves ont pu appeler l'inspectrice des finances publiques, qui avait mentionné les coordonnées téléphoniques auxquelles elle était joignable en cas d'interrogation, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait, de sa propre initiative, cherché à joindre certains d'entre eux par téléphone. La société requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que le service vérificateur aurait indûment obtenu des documents auprès de particuliers non soumis au droit de communication et que la procédure d'imposition serait, pour ce motif, irrégulière.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Cette obligation, qui s'impose à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, ne se limite pas aux renseignements et documents obtenus de tiers par l'exercice du droit de communication.
4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la demande de la société requérante, l'administration l'a informée de l'exercice de son droit de communication auprès des établissements bancaires et de la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement. Si, à cette occasion, elle a également communiqué les réponses de deux seulement des élèves de l'auto-école à la demande d'information de l'inspectrice des finances publiques, il résulte de l'instruction que les informations obtenues auprès des élèves n'ont pas servi à établir les impositions contestées et, ainsi, n'entrent pas dans le champ de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
5. En premier lieu, l'administration apporte la preuve que, en particulier, et ainsi qu'elle l'a constaté lors des opérations de contrôle de la société, celle-ci n'enregistrait pas les produits au fur et à mesure de leur exécution mais les globalisait par mois en fonction des encaissements par chèques, sans que les documents conservés permettent de vérifier les opérations jour par jour, que les recettes encaissées en espèces étaient comptabilisées au 31 décembre de chaque année seulement, pour un montant identique à celui des achats réglés en espèces, sans qu'aucune remise d'espèces soit faite sur le compte bancaire de la société ni que les achats puissent être justifiés pour les montants considérés, et qu'il existait une discordance entre le nombre d'élèves apparaissant sur les listes fournies par la société et celui répertorié par la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement au titre des inscriptions à l'examen du permis de conduire. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la comptabilité de la société était dépourvue de valeur probante et qu'elle l'a rejetée.
6. En second lieu, il résulte de l'instruction que pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL Ecole de conduite Axel'R, l'administration a reconstitué une base élèves à partir des fiches présentées et des paiements dont la liste a été fournie par la société lors du contrôle, complétés des informations obtenues de la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement, comprenant les élèves présentés par l'auto-école à l'examen théorique du code de la route ou à l'examen pratique du permis de conduire entre le 1er janvier 2012 et le 30 juin 2014. Elle lui a appliqué divers retraitements pour supprimer les candidats présentés par l'auto-école mais ayant suivi leur formation dans une autre auto-école et prendre en considération les leçons de conduite et présentations aux examens offertes. Elle a ainsi obtenu une base de 392 élèves, dont 82 pour lesquels la société n'avait fourni aucun élément relatif au forfait souscrit par l'élève. Elle a par ailleurs retenu un forfait moyen de vingt-huit heures avant la première présentation à l'examen pratique, majoré de quatre heures en cas de nouvelle présentation, incluant une heure d'évaluation non facturée, qu'elle a appliqué à chaque élève qui présentait un nombre d'heures de conduite inférieur, dont la fiche de suivi n'avait pas été présentée ou dont le forfait suivi n'avait pas été communiqué. Elle a en outre considéré, lorsqu'elle ne pouvait opérer un recoupement avec les données de paiement, qu'un premier règlement, d'un tiers du forfait de base, avait lieu à l'inscription, un deuxième de même montant lors de la présentation au code et le règlement du solde lors de la présentation à l'examen de conduite. Enfin, faute de production de la date de signature des contrats, c'est la date d'achèvement des opérations, soit celle du passage du permis, qui a été retenue pour rattacher les produits. Dans la réponse aux observations du contribuable, l'administration a corrigé certaines inexactitudes et pris en considération, notamment, les circonstances que quatre élèves étaient inscrits en conduite accompagnée, que deux élèves n'ont passé ni le code ni le permis de conduire et deux autres n'ont passé que le code, que certains élèves avaient suivi des heures de conduite dans une autre auto-école et que la société produisait les attestations sur l'honneur de cinq élèves indiquant avoir suivi moins de vingt-huit heures de conduite. En outre, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, un avis de dégrèvement a été émis le 6 avril 2017 pour tenir compte de la justification par la société de la date de certains paiements.
7. La méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la société requérante utilisée par le service vérificateur se fonde ainsi, tout d'abord, sur le nombre d'élèves de l'auto-école, déterminé par recoupement entre les éléments fournis par le contribuable et ceux obtenus de l'administration quant aux élèves présentés à l'examen théorique du code de la route ou à l'examen pratique du permis de conduire, ensuite, sur un forfait moyen d'heures de conduite avant la première présentation à l'examen pratique et avant chaque présentation ultérieure et, enfin, sur les tarifs pratiqués par l'entreprise. Contrairement à ce que la société soutient, une telle méthode ne peut être regardée comme radicalement viciée dans son principe.
