Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C..., puis, à la suite de son décès survenu le 19 février 2019, sa succession, ont demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes fiscales mises à sa charge.
Par un jugement n° 1719466 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 août 2020 et le 14 juin 2021, la succession de M. C..., représentée par Me Dinh, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1719466 du 12 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, à titre principal, de l'ensemble des impositions contestées, ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes fiscales, et à titre subsidiaire, de la fraction des impositions résultant de l'application du coefficient de 1,25 prévu par le 7. de l'article 158 du code général des impôts, ainsi que de l'ensemble des pénalités mises à la charge de M. C... ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La succession de M. C... soutient que :
- le jugement attaqué n'a pas suffisamment motivé ses motifs relatifs au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- les premiers juges ont méconnu leur office, dès lors qu'il leur appartenait de solliciter la production du document daté du 14 juin 1999 ;
- l'administration fiscale a méconnu l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- sa domiciliation fiscale n'a pas évolué entre la rédaction du document en cause et les années d'imposition en litige ;
- elle a méconnu le principe de sécurité juridique et son devoir de loyauté ;
- l'administration fiscale ne pouvait abroger une décision créatrice de droits au-delà du délai de quatre mois ;
- ce faisant, elle a commis un détournement de procédure ;
- l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par les dispositions du 7. de l'article 158 méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- sa situation est comparable à celle d'un contribuable relevant du régime micro-BNC ;
- il a déclaré ses revenus en respectant les termes du document daté du 14 juin 1999 ;
- l'application des majorations pour manœuvres frauduleuses et pour manquement délibéré méconnaît le principe d'individualisation des peines garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegardes des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'application de ces majorations n'est pas justifiée ;
- l'application de l'amende prévue par le IV de l'article 1736 du code général des impôts méconnaît le principe d'individualisation des peines.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 avril 2021 et le 22 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la succession de M. C... n'est fondé.
Par une ordonnance du 14 juin 2021, la clôture de l'instruction a été reportée en dernier lieu au 22 juin 2021.
Un mémoire a été produit pour la succession de M. C..., enregistré le 23 mars 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- et le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Dinh, avocat de la succession de M. C....
Une note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2023, a été produite pour la succession de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. L'administration fiscale a procédé, d'une part, à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. C..., et d'autre part, à la vérification de comptabilité de ses activités de créateur, styliste de mode, photographe de mode et de publicité, designer, décorateur d'intérieur, mannequin et artiste photographe. Par une ordonnance délivrée le 21 octobre 2013, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a autorisé l'administration fiscale à procéder, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, à des visites et des saisies, qui ont eu lieu le 22 octobre 2013, notamment dans divers locaux susceptibles d'être occupé par M. C.... A l'issue des opérations de contrôle, l'administration fiscale a mis à la charge de M. C... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, selon la procédure de rectification contradictoire, et dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, selon la procédure de taxation d'office. M. C... est décédé le 19 février 2019. La succession de M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. C... au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". A cet égard, si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens.
3. En l'espèce, les premiers juges ont suffisamment répondu, aux points 4 à 6 de leur jugement, au moyen tiré de ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait pris une position formelle, opposable en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, le bien-fondé de la réponse que les premiers juges ont apportée au moyen que la succession de M. C... avait ainsi fait valoir devant le tribunal administratif de Paris est sans incidence sur la régularité du jugement. La succession de M. C... n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier.
