La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2023 | FRANCE | N°23PA00131

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 09 mai 2023, 23PA00131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision du 20 janvier 2020 par laquelle le maire de Presles-en-Brie a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis et, d'autre part, à la régularisation de la situation de M. C... au regard de la retraite additionnelle de la fonction publique ;

2°) de condamner la commune de Presles-en-Brie à leur verser la somme de

56 344,55 euros

en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis, assortie des intérêts au taux lé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et Mme A... C... ont demandé au Tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la décision du 20 janvier 2020 par laquelle le maire de Presles-en-Brie a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis et, d'autre part, à la régularisation de la situation de M. C... au regard de la retraite additionnelle de la fonction publique ;

2°) de condamner la commune de Presles-en-Brie à leur verser la somme de

56 344,55 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de leur demande indemnitaire préalable.

Par un jugement n°2002469 du 15 décembre 2022, le Tribunal administratif de Melun a :

- condamné pour faute la commune de Presles-en-Brie à verser à M. C... une somme de 6 376,90 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2020 ;

- rejeté les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Presles-en-Brie à raison des préjudices prétendument subis par Mme C... ;

- rejeté les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Presles-en-Brie, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à raison du préjudice d'agrément prétendument subi par M. C... ;

- avant de statuer sur les conclusions de M. et Mme C... tendant à l'indemnisation, sur le fondement de la responsabilité sans faute de la commune de Presles-en-Brie, des préjudices extra-patrimoniaux résultant de l'accident de service de M. C... survenu le 15 novembre 2012, décidé qu'il serait procédé à une expertise médicale (articles 5 à 7) ;

- réservé les conclusions des parties sur lesquelles il n'est pas expressément statué par le jugement (article 8).

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2023, régularisée le 11 janvier 2023, la commune de Presles-en-Brie, représentée par Me Godemer, demande à la Cour d'annuler les articles 5 à 8 de ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 15 décembre 2022.

Elle soutient que :

- compte tenu de la consolidation de l'état de M. C... le 21 mai 2014, sa créance était, en vertu de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968, prescrite depuis le 1er janvier 2019 lorsque M. et Mme C... ont, le 27 novembre 2019, présenté leur demande préalable ;

- le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions dont il était saisi, en se fondant sur l'accident de service du 15 novembre 2012 que M. C... n'avait pas identifié précisément dans ses écritures comme étant à l'origine de ses préjudices prétendus, et sur un épisode hyperalgique lombaire ainsi que sur des troubles dépressifs en lien avec cet accident, qui ne ressortaient pas non plus de ses écritures ;

- il ne pouvait donner mission à l'expert de fixer la date de consolidation de l'état de santé de M. C..., alors que cette date avait déjà été fixée par les conclusions du médecin expert agréé ;

- il ne pouvait pas davantage donner mission à l'expert d'évaluer les préjudices liés à une maladie professionnelle dont M. C... n'avait pas fait état ;

- M. C... n'établit en tout état de cause pas la réalité des préjudices que le tribunal administratif a demandé à l'expert d'évaluer.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 mars et le 7 avril 2023,

M. et Mme C..., représentés par Me Lerat, concluent au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 600 euros soit mise à la charge de la commune de Presles-en-Brie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la commune ne saurait invoquer l'exception de prescription pour la première fois en appel ;

- le cours de la prescription quadriennale a été interrompu par les recours que

M. C... a introduits contre les arrêtés des 13 novembre et 7 décembre 2015, et du

29 novembre 2016, par lesquels le maire l'avait place´ en disponibilité´ d'office ;

- la date de consolidation et le taux de l'incapacité de M. C... n'ont jamais été fixés par une décision de la collectivité ;

- la prescription quadriennale n'a commencé à courir qu'à compter de l'arrêté du

8 septembre 2015 décidant le placement de M. C... en congé pour accident de travail du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2015 ;

- les moyens relatifs à la régularité du jugement du tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 30 mars 2023, la commune de Presles-en-Brie conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 31 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- les observations de Me Godemer, pour la commune de Presles-en Brie,

- et les observations de Me Sanches, pour M. et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., intégré le 1er décembre 2005 dans le cadre d'emploi des contrôleurs principaux de travaux par le maire de Presles-en-Brie, est titulaire du grade de technicien principal de 2ème classe. Le 15 novembre 2012, il a été victime d'un accident, reconnu imputable au service par arrêté du maire du 21 octobre 2013, à la suite duquel il a été placé en congé de maladie imputable au service. Par arrêtés des 13 novembre et 7 décembre 2015, le maire de Presles-en-Brie a placé M. C... en disponibilité d'office à compter du

20 novembre 2015, avec maintien d'un demi-traitement, puis l'a placé dans cette position, à compter du 1er août 2015, dans l'attente d'une réintégration ou d'un reclassement, pour une durée de douze mois, à demi-traitement. Par un nouvel arrêté du 29 novembre 2016, le maire l'a maintenu dans cette position pour la période du 1er août 2016 au 31 juillet 2017. Par un jugement nos 1600352, 1601149 et 1700700, du 8 novembre 2018, devenu définitif, le Tribunal administratif de Melun a annulé ces trois arrêtés, en raison d'une erreur de droit.

