Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 avril 2022 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination d'une mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2211833/8 du 21 septembre 2022, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 27 avril 2022 du préfet de police, a enjoint au préfet de police, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de délivrer à M. D... un certificat de résidence de dix ans dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 octobre 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2211833/8 du 21 septembre 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- les autres moyens soulevés par M. D... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense et des pièces enregistrés les 21 décembre 2022 et 7 avril 2023, M. D..., représenté par Me Bennouna, conclut au rejet de la requête du préfet de police et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que comme l'ont considéré à bon droit les premiers juges, les stipulations du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues par l'arrêté en litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me Bennouna, pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant algérien, né le 23 septembre 1990, est entré en France le 31 décembre 2017 muni de son passeport revêtu d'un visa " C ". Le 10 août 2020, il s'est marié avec une ressortissante française, Mme C..., et le préfet de police lui a délivré un titre de séjour d'un an en sa qualité de conjoint de ressortissant français valable jusqu'au 13 octobre 2021. Par arrêté du 27 avril 2022, le préfet de police a refusé de renouveler son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination d'une mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2211833/8 du 21 septembre 2022, dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de police, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de délivrer à M. D... un certificat de résidence de dix ans dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. D....
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a) (...) : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article ; / (...) ". Aux termes de l'article 6 du même accord : " / (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...). / (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Aux termes du premier alinéa de l'article 108 du code civil : " Le mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie ".
3. Il ressort des pièces du dossier que pour établir la communauté de vie avec son épouse, M. D... produit des documents avec une domiciliation à l'adresse de cette dernière, à savoir l'avis d'impôt sur les revenus commun pour l'année 2020 et la déclaration des revenus correspondante, la taxe d'habitation au titre de l'année 2021, l'avis d'impôt sur les revenus commun pour l'année 2021, des attestations de souscription à une assurance de garantie d'assistance aux personnes souscrite en 2021 et en 2022 et à une assurance habitation au titre de l'année 2022, ses bulletins de salaire, ses relevés de compte bancaire ainsi qu'une attestation sur l'honneur de communauté de vie signée par les deux époux le 22 mai 2022, soit postérieurement à l'arrêté attaqué mais qui révèle une situation antérieure et l'attestation de droits à l'assurance maladie du 25 mai 2022. Le préfet de police se prévaut du rapport rédigé suite à l'enquête diligentée par la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne au sein dudit domicile qui précise que si le nom de M. D... est mentionné sur une étiquette manuscrite rajoutée sur la boite aux lettres de son épouse, aucun effet personnel de ce dernier n'a été trouvé dans le studio, son épouse précisant qu'ils seraient entreposés chez son cousin compte-tenu de sa petite superficie. Par ailleurs, ce rapport indique que seules étaient présentes dans la salle de bains deux brosses à dents mais aucun cosmétique masculin ni rasoir et, lorsqu'il a été demandé à l'intéressée de fournir des photographies de son couple, elle n'a pu montrer que celles de leur mariage. Toutefois, M. D... se prévaut de la circonstance que le règlement de la résidence foyer dans laquelle vit son épouse ne permet pas l'hébergement de tiers et il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été enregistrée comme célibataire et n'a pas sollicité l'autorisation d'héberger un tiers laquelle est limitée à une durée maximale de trois mois et ne permet pas ainsi de logement pérenne. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme C... qui avait déjà déposé une demande de logement locatif social en se prévalant de sa qualité de célibataire, a modifié cette demande en indiquant son changement de situation matrimoniale le 22 février 2022, soit postérieurement au déroulement de l'enquête précitée mais avant l'intervention de l'arrêté contesté. Il suit de là que le faisceau d'indices était suffisant pour permettre de considérer que la communauté de vie effective entre Mme C... et M. D... était établie de sorte que, comme l'ont considéré à bon droit les premiers juges, le préfet de police ne pouvait refuser à ce dernier le renouvellement de son certificat de résidence en qualité de conjoint de ressortissant français sans méconnaître les stipulations du a) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
4. Par suite, le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 avril 2022. Les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation du jugement précité et au rejet de la requête de première instance présentée par M. D... ne peuvent, ainsi, qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... D....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2023.
La rapporteure,
A. B... Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22PA04562