4. En second lieu, dans ses écritures de première instance, la succession de M. C..., qui s'est prévalue d'un document intitulé " note pour le ministre ", daté du 14 juin 1999, comportant des mentions manuscrites, signées du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, relatives à l'imposition à laquelle devait être soumis M. C..., soutenait que, par ces mentions manuscrites, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait pris une position formelle, opposable à l'administration fiscale, en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. La succession de M. C... soutient que les premiers juges auraient méconnu leur office dès lors qu'ils n'ont pas sollicité des parties la production de ce document. Toutefois, l'administration fiscale, après avoir indiqué, dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 12 décembre 2019, que, " lors d'une réunion qui s'est tenue dans les locaux de l'administration le 25 juillet 2019, Me Dinh a présenté au service une copie d'une note interne à la DGFIP pour le ministre, datée du 16 juin 1999, portant la mention manuscrite en cause, datée du 16 août 1999 ", a cité les mentions manuscrites en cause, ainsi qu'elle l'avait d'ailleurs déjà fait dans la décision du 15 septembre 2017 portant rejet de la réclamation de M. C.... Ces mentions manuscrites ont également été citées par M. C... dans sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 22 décembre 2017. Dans ces conditions, les premiers juges, qui ont statué au vu de l'ensemble des pièces du dossier, et alors d'ailleurs que la succession de M. C... a finalement été en mesure de produire le document en cause en annexe de ses écritures d'appel, n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en s'abstenant d'adresser une mesure d'instruction à l'une ou l'autre des parties aux fins de production de ce document. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur la résidence fiscale de M. C... au titre des années 2010 et 2011 :
5. Aux termes des dispositions de l'article 4 B du code général des impôts : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A / : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. ".
6. Pour l'application de ces dispositions, telles qu'éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 1976 modifiant les règles de territorialité et les conditions d'imposition des Français à l'étranger ainsi que d'autres personnes non domiciliées en France dont elles sont issues, le foyer d'un contribuable célibataire s'entend du lieu où il habite normalement et a le centre de sa vie personnelle, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles. Le lieu du séjour principal de ce contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où il ne dispose pas de foyer.
7. L'administration fiscale fait valoir que la SCI Invasix, laquelle était financée à partir des fonds propres de M. C..., a acquis trois appartements à Paris, respectivement en 2004, 2008 et 2010, et une maison à Louveciennes, en 2010, et que M. C..., célibataire au titre des années en litige, disposait gracieusement de l'un de ces appartements, ainsi qu'en attestent des rapports de gérance et des compte rendus de gestion des assemblées générales des copropriétaires établis en 2010, 2011 et 2012. A cet égard, elle a relevé que la présence habituelle de M. C... dans cet appartement était corroborée par l'utilisation régulière de lignes téléphoniques, la consommation régulière de gaz et d'électricité et l'emploi à temps plein en France, par la SCI Invasix, de cinq personnes attachées à son service personnel. Elle a également précisé que du papier à en-tête comportant les initiales de M. C... ainsi que des bons de livraison et des courriers mentionnant son nom et une adresse à Paris avaient été retrouvés dans deux de ces appartements au cours des opérations de visite et de saisie. Par ailleurs, elle a indiqué, d'une part, que l'examen du compte de M. C... ouvert auprès de la société American Express Carte France faisait état, au cours des années 2010 et 2011, de 461 dépenses personnelles en France, sur un total de 477 opérations, et d'autre part, que la très grande majorité des dépenses, réglées par un de ses employés, par le truchement d'un compte bancaire ouvert au nom de ce dernier, mais alimenté par des remises de chèques émanant de M. C..., avaient été réalisées en France. En se bornant à produire la carte de résident monégasque de M. C..., un certificat d'immatriculation d'un véhicule, émis par la principauté de Monaco, ainsi qu'une attestation d'assurance automobile, faisant état d'une adresse à Monaco, et un article de presse désignant Monaco comme " l'un de ses lieux de résidence ", la succession de M. C... ne remet pas utilement en cause les éléments dont se prévaut l'administration fiscale. Il suit de là que M. C... avait, au titre des années 2010 et 2011, son foyer en France, au sens des dispositions du a. de l'article 4 B du code général des impôts. Il était ainsi, au titre des années 2010 et 2011, passible de l'impôt sur le revenu en France.
Sur les droits générés par les mentions manuscrites apposées sur la note du 14 juin 1999, dont se prévaut la succession de M. C... :
8. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal [...] ".
9. Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.
