Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire national durant deux ans et l'a informée qu'elle faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par un jugement n° 2206787 du 25 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2022, Mme A..., représentée par Me Sow, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2206787 du 25 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour "salarié" dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- l'arrêté préfectoral méconnaît l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
-la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans n'est pas suffisamment motivée ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine née le 28 novembre 1982, est entrée en France en décembre 2017. Le 24 septembre 2021, elle a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire. Par un arrêté du 9 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire national pour une durée de deux ans. Par un jugement du
25 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme A... soutient que le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé. Il ressort toutefois des termes de ce dernier que les premiers juges ont examiné l'ensemble des moyens soulevés devant eux et y ont répondu avec précision. Le jugement n'est donc pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans ".
4. Si Mme A... soutient que son employeur a déposé une demande d'autorisation de travail auprès des services de la sous-préfecture du Raincy, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause, comme l'ont relevé les premiers juges, le motif sur lequel s'est fondé le préfet de la Seine-Saint-Denis pour rejeter sa demande, tiré de ce que la requérante ne produisait pas de contrat de travail visé par les autorités compétentes. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, Mme A... soutient qu'elle travaille en qualité d'agent de nettoyage depuis 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle n'est entrée sur le territoire français qu'en décembre 2017, et qu'elle a ensuite exercé une activité professionnelle à temps partiel, puis à temps complet à partir de 2021, auprès des sociétés Nettoyage Expert et Lusitanie France Nettoyage. Ces circonstances ne suffisent pas à établir que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui relève par ailleurs que l'intéressée a fait usage d'un faux titre de séjour, d'un faux récépissé de demande de carte de séjour, comportant son identité et sa photo, ainsi que d'une fausse attestation d'assurance maladie, pour se faire embaucher, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour au titre de son pouvoir général de régularisation des ressortissants marocains, qui ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elles prévoient la délivrance exceptionnelle d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il ne ressort pas à cet égard des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par l'absence d'instruction de la demande d'autorisation de travail formée par son employeur et aurait méconnu l'étendue de ses compétences.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Mme A... soutient que la vie privée qu'elle a développée en France, notamment par son insertion professionnelle, justifie que lui soit délivré un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et qu'en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a violé les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, elle ne justifie que d'une faible durée de présence sur le territoire français, où elle est entrée en décembre 2017 à l'âge de trente-cinq ans, elle est célibataire et sans charge de famille ; elle n'établit ainsi aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel permettant son admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions précitées de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, aucun élément du dossier ne fait obstacle à ce qu'elle puisse poursuivre au Maroc, son pays d'origine, une vie privée et familiale normale. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a donc pas violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant l'arrêté attaqué. Pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences dudit arrêté sur la situation personnelle de l'intéressée.
8. En quatrième lieu, Mme A... soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée. L'arrêté du 9 mars 2022 vise cependant le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 612-6. Il relève en outre que l'examen de l'ensemble de sa situation, à laquelle il s'est livré s'agissant notamment de son activité professionnelle et de sa situation privée et familiale, ne révélait aucun obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, les moyens tirés de ce que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A... et de ce qu'elle porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit doivent être écartés.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 9 mars 2022. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Isabelle Marion, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.
La rapporteure,
G. B...Le président,
I. LUBBENLe greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03694