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17/05/2023 | FRANCE | N°21PA05914

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 mai 2023, 21PA05914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler le titre exécutoire en date du 8 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a mis à sa charge la somme de 12 421,28 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération pour la période du 22 juin 2014 au 25 mai 2015, et de la décharger du paiement de cette somme.

Par un jugement n° 1907645 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 19 novembre 2021, Mme B..., représentée par la SELAFA...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler le titre exécutoire en date du 8 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a mis à sa charge la somme de 12 421,28 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération pour la période du 22 juin 2014 au 25 mai 2015, et de la décharger du paiement de cette somme.

Par un jugement n° 1907645 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2021, Mme B..., représentée par la SELAFA Cabinet Cassel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1907645 du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler le titre exécutoire en date du 8 mai 2019 par lequel le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a mis à sa charge la somme de 12 421,28 euros correspondant à un trop-perçu de rémunération pour la période du 22 juin 2014 au 25 mai 2015 ;

3°) de la décharger du paiement de cette somme ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre exécutoire est illégal, dès lors que la créance est prescrite en application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ;

- il est irrégulier en ce qu'il ne précise pas les bases de liquidation de la somme réclamée ;

- il est illégal, dès lors que la décision du 25 mars 2016, qui le fonde, est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il est illégal en ce que son montant est erroné ;

- le retard de la commune pour émettre le titre exécutoire révèle une carence fautive de l'administration justifiant la décharge de la somme qui lui est réclamée.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2022, la commune de Saint-Ouen-sur-Seine-sur-Seine conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions aux fins d'annulation du titre exécutoire doivent être rejetées, dès lors que les moyens ne sont pas fondés ;

- les conclusions indemnitaires sont, à titre principal, irrecevables, faute d'avoir été précédées d'une demande préalable et, à titre subsidiaire, doivent être rejetées, en l'absence de carence fautive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code civil ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., attachée territoriale titulaire exerçant ses fonctions dans la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, a été victime le 29 janvier 2014 d'un accident qui a été reconnu imputable au service. Elle a été placée en congés de maladie du 31 janvier 2014 au 25 mai 2015 inclus. Par un avis en date du 15 février 2016, communiqué par la commune à Mme B... le 25 février 2016, la commission de réforme a considéré que l'intéressée était apte à la reprise du service à la date du 26 mai 2014 et que les arrêts de travail postérieurs à cette date n'étaient pas à prendre en charge au titre de l'accident de service. Par une décision du 25 mars 2016, le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a refusé de prendre en charge les arrêts de travail à compter du 26 mai 2014 au titre de la maladie de service et a informé la requérante qu'elle sera rémunérée en conséquence à demi-traitement du 22 juin 2014 au 25 mai 2015 inclus. Après avoir émis un premier titre exécutoire le 28 avril 2017 d'un montant de 12 421,28 euros, qui a été annulé par un jugement n° 1704370 du tribunal administratif de Montreuil en date du 9 novembre 2018, pour défaut d'indication des bases de liquidation et des éléments de calcul, la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a émis le 8 mai 2019 un nouveau titre exécutoire pour un même montant correspondant au trop-perçu de rémunération pour la période du 22 juin 2014 au 25 mai 2015. Mme B... relève appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de la somme mise à sa charge.

Sur la prescription :

2. D'une part, l'annulation par une décision juridictionnelle d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme ou de l'incompétence de son auteur n'implique pas nécessairement que les sommes perçues par l'administration sur le fondement du titre ainsi dépourvu de base légale soient immédiatement restituées à l'intéressé, dès lors qu'il est loisible à l'administration, si elle s'y croit fondée et si, en particulier, aucune règle de prescription n'y fait obstacle, de reprendre régulièrement et dans le respect de l'autorité de la chose jugée, sous le contrôle du juge, une nouvelle décision. Lorsque tout ou partie de l'indu a été recouvré, il appartient au juge, s'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de rembourser la somme déjà recouvrée, de déterminer le délai dans lequel l'administration, en exécution de sa décision, doit procéder à ce remboursement, sauf à régulariser sa décision de récupération si celle-ci n'a été annulée que pour un vice de forme ou de procédure.

3. D'autre part, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction issue de l'article 94 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée.

5. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de cet article 37-1 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil.