M. C... dont la commune de Presles-en Brie a régularisé la situation par un arrêté du

4 janvier 2019, et qui exerce les fonctions de responsable du centre technique municipal de la commune de Nandy depuis le 9 mai 2017, et son épouse ont toutefois recherché la responsabilité de la commune de Presles-en Brie. Par une décision du 20 janvier 2020, la commune de Presles-en-Brie a rejeté leur réclamation préalable.

2. Par un jugement n°2002469 du 15 décembre 2022, le Tribunal administratif de Melun a notamment, avant de statuer sur les conclusions de M. et Mme C... tendant à l'indemnisation, sur le fondement de la responsabilité sans faute de la commune de Presles-en-Brie, des préjudices extra-patrimoniaux résultant de l'accident de service de M. C... survenu le 15 novembre 2012, décidé qu'il serait procédé à une expertise médicale (articles 5 à 7) et réservé ces mêmes conclusions ainsi que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 8). La commune de Presles-en-Brie fait appel des articles 5 à 8 de ce jugement.

Sur la requête de la commune de Presles-en-Brie :

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la commune de Presles-en-Brie, M. C... a, dans sa demande introductive d'instance devant le tribunal administratif fait état de l'accident de service dont il a été victime le 15 novembre 2012, de l'épisode hyperalgique lombaire et des troubles dépressifs qui s'en seraient suivis (point 1-3), ainsi que d'une maladie professionnelle (point 2-2). La commune n'est donc pas fondée à contester la régularité du jugement du tribunal administratif, en soutenant que le tribunal aurait statué au-delà des conclusions dont il était saisi, en décidant qu'il serait procédé à une expertise sur les préjudices correspondant aux souffrances endurées par M. C..., au préjudice moral subi et au développement d'une maladie professionnelle, en lien avec cet accident de service.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...)". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) ". Aux termes de l'article 7 de cette loi : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) ". S'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime.

5. Il ressort du dossier de première instance que la commune de Presles-en-Brie, qui était recevable à invoquer l'exception de prescription jusqu'à la date de lecture du jugement, avait soulevé cette exception dans une note en délibéré présentée le 2 décembre 2022 devant le tribunal administratif. Elle ne peut donc, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., être regardée comme soulevant cette même exception pour la première fois en appel.

6. S'il résulte du rapport établi le 21 mai 2014 par le docteur E..., médecin rhumatologue du Centre hospitalier Sud francilien, expert agréé, que les infirmités liées à l'accident de service dont M. C... a été victime le 15 novembre 2012, ont été consolidées au plus tard le 21 mai 2014, M. et Mme C... se réfèrent à un certificat médical du docteur F..., médecin généraliste, du 15 juillet 2014, selon lequel l'état de santé de M. C... n'était pas encore consolidé à cette date. En l'état de l'instruction, la commune de Presles-en-Brie n'est donc pas fondée à soutenir que la créance de M. C... était prescrite depuis le 1er janvier 2019 en vertu des dispositions citées ci-dessus, lorsque

M. et Mme C... ont, le 27 novembre 2019, présenté leur demande préalable.

7. En troisième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, c'est à bon droit que le tribunal administratif a, dans son jugement, notamment donné mission à l'expert, d'une part, de fixer, au vu des éléments du dossier, la date de consolidation de l'état de santé de

M. C... ou, si ce dernier n'est pas encore consolidé, d'indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, et, d'autre part, d'évaluer ses préjudices extrapatrimoniaux liés au développement d'une maladie professionnelle.

8. En dernier lieu, la commune de Presles-en-Brie ne saurait utilement faire valoir que M. C... n'établirait pas la réalité des préjudices que le tribunal administratif a demandé à l'expert d'évaluer.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune de Presles-en-Brie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a décidé qu'il serait procédé à une expertise.

Sur les conclusions de M. et à Mme C..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Presles-en-Brie une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et à

Mme C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Presles-en-Brie est rejetée.

Article 2 : La commune de Presles-en-Brie versera à M. et à Mme C... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Presles-en-Brie, à M. D... C... et à Mme A... C....

Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2023.

Le rapporteur,

J-C. B...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00131
Date de la décision : 09/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-09;23pa00131 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award