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21/04/2023 | FRANCE | N°21PZ04785

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 21 avril 2023, 21PZ04785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1915510 du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Drié, demandent à la Cou

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1°) d'annuler le jugement n° 1915510 du 23 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1915510 du 23 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Drié, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915510 du 23 juin 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration a méconnu les obligations qui sont les siennes en vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en ne lui communiquant pas tous les documents reçus d'EDF et sur lesquels elle a fondé ses redressements ;

- ils sont éligibles au dispositif de réduction d'impôt prévu par l'article 199 undecies B, ainsi que cela ressort des travaux parlementaires, des énonciations de la doctrine 5-B-2-07 du 30 janvier 2007 et du formulaire n° 2041-GE accompagnant la déclaration n° 2042-IOM ;

- l'administration fonde les rehaussements sur des jurisprudences et des réponses ministérielles postérieures à la date de l'investissement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D... ont porté, dans leur déclaration de revenus souscrite au titre de l'année 2012, le montant de la réduction d'impôt dont ils pensaient pouvoir bénéficier à raison d'investissements réalisés par les sociétés par actions simplifiée (SAS) Chicorée, Cocotier et Cole, dont ils étaient associés, consistant en l'acquisition par ces sociétés d'éoliennes données à bail à une société établie en Guyane chargée d'en assurer l'exploitation. A l'issue du contrôle sur pièces de la déclaration de M. et Mme D..., l'administration fiscale a remis en cause la réduction d'impôt dont ils avaient ainsi entendu bénéficier. Par un jugement du 23 juin 2021, le tribunal administratif a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 en conséquence de la reprise de cette réduction d'impôt et des pénalités correspondantes. M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

3. Il ressort des mentions de la proposition de rectification du 26 novembre 2015 adressée à M. et Mme D... que, pour remettre en cause le bénéfice de la réduction d'impôt au titre des dispositions de l'article 199 undecies B du code pour l'année 2013, l'administration, après avoir rappelé que le bénéfice de la réduction d'impôt n'était accordé que si l'installation de production d'énergie était productive c'est-à-dire raccordée au réseau EDF par le dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement au 31 décembre de l'année au titre de laquelle le bénéfice de la réduction d'impôt est demandé, a précisé qu'un droit de communication avait été exercé auprès de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et que ce service avait répondu, le 17 juillet 2015, qu'aucune des sociétés par actions simplifiées (SAS) Chicorée, Cocotier et Cole n'avait procédé à l'importation d'étolienne en Guyane pendant les années 2012 à 2015. Un autre droit de communication a été exercé auprès d'EDF afin de vérifier si, notamment, ces mêmes sociétés avaient déposé une demande de raccordement au réseau pour une installation de production d'énergie éolienne. Par courrier du 9 septembre 2015, EDF a fourni la liste des sociétés ayant déposé un dossier de demande, dont les SAS Chicorée, Cocotier et Cole ne font pas partie.

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a joint à sa réponse aux observations du contribuable du 24 juin 2016, antérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses, les demandes qu'elle a présentées, s'agissant des SAS Chicorée, Cocotier et Cole, auprès de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et de la société Electricité de France Guyane ainsi que les réponses apportées, respectivement, les 17 juillet et 9 septembre 2015. Il ressort de cette dernière réponse qu'aucune de ces sociétés n'avait déposé de demande de raccordement.

5. S'il est vrai que, comme le font valoir M. et Mme D... pour la première fois en appel, dans la réponse aux observations du contribuable, contrairement à ce qu'elle a relevé dans la proposition de rectification en cohérence avec la réponse d'EDF, l'administration indique que les sociétés concernées ont déposé une demande de raccordement le 17 janvier 2014, cela ne ressort ni de la réponse d'EDF du 11 septembre 2015, ni de la lettre, annexés à cette réponse, qui a été adressée le 22 avril 2014 à M. C... B..., alors vice-président de la société France Energie Finances Guyane, dans laquelle EDF dresse la liste des 24 demandes déposées le 17 janvier 2014. M. et Mme D... n'établissent pas ni même n'allèguent que, face à cette contradiction entre, d'un côté, les énoncés de la proposition de rectification et le contenu des documents produits par EDF, dont ils ne contestent pas l'authenticité ni de discutent de la teneur et, de l'autre, les énoncés de la réponse aux observations du contribuable, ils auraient demandé au service des éclaircissements et, le cas échéant, la communication des documents mentionnés dans cette proposition.

