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10/05/2023 | FRANCE | N°21PA00262

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mai 2023, 21PA00262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler les titres de recettes n° 2463-4406 et 2463-4407 du 31 décembre 2019, les états liquidatifs 7682/DBF, 7683/DBF et 7684/DBF du 30 décembre 2019 et la lettre du 7 janvier 2020.

Par un jugement n° 2000110 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 janvier 2021 et le 21 jui

n 2021, M. C..., représenté par Me Eftimie-Spitz, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler les titres de recettes n° 2463-4406 et 2463-4407 du 31 décembre 2019, les états liquidatifs 7682/DBF, 7683/DBF et 7684/DBF du 30 décembre 2019 et la lettre du 7 janvier 2020.

Par un jugement n° 2000110 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 janvier 2021 et le 21 juin 2021, M. C..., représenté par Me Eftimie-Spitz, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000110 du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler les titres de recettes n° 2463-4406 et 2463-4407 du 31 décembre 2019, les états liquidatifs 7682/DBF, 7683/DBF et 7684/DBF du 30 décembre 2019 et la lettre du 7 janvier 2020 ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les titres de recettes contestés ne comprennent pas d'indication des voies et délais de recours ;

- les titres de recettes ne sont pas motivés en méconnaissance de l'article 84 de la délibération 95-205 AT du 23 novembre 1995 portant adoption de la réglementation budgétaire, comptable et financière de la Polynésie française et de la loi du 11 juillet 1979 ;

- les sommes réclamées sont prescrites en application de l'article 87-1 de la délibération n° 95-205 AT du 23 novembre 1995 et de l'article 2224 du code civil ;

- les titres contestés sont illégaux à raison de l'illégalité de l'arrêté du 9 janvier 2019 dès lors que l'arrêté du 30 mai 2012 retiré par l'arrêté du 9 janvier 2019 a été pris pour exécuter l'avenant à son contrat de travail le classant en première catégorie de la convention collective des agents non-fonctionnaires de l'administration et que, n'ayant pas été pris en exécution du jugement du 25 octobre 2011, il ne pouvait pas être retiré après son annulation, que l'arrêté du 9 janvier 2019 est illégal car il retire l'arrêté du 30 mai 2012, qui est créateur de droits, au-delà du délai de 4 mois à compter de la prise de décision, qu'il retire l'arrêté du 30 mai 2012 au-delà du délai de 4 mois à compter de l'annulation de la décision juridictionnelle du 25 octobre 2011 et qu'il porte atteinte au principe de sécurité juridique dans la mesure où il a été notifié plus d'un an après son adoption.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2021, la Polynésie française, représentée par Me Neuffer, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 700 euros soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2224 du code civil est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code civil ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la délibération n° 95-205 AT du 23 novembre 1995 ;

- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 ;

- la délibération n° 95-238 AT du 14 décembre 1995 ;

- la délibération n° 95-240 AT du 14 décembre 1995 ;

- la délibération n° 99-32 APF du 4 mars 1999 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été recruté par le gouvernement de la Polynésie française, en qualité d'aide animateur sportif, par un contrat à durée indéterminée signé le 2 février 1993. Après avoir obtenu, le 24 octobre 1997, le brevet d'Etat d'éducateur sportif du deuxième degré, il a sollicité son intégration dans la fonction publique de la Polynésie française et a été, par un arrêté du 18 avril 2000, titularisé à compter du 22 décembre 1997 dans le cadre d'emplois des opérateurs des activités physiques et sportives. Estimant remplir les conditions posées par la délibération n° AT n° 95-238 du 14 décembre 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des conseillers des activités physiques et sportives de la fonction publique du territoire de la Polynésie française, pour une intégration dans ce cadre d'emplois, il a, par une lettre du 23 février 2011, contesté les conditions de sa titularisation et sollicité du président du gouvernement de la Polynésie française qu'il procède à la reconstitution de sa carrière. Il a ensuite saisi le tribunal administratif de la Polynésie française qui, par un jugement n° 1100284 du 25 octobre 2011, a annulé la décision implicite rejetant sa demande et a enjoint à la Polynésie française de procéder à la reconstitution de sa carrière. L'administration a, par un arrêté du 30 mai 2012, régularisé la situation de M. C... en l'intégrant dans le cadre d'emplois des conseillers des activités physiques et sportives de la Polynésie au grade de conseiller et a reconstitué sa carrière. Le jugement du 25 octobre 2011 a cependant été annulé à la suite d'une requête de la Polynésie française, par un arrêt n° 12PA00408 de la Cour du 19 juin 2014, annulé par une décision n° 384637 du 22 juin 2016 du Conseil d'Etat statuant au contentieux. Par un arrêt n° 16PA02156 du 10 avril 2018, la Cour, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a annulé une nouvelle fois le jugement du 25 octobre 2011 du Tribunal administratif de la Polynésie française et a rejeté la demande de M. C... devant le tribunal ainsi que ses conclusions devant la Cour. Par une décision du Conseil d'Etat n° 422119 du 30 novembre 2018, le pourvoi de cassation de M. C... contre le second arrêt de la Cour n'a pas été admis.