10. La succession de M. C... se prévaut d'un document portant l'en-tête du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, intitulé " note pour le ministre ", daté du 14 juin 1999, dans lequel le directeur général des impôts fait état, d'une part, d'une réunion, tenue le 11 mai 1999, au cabinet du ministre, en présence du conseil de M. C..., afin de " trouver un règlement d'ensemble à la situation fiscale de M. C... depuis 1982 " et de " conduire à définir les principes applicables à la détermination des revenus de M. C... imposables en France à l'avenir ", d'autre part d'une nouvelle réunion, tenue le 28 mai 1999, qui " a permis au conseil [de M. C...] de présenter une attestation des commissaires aux comptes et de faire état de ses derniers calculs ". Cette note conclut que " l'analyse des derniers éléments chiffrés produits par le conseil conduit néanmoins à rejeter sa proposition tendant à adopter sur les années au titre desquelles M. A... C... a été domicilié en France, la même méthode que celle utilisée sur les années au titre desquelles il doit être considéré comme non-résident ". Des annotations manuscrites, apposées au bas de cette note, signées de la main du ministre, recommandent d'" appliquer à l'ensemble des années contrôlées la solution proposée pour 94 et 95 (48 %) ", de " plafonner les pénalités à 25 % pour les années 82 à 84 et 92 à 95 et à 10 % pour les années suivantes " et d' " appliquer la même règle d'assiette pour l'avenir, sauf changement de situation ".
11. La succession de M. C... soutient, d'une part, que ce document a pour objet de trancher une discussion quant à la résidence fiscale de l'intéressé, dans le cadre d'un différend opposant les services fiscaux à M. C..., et d'autre part que ce document doit être lu à la lumière de différentes notes alors rédigées au sein des services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, à savoir en particulier, des notes d'un chargé de mission au secrétariat d'Etat au budget en date du 5 octobre 1998, du 3 juin 1999 et du 6 août 1999, ainsi que deux documents manuscrits. Elle en déduit que le document en cause doit être regardé comme contenant une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait, qui consisterait selon elle, en particulier, à ne pas tenir compte de la résidence fiscale effective de M. C... pour fixer son assiette d'imposition. Toutefois, ce document se borne, par les annotations manuscrites qu'il comporte, à préconiser de réduire l'assiette d'imposition de M. C... ainsi que les pénalités alors mises à sa charge au titre d'années d'imposition antérieures, et à " appliquer la même règle d'assiette pour l'avenir, sauf changement de situation ", sans préciser les motifs pour lesquels une réduction, tant des impositions et des pénalités alors mises à la charge de M. C... que des impositions futures pouvant être dues par l'intéressé, a ainsi été recommandée, ni indiquer davantage sur le fondement de quel texte fiscal une telle réduction pourrait être justifiée. Dès lors, le document en cause ne prend pas position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, la circonstance que le document en cause mentionne notamment les années 1982 à 1984, années au titre desquelles le tribunal administratif de Nice avait rejeté les demandes de décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. C..., ne permet pas de déduire que le ministre aurait pris une position formelle dans ce document. Enfin, si la succession de M. C... soutient que la domiciliation fiscale de l'intéressé n'a pas évolué entre la rédaction du document en cause et les années d'imposition en litige, cette circonstance est sans incidence dès lors que ce document ne comporte, ainsi qu'il a été dit précédemment, aucune prise de position formelle, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Par suite, la succession de M. C... n'est pas fondée à soutenir que les impositions en litige méconnaîtraient une prise de position formelle, opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
12. En deuxième lieu, eu égard à la teneur des mentions portées sur le document analysé au point précédent, l'administration fiscale ne saurait être regardée comme ayant pris une décision créatrice de droits au titre des années 2010 et 2011 qu'elle aurait abrogée en mettant à la charge de M. C... les impositions et pénalités en litige. Dès lors, le moyen doit être écarté.
13. En troisième lieu, dès lors que M. C... n'avait aucun droit, du seul fait du document mentionné au point 10, au maintien des modalités d'imposition de ses revenus préconisées par les annotations manuscrites qu'il comporte, la succession de M. C... ne peut soutenir que l'administration fiscale aurait, en mettant à sa charge les impositions en litige, méconnu le principe de sécurité juridique ou son devoir de loyauté. En particulier, la méconnaissance du devoir de loyauté alléguée par la succession de M. C... ne saurait résulter de la circonstance que l'administration fiscale n'aurait pas informé le juge des libertés et de la détention de la teneur de ce document ni de la circonstance qu'aucune poursuite pénale n'a été mise en œuvre à son encontre. Par suite, le moyen doit être écarté, dans ses diverses branches.
14. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale aurait commis un détournement de procédure en mettant à la charge de M. C... les impositions et pénalités en litige.
Sur l'application du coefficient de 1,25 prévu par le 7. de l'article 158 du code général des impôts :
15. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 158 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " [...] 7. Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / 1° Aux titulaires de revenus passibles de l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d'imposition : / a) Qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion ou association agréés définis aux articles 1649 quater C à 1649 quater H, à l'exclusion des membres d'un groupement ou d'une société mentionnés aux articles 8 à 8 quinquies et des conjoints exploitants agricoles de fonds séparés ou associés d'une même société ou groupement adhérant à l'un de ces organismes [...] ".
16. L'administration fiscale a appliqué à l'assiette des bénéfices non commerciaux qu'elle a regardés comme ayant été perçus par M. C... le coefficient multiplicateur de 1,25 prévu par les dispositions du 7. de l'article 158 du code général des impôts, eu égard à l'absence d'adhésion à un centre de gestion ou association agréés définis aux articles 1649 quater C à 1649 quater H du même code. Contrairement à ce que soutient la succession de M. C..., ses revenus non commerciaux excédaient largement le seuil mentionné à l'article 102 ter du code général des impôts, de sorte que, soumis à un régime réel d'imposition, ses bénéfices non commerciaux devaient être multipliés, en cas d'absence, non contestée en l'espèce, d'adhésion à un centre de gestion ou association agréés définis aux articles 1649 quater C à 1649 quater H du code général des impôts, par le coefficient prévu par les dispositions du 7. de l'article 158 du code général des impôts. Par suite, le moyen doit être écarté.
17. En second lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle [...]. / 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ".
18. Si la succession de M. C... soutient que l'application du coefficient prévu par les dispositions du 7. de l'article 158 du code général des impôts méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce coefficient ne résulte ni d'une accusation en matière pénale ni d'une contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil et n'institue ni une incrimination, ni une peine, ni une sanction. A cet égard, si la succession de M. C... relève que l'intéressé avait déposé des déclarations de revenus non commerciaux au titre des années 2010 et 2011 en respectant, selon elle, les termes du document mentionné au point 10 du présent arrêt, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, conférer à l'application du coefficient prévu par les dispositions du 7. de l'article 158 du code général des impôts le caractère d'une sanction, alors d'ailleurs qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait " refusé " d'enregistrer ses déclarations de revenus non commerciaux au titre des années 2010 et 2011. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur les pénalités prévues par le a. et le c. de l'article 1729 du code général des impôts :
19. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / [...] c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ".
20. L'administration fiscale a assorti les impositions supplémentaires mises à la charge de M. C... à raison de la perception de revenus d'origine indéterminée de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts. Elle a également assorti les impositions supplémentaires mises à la charge de M. C... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux de la majoration de 80 % prévue par le c. de l'article 1729 du code général des impôts. Pour justifier l'ensemble de ces majorations, l'administration fiscale fait valoir que M. C... a cherché à dissimuler l'effectivité de sa résidence fiscale en France. Elle a relevé, en particulier, que l'intéressé était détenteur, de manière indirecte, de la SCI Invasix, propriétaire des biens parisiens dont il avait la disposition, sous couvert de la société Ilvaseven LLC, basée dans l'état du Delaware (Etats-Unis), elle-même détenue par la société Perso Holding NV, basée à Curaçao, dont il était l'ayant droit. Elle a également indiqué que M. C... a cherché à dissimuler ses dépenses quotidiennes réalisées en France, en évitant de détenir des comptes bancaires en France et en confiant à son secrétaire particulier le règlement de ses dépenses à partir d'un compte ouvert à son nom en France, mais alimenté par lui-même, depuis ses comptes bancaires ouverts à Monaco.
21. Par ailleurs, pour appliquer la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. C... à raison de la perception de revenus d'origine indéterminée, l'administration fiscale a ajouté que la fondation Stiftung zur Erhaltung europäischen Kulturgutes, basée au Liechtenstein, dont M. C... est le fondateur, lui a versé en 2010 et en 2011 diverses sommes, dont il ne pouvait ignorer, en sa qualité de fondateur de cette fondation administrée par son comptable personnel, qu'elles étaient imposables en France.