6. Il résulte des principes dont s'inspirent les dispositions des articles 2241 et 2242 du code civil, tels qu'applicables aux rapports entre une personne publique et un de ses agents, qu'un recours juridictionnel, quel que soit l'auteur du recours, interrompt le délai de prescription et que l'interruption du délai de prescription par cette demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

7. Il résulte de l'instruction que le délai de prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 25 mars 2016, date à laquelle le maire de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine a refusé de prendre en charge les arrêts de travail de Mme B... au titre du service, après avoir recueilli, le 15 février 2016, suite à une expertise médicale supplémentaire demandée le 14 septembre 2015 par la commission de réforme, l'avis défavorable de cette même commission sur l'imputabilité au service. Le délai de prescription biennale, qui expirait le 25 mars 2018, a été interrompu par l'émission d'un titre exécutoire le 28 avril 2017, puis par le recours juridictionnel de la requérante le 19 mai 2017. Un nouveau délai a couru à compter du jugement annulant le 9 novembre 2018 le premier titre exécutoire pour défaut de base de liquidation, pour une durée de deux ans. La commune de Saint-Ouen-sur-Seine a émis un nouveau titre exécutoire le 8 mai 2019, soit avant l'expiration, le 9 novembre 2020, du délai de prescription biennale courant à compter du prononcé du jugement. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la créance en litige est prescrite.

Sur la régularité du titre exécutoire :

8. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Il résulte de ces dispositions que tout état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

9. Si le titre exécutoire litigieux n'indique pas les bases et éléments de calculs sur lesquels il se fondait pour mettre la somme en cause à la charge de Mme B..., il fait toutefois référence à un courrier envoyé en recommandé notifié le 30 novembre 2018 détaillant les éléments de calcul et dont une copie a été annexée au titre exécutoire, comme Mme B... le reconnaît elle-même dans ses écritures. Contrairement à ce que Mme B... soutient, et en tout état de cause, le bulletin de six pages contenu dans ce courrier mentionne un montant à payer de 12 421,28 euros, qui correspond bien à la somme qui lui est réclamée. Par suite, le moyen tiré de l'absence de base de liquidation doit être écarté.

Sur le bien-fondé du titre exécutoire :

10. En premier lieu, Mme B... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision du 25 mars 2016 refusant l'imputabilité au service des arrêts de travail pour la période du 22 juin 2014 au 25 mai 2015 inclus. Il résulte toutefois de l'instruction que cette décision expresse, dont la date de notification n'est pas établie et qui ne comportait pas de voies et délais de recours, a fait l'objet d'un recours gracieux le 11 avril 2016, auquel la commune a opposé une décision implicite de rejet. Mme B..., qui doit être regardée comme ayant eu connaissance de la décision prise à son encontre au plus tard le 11 avril 2016, disposait d'un délai raisonnable d'un an pour contester la légalité de cette décision, soit jusqu'au 11 avril 2017. Elle n'a contesté, pour la première fois, la décision du 25 mars 2016, par la voie de l'exception, que dans un recours contentieux enregistré le 19 mai 2017, soit postérieurement à l'expiration du délai raisonnable qui expirait le 11 avril 2017. Dans ces conditions, la décision du 25 mars 2016 doit être regardée comme devenue définitive à cette date. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 25 mars 2016 refusant l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme B... doit être écarté.

11. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que le titre exécutoire est irrégulier en ce que le montant de 12 421,28 euros correspondant au trop perçu de rémunération pour la période du 22 juin 2014 au 25 mai 2015 est erroné, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Par suite, elle n'est pas fondée à demander pour ce motif l'annulation du titre exécutoire contesté.

12. En troisième lieu, si Mme B... demande la décharge de la somme qui lui est réclamée en faisant état des fautes de l'administration, il résulte toutefois de l'instruction que la commune de Saint-Ouen-sur-Seine était tenue, en application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de celles de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, de verser à l'intéressée une rémunération à plein traitement dans l'attente de l'avis de la commission de réforme qui s'est prononcée le 15 février 2016, après plusieurs expertises dont la dernière en date du 21 octobre 2015. La commune indique en outre avoir attendu la mise en œuvre de la garantie " maintien de salaire " dont bénéficie la requérante avant de procéder à l'émission d'un titre exécutoire. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune, Mme B... n'est pas fondée à demander la décharge ou la réduction des sommes dues en fonction de fautes qui seraient imputables à l'administration.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement à la commune de Saint-Ouen-sur-Seine-sur-Seine d'une somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune de Saint-Ouen-sur-Seine la somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Saint-Ouen-sur-Seine-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.

La rapporteure,

C. C...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05914 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05914
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : S.E.L.A.F.A. CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-17;21pa05914 ?
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