2. Après la décision du Conseil d'Etat mettant définitivement fin au litige, l'administration, par l'arrêté du 9 janvier 2019, a notamment retiré l'arrêté du 30 mai 2012 et procédé à la reconstitution de la carrière de M. C... dans le cadre d'emplois des opérateurs des activités physiques et sportives. Les états liquidatifs des sommes perçues à tort par M. C... ont été établis le 30 décembre 2019, et les titres de recettes n° 4406 et 4407 ont été émis le 31 décembre 2019 pour constituer l'intéressé débiteur d'une créance d'un montant de 33 767 182 F CFP. M. C... a été informé de ces titres de recettes par courrier de la directrice du budget et des finances de la Polynésie française le 7 janvier 2020. Il relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge des sommes mises à sa charge par les titres de recettes du 31 décembre 2019.

Sur l'exception d'illégalité de l'arrêté du 9 janvier 2019 :

3. Si M. C... soutient que l'arrêté du 30 mai 2012 a été pris en exécution d'un avenant à son contrat de travail, intervenu le 20 septembre 2011 avant le jugement du tribunal administratif du 25 octobre 2011, il ressort toutefois des termes mêmes de l'arrêté du 30 mai 2012 que ce dernier a été pris en exécution du jugement du tribunal administratif rendu le 25 octobre 2011.

4. En cas d'annulation, par une décision du juge d'appel, du jugement ayant prononcé l'annulation d'une décision déterminant les modalités d'intégration d'un agent public dans un cadre d'emplois, et sous réserve que les motifs de cette décision juridictionnelle ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à une nouvelle décision, l'autorité compétente ne peut retirer la décision prise en exécution du premier jugement que dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la notification à l'administration de la décision rendue en appel. Passé ce délai et dans le cas où un pourvoi en cassation a été introduit contre l'arrêt ayant confirmé la décision initiale, l'autorité compétente dispose à nouveau de la faculté de retirer la décision prise en exécution du premier jugement, dans un délai raisonnable de quatre mois à compter de la réception de la décision qui rejette le pourvoi ou de la notification de la décision juridictionnelle qui, après cassation, confirme en appel l'annulation du premier jugement.

5. Ainsi qu'il a été dit aux points 1 et 2, le gouvernement de la Polynésie française a retiré l'arrêté du 30 mai 2012 pris en exécution du jugement du 25 octobre 2011 du tribunal administratif par un arrêté du 19 janvier 2019, moins de quatre mois après la notification de la décision du Conseil d'Etat du 30 novembre 2018 refusant l'admission du pourvoi formé contre l'arrêt du 10 avril 2018 de la Cour annulant ce jugement. Il suit de ce qui a été dit au point 4 que la date à laquelle ce retrait est intervenu ne le rend pas illégal.

6. Les conditions de notification de l'arrêté du 9 janvier 2019 étant sans influence sur sa légalité, M. C... ne peut utilement soutenir qu'il a été notifié tardivement.

Sur les autres moyens :

7. En premier lieu, les titres de recettes en litige n'entrant dans aucune des catégories de décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, le moyen tiré de la méconnaissance de cette loi doit être écarté comme inopérant.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 84 de la délibération n° 95-205 AT du 23 novembre 1995 portant adoption de la réglementation budgétaire, comptable et financière du territoire et de ses établissements publics : " Les titres exécutoires doivent comporter les éléments suivants : - l'identité et l'adresse géographique et postale du débiteur ; - la nature de la créance ; - la référence au texte ou au fait générateur sur lesquels est fondée l'existence de la créance ; - les bases de la liquidation de la créance ; - l'imputation budgétaire donnée à la recette ; - le montant de la somme à recouvrer ; - la date à laquelle le titre est émis ; - les délais et voies de recours dont le contribuable dispose pour contester le titre ; - les modalités de paiement ".

9. Il résulte de l'instruction que les titres de recettes litigieux visent le remboursement de sommes perçues à tort par M. C..., pour des périodes déterminées, en raison de la reconstitution de sa carrière en référence à l'état liquidatif des sommes perçues à tort. Alors que le requérant ne soutient pas que ce document n'était pas joint aux titres de recettes, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

10. En troisième lieu, les conditions de notification des titres de recette du 31 décembre 2019 étant sans influence sur leur légalité, M. C... ne peut utilement soutenir qu'ils ne mentionneraient pas précisément les voies et délais de recours.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 87-1 de la délibération n° 95-205 précitée : " Le remboursement des trop-perçus sur salaires et accessoires de salaires peut être fait à tout moment sous réserve de la prescription applicable. (...). ". Aux termes de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, applicable à la Polynésie française : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ". Selon l'article 2277 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, également applicable en Polynésie française : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : / Des salaires ; / Des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; / Des loyers et fermages ; / Des intérêts des sommes prêtées, / et généralement de tout ce qui est payable par année ou à termes périodiques plus courts ". Le point de départ de la prescription quinquennale prévue par l'article précité est la date à laquelle la créance devient exigible.

12. M. C... fait valoir que les sommes demandées par l'administration sont prescrites. Toutefois, en conséquence, en vertu des dispositions précitées de l'article 2277 du code civil, l'administration disposait d'un délai de cinq ans à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de notification de la décision du Conseil d'Etat pour recouvrer sa créance devenue exigible et procéder à une action en restitution des rémunérations versées au requérant. Ainsi, à la date du 31 décembre 2019, date à laquelle les titres de recettes ont été émis à l'encontre de M. C..., l'action en restitution de l'administration n'était pas prescrite.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par la Polynésie française au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2023.

L'assesseur le plus ancien,

P. HAMON Le président- rapporteur,

C. A...

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA00262


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : EFTIMIE-SPITZ

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 10/05/2023
Date de l'import : 14/05/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21PA00262
Numéro NOR : CETATEXT000047541620 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-10;21pa00262 ?
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