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10/05/2023 | FRANCE | N°22PA04052

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mai 2023, 22PA04052


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2105095 du 8 août 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Bisalu, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 août 2022 ;

2°) d'annuler

cette décision implicite de rejet ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne ou au préfet territorialemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2105095 du 8 août 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Bisalu, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 août 2022 ;

2°) d'annuler cette décision implicite de rejet ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne ou au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée n'est pas motivée ;

- elle a été prise à la suite d'une procédure irrégulière, la commission du titre de séjour n'ayant pas été saisie préalablement de son cas sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de M. A....

Une note en délibéré, présentée pour M. A..., a été enregistrée le 18 avril 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier reçu à la préfecture de Seine-et-Marne le 9 décembre 2020, M. A..., ressortissant angolais, né en 1986, a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. En raison du silence gardé par le préfet de Seine-et-Marne, la demande de l'intéressé doit être regardée comme ayant été implicitement rejetée. M. A... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police / (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait demandé au préfet de Seine-et-Marne la communication des motifs de sa décision implicite de rejet. Par suite, le requérant n'est pas, en tout état de cause, fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'un défaut de motivation.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la [commission du titre de séjour] mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans / (...) ".

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la demande de titre de séjour reçue en préfecture le 9 décembre 2020, que M. A... a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, si le requérant soutient qu'il réside en France depuis le 18 février 2002, il ne justifie pas, par les pièces produites en appel comme devant les premiers juges, d'une résidence habituelle depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Par suite, M. A... n'est pas, en tout état de cause, fondé à soutenir que le préfet de Seine-et-Marne était tenu, en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

7. M. A... soutient contribuer à l'entretien et à l'éducation des deux enfants nés, en 2011 et 2016, de son union avec une ressortissante française dont il est séparé. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 29 septembre 2020, le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de Melun constate que l'intéressé exerce conjointement l'autorité parentale à l'égard de ses enfants, fixe la résidence habituelle des enfants au domicile de leur mère, en précisant que cette résidence correspond à la situation actuelle des enfants, accorde à A... un droit de visite et d'hébergement un dimanche sur deux de 10 heures à 18 heures et met à la charge du requérant le versement d'une pension alimentaire mensuelle de 250 euros pour l'entretien et l'éducation de ses enfants. Toutefois, aucune des pièces versées devant les premiers juges comme devant la Cour n'atteste que le requérant a effectivement reçu ses enfants à son domicile depuis l'intervention du jugement du 29 septembre 2020. Par ailleurs, en se bornant à produire quelques factures et tickets de caisse émis entre fin 2021 et début 2022, soit du reste après l'intervention de la décision attaquée, par une enseigne de sport et des magasins de grande distribution, des relevés de compte faisant état de virements de 50 euros émis les 22 novembre et 20 décembre 2021 sans que, au demeurant, ils ne permettent d'en identifier le bénéficiaire, un bulletin scolaire du premier semestre 2020 concernant l'enfant née en 2011 et une attestation du 26 février 2015 de la responsable du service enfance de la mairie de Moissy-Cramayel indiquant qu'il vient reprendre sa fille le soir à l'accueil post scolaire, trop ancienne pour être prise en compte, M. A... ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants depuis au moins deux ans à la date de la décision attaquée. En outre, le requérant, qui est tenu de verser à ses enfants une pension alimentaire mensuelle de 250 euros n'indique pas qu'il serait dans un état d'impécuniosité, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il percevait un salaire net mensuel de 1 551,37 euros à la date de la décision attaquée. Si M. A... soutient également qu'il est le père d'un troisième enfant né en 2008 d'une autre relation, il n'établit pas que cet enfant est de nationalité française ni, en tout état de cause, qu'il contribue effectivement à son éducation et à son entretien en se bornant à produire deux virements de 20 et 30 euros émis les 19 novembre et 14 décembre 2021 avec pour motif indiqué " argent de poches ", un relevé d'absences du 18 novembre 2021, des bulletins scolaires et une facture pour des frais périscolaires du 25 juillet 2018. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. En se bornant à se prévaloir de la durée de sa présence en France depuis plus de dix ans, ce dont il ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit au point 5, et de la circonstance qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants, ce qui, ainsi qu'il a été dit au point 7, n'est pas établi, M. A..., qui est célibataire, n'est pas fondé, dans les circonstances de l'espèce, à soutenir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale / (...) ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants. Par suite, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

12. En dernier lieu, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7, 9 et 11.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais d'instance doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04052 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04052
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : BISALU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-10;22pa04052 ?
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