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21/04/2023 | FRANCE | N°21PZ04976

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 avril 2023, 21PZ04976


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2008300 du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2013 à raison de la réduction d'impôt prévue à l'articl

e 199 undecies B du code général des impôts pour les investissements dans le secteur de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2008300 du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2013 à raison de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts pour les investissements dans le secteur de la production d'énergie renouvelable et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme B... d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 septembre et 23 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2008300 du 23 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à défaut pour l'administration de lui avoir communiqué la réponse de la direction nationale et du renseignement des enquêtes douanières, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme B... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Drié, concluent au rejet de la requête et demandent que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le moyen soulevé par le ministre n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont porté, dans leur déclaration de revenus souscrite au titre de l'année 2013, le montant de la réduction d'impôt dont ils pensaient pouvoir bénéficier à raison d'investissements réalisés par les sociétés par actions simplifiée (SAS) Begonia, Bellevalia et Bidens, dont ils étaient associés, consistant en l'acquisition par ces sociétés d'éoliennes données à bail à des sociétés établies en Guyane chargée d'en assurer l'exploitation. A l'issue du contrôle sur pièces de la déclaration de M. et Mme B..., l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt dont ils avaient ainsi entendu bénéficier en faisant valoir qu'à défaut pour les éoliennes d'avoir été livrées et raccordées au réseau électrique, ces investissements ne pouvaient pas être regardés comme ayant été réalisés au sens du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Par un jugement du 23 juin 2021, le tribunal administratif a fait droit à la demande de M. et Mme B... tendant à la décharge de ces impositions et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'intéressé de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2012 en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer [...], dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 ". Aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé [...] ". L'article 95 Q de l'annexe II à ce code dans sa rédaction applicable en l'espèce dispose : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article, au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail [...] ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer concerné. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition d'éoliennes données en location à des sociétés locales en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement de ces installations au réseau public d'électricité, dès lors que les éoliennes, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite être productives de revenus qu'à compter de cette date.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque l'administration fonde les rectifications envisagées sur plusieurs motifs distincts et autonomes, le défaut de communication des informations utilisées pour établir l'un de ces motifs n'est pas de nature à entacher d'irrégularité, dans son ensemble, la procédure d'imposition, dès lors qu'elle a bien communiqué les informations concernant les motifs justifiant à eux-seuls l'imposition.

5. Il ressort des mentions de la proposition de rectification du 8 décembre 2016, adressée à M. et Mme B..., que, pour remettre en cause le bénéfice de la réduction d'impôt au titre des dispositions de l'article 199 undecies B du code pour l'année 2013, l'administration, après avoir rappelé que le bénéfice de la réduction d'impôt n'était accordée que si l'installation de production d'énergie était productive, c'est-à-dire raccordée au réseau EDF par le dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement au 31 décembre de l'année au titre de laquelle le bénéfice de la réduction d'impôt est demandé, a précisé qu'un droit de communication avait été exercé auprès de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et que ce service avait répondu, le 3 mai 2016, qu'aucune des SAS Begonia, Bellevalia et Bidens n'avait procédé à l'importation d'éolienne en Guyane pour la période allant de janvier 2013 à avril 2016. Un autre droit de communication a été exercé auprès d'EDF afin de vérifier si ces mêmes sociétés, ou les sociétés exploitantes EURL Sasa, Semele et Sesbania avaient déposé une demande de raccordement au réseau pour une installation de production d'énergie éolienne. Par lettre du 29 avril 2016, EDF a répondu que les EURL Sasa, Semele et Desbania avaient bien déposé une demande de raccordements mais que celles-ci étaient restées sans suite et que les sites concernés n'étaient pas raccordés au réseau électrique.

6. En réponse à cette proposition de rectification du 8 décembre 2016, M. et Mme B... ont demandé au service, dans les observations qu'ils ont formulées le 19 décembre 2016, " la communication des documents obtenus dans le cadre des droits de communication exercés auprès d'EDF Guyane et de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ". Or, dans la réponse aux observations du contribuable qui lui a été adressée le 12 octobre 2017, l'administration a transmis le droit de communication effectué auprès d'EDF et la réponse de l'opérateur, mais s'est abstenue d'y joindre l'attestation d'architecte du 13 décembre 2013 jointe à la réponse d'EDF et qu'elle mentionne dans la proposition de rectification.

7. Toutefois, il ressort des termes de la proposition de rectification du 8 décembre 2016 que l'administration a fondé la rectification en litige sur deux motifs distincts et autonomes, l'un tiré de ce que les SAS Begonia, Bellevalia et Bidens n'avaient pas procédé à l'importation d'éolienne en Guyane en 2013, l'autre tiré de ce qu'à la date du 31 décembre 2013, aucun dossier de demande n'avait été déposé auprès d'EDF Guyane en vue de leur raccordement au réseau électrique. Le premier de ces deux motifs suffisait pour que les investissements litigieux ne puissent pas être regardés comme réalisés à cette date et, dès lors, pour fonder l'imposition litigieuse. Ainsi, et en tout état de cause la circonstance que l'administration fiscale n'ait pas communiqué à M. et Mme B... l'attestation d'architecte jointe à la réponse faite par EDF à la demande de communication du service n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité dès lors qu'il n'est pas contesté que l'administration lui avait communiqué les documents utilisés pour établir le motif tenant à l'absence d'importation en Guyane d'éoliennes par les SAS Begonia, Bellevalia et Bidens et justifiant, à lui seul, la remise en cause du principe même de la réduction d'impôt en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de ce que la méconnaissance par l'administration fiscale de l'obligation de communication fixée à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales pour prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2013 à raison de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du CGI pour les investissements dans le secteur de la production d'énergie renouvelable.

9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur l'application de la loi fiscale :

10. Il résulte de l'instruction, notamment des renseignements obtenus par l'administration auprès de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières que les SA Begonia Bellevalia et Bidens n'ont pas importé d'éoliennes en 2013. Si M. et Mme B... font valoir que c'est la société France Energie Finances Guyane, chargée du suivi de la réalisation des investissements, qui a confié l'importation des éoliennes au transitaire en douanes, la société CTS, et qu'un constat d'huissier atteste de la présence des éoliennes sur le sol guyanais au 31 décembre 2013, ils n'apportent aucune pièce justificative à l'appui de leurs allégations. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et sans ajouter à la loi, que l'administration a estimé que l'investissement déclaré par M. et Mme B... n'avait pas été effectivement réalisé au cours de l'année 2013 et a, en conséquence, remis en cause la réduction d'impôt à laquelle M. et Mme B... pensaient pouvoir prétendre.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

11. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

12. M. et Mme B... soutiennent qu'en retenant, pour déterminer le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B, la date du raccordement des éoliennes au réseau électrique au lieu de celle de leur livraison en Guyane, l'administration a méconnu les prescriptions du formulaire n° 2041-GE portant notice pour remplir la déclaration 2042-IOM et celles du paragraphe n° 148 de l'instruction 5 B-2-07 du 30 janvier 2007. Un tel moyen, dirigé contre un motif sur lequel l'administration fiscale ne pouvait plus fonder l'imposition contestée pour les raisons énoncées aux points 4 à 6 ci-dessus, est inopérant. En tout état de cause, cette déclaration et cette instruction ne comportant aucune interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application, M. et Mme B... ne sont pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

13. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2013 à raison de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du CGI pour les investissements dans le secteur de la production d'énergie renouvelable.

14. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme B... doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2008300 du 23 juin 2021 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme A... B....

Copie en sera adressée, pour information, au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.

La rapporteure,

C. C...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04976 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PZ04976
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SELAS DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-21;21pz04976 ?
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