22. Enfin, pour appliquer la majoration de 80 % prévue par le c. de l'article 1729 du code général des impôts aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. C... dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, l'administration fiscale a également relevé que, d'une part, M. C... avait omis de déclarer plus de 80 % des revenus effectivement perçus, et d'autre part, qu'il avait perçu les recettes de ses activités exercées à titre individuel sur des comptes bancaires étrangers, sans les déclarer, ou par le biais de structures étrangères, et qu'il détenait indirectement ces structures, à partir de structures elles-mêmes situées dans des pays ou territoires non coopératifs en matières d'échanges de renseignements de nature fiscale.
23. Pour contester l'application des majorations ainsi mises à sa charge, la succession de M. C... se borne à arguer du respect des conditions d'imposition mentionnées dans le document mentionné au point 10 du présent arrêt et de la circonstance que l'administration n'avait, jusqu'à la notification des redressements en litige, jamais remis en cause les revenus déclarés selon elle sur cette base. Toutefois, l'administration fiscale a établi que M. C... avait, d'une part, cherché à dissimuler sa résidence fiscale en France, et d'autre part, et ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'il avait omis de déclarer une partie significative - à hauteur, en particulier, de plus de 80 % des bénéfices non commerciaux perçus, soit une part excédant très largement, en tout état de cause, toute interprétation envisageable du document mentionné au point 10 - de ses revenus, en faisant usage des procédés décrits précédemment. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a assorti, d'une part, les cotisations d'impôt sur les revenus mis à la charge de M. C... dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée de la majoration prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, et d'autre part, les cotisations d'impôt sur les revenus mis à sa charge dans la catégorie des bénéfices non commerciaux de la majoration prévue par les dispositions du c. de l'article 1729 du code général des impôts.
24. En second lieu, les pénalités fiscales, qui présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice, constituent, même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative, des " accusations en matière pénale " au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
25. Or, le principe de personnalité des peines découle du principe de la présomption d'innocence posé par les stipulations du paragraphe 2 de cette convention. Lorsqu'elle assortit des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'une majoration tendant à réprimer le comportement d'un contribuable, l'administration est tenue de respecter le principe de personnalité des peines, lequel s'oppose à ce qu'une sanction fiscale soit directement appliquée à une personne qui n'a pas pris part aux agissements que cette pénalité réprime.
26. En l'espèce, et eu égard aux éléments mentionnés aux points 20 à 23 du présent arrêt, l'administration fiscale, qui établit que M. C... a pris personnellement part aux agissements sanctionnés par les pénalités appliqués en l'espèce, n'a pas méconnu le principe de personnalité des peines prévu par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur les amendes prévues par le IV de l'article 1736 du code général des impôts :
27. Aux termes des dispositions du IV de l'article 1736 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré [...] ". Aux termes de l'article 1649 A du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " [...] Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger [...] ".
28. L'administration fiscale a infligé à M. C... l'amende de 1 500 euros prévue par le IV de l'article 1736 du code général des impôts à raison du défaut de déclaration de sept comptes bancaires enregistrés auprès d'établissements situés à l'étranger, qu'elle a mentionnés dans les propositions de rectification du 17 décembre 2013 et 30 janvier 2014. La succession de M. C... ne conteste pas que l'intéressé n'a pas respecté l'obligation de déclaration prévue par l'article 1649 A du code général des impôts au titre des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale lui a infligé l'amende prévue par le IV de l'article 1736 du même code. Si la succession de M. C... soutient que l'application de cette amende méconnaît le principe d'individualisation des peines, il n'est pas contesté que M. C... a pris personnellement part aux agissements sanctionnés par les amendes appliquées en l'espèce. Par suite, le moyen doit être écarté.
29. Il résulte de tout ce qui précède que la succession de M. C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la succession de M. C... demande au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la succession de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la succession de M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, où siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.
Le rapporteur,
K. B...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02160