Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La compagnie nationale Royal Air Maroc a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 31 décembre 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français une passagère démunie de visa valable ou de le décharger de cette amende et, à défaut, de réduire le montant de cette amende à 750 euros.
Par un jugement n° 1904022/3-2 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a ramené le montant de cette amende de 10 000 euros à 5 000 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 février 2022 et 15 mars 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1904022/3-2 du 16 décembre 2021 en tant qu'il a prononcé la réduction du montant de l'amende infligée à la compagnie nationale Royal Air Maroc et de rejeter la demande présentée par cette compagnie devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- la compagnie nationale Royal Air Maroc a manqué à l'obligation de contrôle qui lui incombe en vertu des dispositions de l'article L. 6421-2 du code des transports et que, par suite, il était fondé à lui infliger une amende en application des dispositions des articles L. 625-1 et suivants, alors applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la constatation du dépassement de la durée de séjour ne présentait pas de difficultés pour un agent d'embarquement normalement attentif et formé, la circonstance que le visa n'ait pas été abrogé n'était pas de nature à compliquer la mission du personnel de la compagnie aérienne ;
- l'annulation ou l'abrogation du visa ne s'imposant pas, le tribunal ne pouvait légalement retenir ce motif comme une circonstance atténuante justifiant une modulation du montant de l'amende.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2023, la compagnie nationale Royal Air Maroc conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.
Par une ordonnance du 16 mars 2023, l'instruction a été rouverte et la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mars 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 31 décembre 2018, le ministre de l'intérieur a infligé à la compagnie Royal Air Maroc une amende de 10 000 euros pour avoir, le 30 septembre 2018, débarqué sur le territoire français une passagère du vol AT 666 de nationalité marocaine, en provenance de Tanger, démunie de visa valable. Par un jugement du 16 décembre 2021, dont le ministre de l'intérieur fait appel, le tribunal administratif de Paris a ramené le montant de la sanction ainsi prononcée à la somme de 5 000 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues. " Aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10 000 € l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un Etat avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité. (...). " Aux termes de l'article L. 625-5 du même code alors en vigueur : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1 et L. 625-4 ne sont pas infligées : / (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. "
3. D'une part, il résulte des dispositions précitées des articles L. 625-1 et L. 625-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les irrégularités manifestes qu'il appartient au transporteur de déceler sous peine d'amende, au moment de l'embarquement, lors du contrôle des documents requis, sont celles susceptibles d'apparaître à l'occasion d'un examen normalement attentif de ces documents par un agent du transporteur.
4. D'autre part, il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
5. Il est constant que le passeport présenté par la passagère comportait un visa valable pour la période du 11 juin 2018 au 10 juin 2020 permettant des entrées multiples pour une durée maximale de 90 jours par période de 180 jours. Cependant, l'examen de ce document permettait de constater un séjour dans l'espace Schengen du 20 juin 2018 au 23 septembre 2018, soit 96 jours. L'intéressée avait donc, lorsqu'elle a débarqué à Orly le 30 septembre 2018, dépassé la durée de séjour autorisée de 90 jours au cours des 180 derniers jours.
6. Pour autant, les dispositions des articles 21, 32 et 34 du règlement (CE) 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 n'imposaient nullement aux autorités responsables d'abroger le visa de la passagère marocaine, lequel était encore valable jusqu'au 10 juin 2020. Par suite, en l'absence d'une telle obligation, et de toute autre circonstance invoquée en première instance par la compagnie nationale Royal Air Maroc de nature à justifier la réduction de l'amende en litige, le fait qu'aucun droit de chancellerie n'ait été mis à la charge de l'intéressée pour avoir dépassé son droit au séjour étant sans incidence, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a ramené le montant de l'amende infligée à la compagnie nationale Royal Air Maroc de 10 000 à 5 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la compagnie nationale Royal Air Maroc, la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1904022/3-2 du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a réduit le montant de l'amende prononcée à la somme de 5 000 euros.
Article 2 : Les conclusions de la compagnie nationale Royal Air Maroc présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie nationale Royal Air Maroc et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- Mme B..., présidente-assesseur,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 avril 2023.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULe président,
M. A...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00583