8. Si la société conteste le rattachement des produits à l'exercice au cours duquel intervient l'achèvement de la prestation, soit en l'espèce le passage du permis de conduire, il ne résulte pas de l'instruction que son activité pourrait être analysée comme consistant en des prestations discontinues à échéances successives ni que l'administration aurait dû rattacher les produits à la date de conclusion des contrats, alors, en tout état de cause, qu'elle n'a pas été en mesure de fournir les contrats conclus avec les élèves lors de la vérification de sa comptabilité. Par ailleurs, la règle du paiement des forfaits par tiers, retenue pour la taxe sur la valeur ajoutée, n'a été appliquée qu'en l'absence de justificatifs des règlements par les élèves.
9. En revanche, la société soutient que l'administration a pris en considération un nombre d'heures de conduite excessif. Elle fait valoir dans son dernier mémoire, en donnant les noms et les numéros d'enregistrement préfectoral harmonisé de chacun des élèves concernés, et sans que l'administration le conteste en défense, que le service vérificateur n'a pas tenu compte des circonstances que vingt-deux élèves s'étaient inscrits à la suite de l'annulation de leur permis de conduire, effectuant ainsi très peu voire aucune heure de conduite, que trois élèves inscrits en perfectionnement n'ont suivi que trois heures de conduite chacun en moyenne, que trois élèves en extension d'un permis de conduire ont suivi respectivement six, six et deux heures de conduite, que le nombre d'élèves ayant abandonné sans passer le code ni la conduite s'élève à quatorze et celui des élèves ayant abandonné après avoir passé le code également à quatorze et que le fils du gérant n'a suivi aucune heure de conduite facturée au cours de la période considérée. Si elle fait également valoir que seize élèves ont transféré leur dossier depuis une autre auto-école et qu'une élève était en conduite accompagnée, ces circonstances ont été prises en compte par l'administration, ainsi qu'il résulte de la réponse aux observations du contribuable. Par ailleurs, l'absence de prise en considération de l'heure d'évaluation, incluse dans le forfait de base de vingt heures de conduite, est sans incidence sur la reconstitution du chiffre d'affaires. La société n'apporte pas non plus la preuve que les nombres de vingt-huit et quatre heures de conduite au moins seraient, dès lors qu'ils sont appliqués aux seuls élèves effectivement présentés à l'épreuve pratique du permis de conduire et que les situations particulières évoquées ci-dessus sont correctement prises en compte, excessifs au regard de la moyenne nationale de trente-cinq heures de conduite pour l'obtention du permis de conduire, même en tenant compte des particularités du département de la Seine-Saint-Denis. Enfin, la société ne peut utilement se prévaloir de ce que les heures de conduite suivies par certains élèves l'auraient été au cours d'autres exercices que 2012 et 2013, eu égard à ce qui a été dit au point 8.
10. Dans ces conditions, la société doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe sur ce point en vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, non de ce que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires serait excessivement sommaire mais seulement de ce que le nombre d'heures de conduite pris en considération a été surestimé pour cinquante-sept élèves, devant aboutir à retenir, pour vingt-neuf d'entre eux, une moyenne de trois heures, et pour vingt-huit d'entre eux, une moyenne de dix heures.
11. Enfin, la société requérante propose une méthode alternative, fondée sur le nombre d'heures de conduite susceptibles d'avoir été assurées par les salariés et le gérant de l'auto-école. Toutefois, la société, qui se fonde sur les horaires de travail figurant dans les contrats des salariés de l'entreprise, alors qu'elle n'a pas été en mesure de présenter les plannings de travail des moniteurs et que les durées réelles de travail ne peuvent être vérifiées, ne justifie pas de la pertinence de la méthode qu'elle propose.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
13. Eu égard aux nombreuses irrégularités qui entachent la comptabilité de la société et à l'importance de la minoration du chiffre d'affaires déclaré, concernant deux exercices, même en tenant compte de la réduction du nombre d'heures de conduite mentionnée au point 10, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve du manquement délibéré de la SARL Ecole de conduite Axel'R.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ecole de conduite Axel'R est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes, en tant que ce redressement prend en considération un nombre d'heures de conduite surévalué ainsi qu'il est dit au point 10.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la SARL Ecole de conduite Axel'R au titre des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens. Les conclusions de cette société tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens ne peuvent en revanche qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le nombre d'heures de conduite à prendre en considération pour la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Ecole de conduite Axel'R pour 2012 et 2013 est réduit dans les conditions mentionnées au point 10.
Article 2 : La SARL Ecole de conduite Axel'R est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de 2012 et 2013, résultant de la réduction de base d'imposition arrêtée à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 22 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : l'Etat versera une somme de 1 000 euros à la SARL Ecole de conduite Axel'R.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Ecole de conduite Axel'R est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ecole de conduite Axel'R et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2023.
Le rapporteur,
C. SIMONLa présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04566