6. Dans ces conditions, M. et Mme D... disposaient, dès réception de la proposition de rectification, des informations suffisantes pour présenter utilement des observations afin de contester l'imposition supplémentaire en litige, ce qu'ils ont d'ailleurs fait, et pouvaient également solliciter la communication de tout document supplémentaire. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'imposition en litige aurait été établie en violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ou en méconnaissance du principe de loyauté.

Sur le bien-fondé des impositions :

Sur l'application de la loi fiscale :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 2012 en litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer [...], dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 ". Aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé [...] ". L'article 95 Q de l'annexe II à ce code dans sa rédaction applicable en l'espèce dispose : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article, au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail [...] ".

8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer concerné. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition d'éoliennes données en location à des sociétés locales en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement de ces installations au réseau public d'électricité, dès lors que les éoliennes, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite être productives de revenus qu'à compter de cette date.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment des renseignements obtenus par l'administration auprès de la société EDF, qu'à la date du 31 décembre 2012, aucun dossier de demande de raccordement n'avait été présenté par les SAS Chicorée, Cocotier et Cole ou, pour leur compte, par la société France Energie Finances Guyane, dont le vice-président était M. C... B..., en sa qualité d'assistant à la maîtrise d'ouvrage, ou par toute autre personne mandatée à cet effet. Par suite, et dès lors qu'au 31 décembre de l'année en cause, l'investissement n'était pas en capacité d'être productif, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B du code général des impôts, et sans ajouter à la loi, que l'administration a estimé que l'investissement déclaré par M. et Mme D..., qui ne sauraient en tout état de cause se prévaloir des seules dates de livraison des éoliennes, n'avait pas été effectivement réalisé au cours de l'année 2012 et a, en conséquence, remis en cause la réduction d'impôt à laquelle M. et Mme D... pensaient pouvoir prétendre.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

11. D'une part, si M. et Mme D... soutiennent que l'administration a méconnu les prescriptions du formulaire n° 2041-GE portant notice pour remplir la déclaration 2042-IOM, il résulte de l'instruction que ce formulaire se borne à éclairer les contribuables dans l'accomplissement de leurs obligations déclaratives et ne comporte, ce faisant, aucune interprétation formelle de la loi fiscale.

12. D'autre part, M. et Mme D... invoquent les termes du paragraphe n° 148 de l'instruction 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, selon lesquels : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail ". Ces prévisions ont été reprises au paragraphe n° 1 de la doctrine publiée le 1er juin 2016 au bulletin officiel des impôts, sous la référence BOI-BIC-RICI-20-10-20-30.

13. Toutefois, cet extrait de doctrine, s'il fait référence à la notion de livraison, au sens du droit civil, de l'immobilisation faisant l'objet de l'investissement, ne saurait être lu en faisant abstraction des autres prévisions de l'instruction administrative dans laquelle il s'insère. Or, le paragraphe n° 22 de l'instruction 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 énonce que : " Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. / La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. / (...) ".

14. Il résulte des énonciations du paragraphe n° 22 de l'instruction 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 que la notion de livraison de l'immobilisation faisant l'objet de l'investissement, dont fait mention le paragraphe n° 148 de cette instruction, doit s'entendre de la livraison d'un moyen d'exploitation capable de fonctionner de manière autonome, c'est-à-dire en capacité d'être productif. Ainsi, le paragraphe n° 148 dont M. et Mme D... invoquent le bénéfice ne peut être regardé comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application. M. et Mme D... ne sont, par suite, pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée, pour information, au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 21 avril 2023.

La rapporteure,

C. E...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04785 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PZ04785
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SELAS DS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-21;21pz04785 ?
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