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18/04/2023 | FRANCE | N°21PA03915

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 18 avril 2023, 21PA03915


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le président de la Polynésie française l'a déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions de président de l'autorité polynésienne de la concurrence, ainsi que l'arrêté du 3 août 2020 portant fin de ses fonctions en cette qualité.

Par un jugement n°2000483 du 11 mai 2021, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2021, et par un mémoire complémentair...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2020 par lequel le président de la Polynésie française l'a déclaré démissionnaire d'office de ses fonctions de président de l'autorité polynésienne de la concurrence, ainsi que l'arrêté du 3 août 2020 portant fin de ses fonctions en cette qualité.

Par un jugement n°2000483 du 11 mai 2021, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2021, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 20 août 2021, M. B..., représenté par la SCP Boulloche, avocat aux conseils, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du

11 mai 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du président de la Polynésie française du 31 juillet et du 3 août 2020, mentionnés ci-dessus ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que le jugement du tribunal administratif ait été signé conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- ce jugement est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 9 du même code ;

- la composition du collège ayant statué sur la procédure de démission d'office ne permettait pas de garantir l'impartialité de ses membres ;

- aucun dossier disciplinaire n'a été constitué ;

- les droits de la défense ont été méconnus, un nouveau grief, tiré d'un manquement au devoir de réserve, ayant été avancé à son encontre après la réunion du collège ;

- aucune violation de ses obligations déontologiques ne pouvait lui être reprochée, les dispositions de l'article A 610-2-1 du code de la concurrence de la Polynésie française n'étant pas encore entrées en vigueur à la date des faits qui lui sont reprochés ;

- ces faits n'étaient pas de nature à justifier sa démission d'office ;

- ils ne sont pas établis ;

- la sanction, dont il fait l'objet, est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2021, la Polynésie française, représentée par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux conseils, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 4 octobre 2021, M. B... conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 12 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

6 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de la concurrence de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Doumic-Seiller, pour la Polynésie française.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 juillet 2020, le président de la Polynésie française, saisi par un avis du collège de l'autorité polynésienne de la concurrence (APC) en date du 8 juin 2020, a déclaré M. B... démissionnaire d'office de ses fonctions de président de cette autorité, avant de mettre fin à ses fonctions par un arrêté du 3 août 2020. Par un jugement du 11 mai 2021, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. M. B... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et de la greffière. Ainsi, le moyen tiré de l'absence des signatures requises manque en fait.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés au soutien des moyens invoqués devant eux, ont expressément répondu au moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté du 31 juillet 2020 et de l'avis du collège de l'APC du 8 juin 2020, en estimant que cet arrêté et cet avis comportent l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, et au moyen tiré de l'absence de dossier disciplinaire, en relevant que M. B... a été en mesure de prendre connaissance de son dossier. Si M. B... a également fait état dans les développements des pages 9 et 12 de sa demande devant le tribunal administratif, consacrés aux moyens tirés du " défaut de motivation de l'avis émis par le collège de l'APC " le 8 juin 2020, et du " défaut de motivation de la décision portant démission d'office " du 31 juillet 2020, d'un grief nouveau, tiré d'un manquement à son devoir de réserve, retenu dans l'arrêté du 31 juillet 2020 après la réunion du collège, sans qu'il n'ait été invité à s'en expliquer, les développements de sa demande sur ce point ne peuvent être regardés comme contenant un moyen tiré d'une violation des droits de la défense auquel les premiers juges se seraient irrégulièrement abstenus de répondre. Ainsi, leur jugement est suffisamment motivé.

Sur la légalité des décisions attaquées :

4. Aux termes de l'article LP 610-4 du code de la concurrence de la Polynésie française, dans sa rédaction alors applicable : " Est déclaré démissionnaire d'office par le Président de la Polynésie française, sur proposition du collège, tout membre de l'Autorité qui se trouverait dans une des situations suivantes : (...) 4° S'il méconnaît les obligations résultant des II à IV de l'article LP 610-3 ". Aux termes de l'article LP 610-3 du même code : " (...) III.- Le président exerce ses fonctions à temps plein. Les autres membres du collège peuvent exercer leurs fonctions à temps partiel. Ils sont soumis aux règles d'incompatibilités prévues pour les emplois publics. / IV.- Un arrêté pris en conseil des ministres sur proposition de l'Autorité détermine les devoirs et obligations des membres du collège destinés à préserver la dignité et l'impartialité de leurs fonctions ainsi qu'à prévenir les conflits d'intérêts, et notamment : 1° Les règles de déontologie qui leur sont applicables, ainsi qu'aux agents des services de l'Autorité ; 2° Le devoir de réserve dans l'expression publique sur les questions susceptibles d'être étudiées par l'Autorité ; 3° La protection du secret des délibérations et des travaux de l'Autorité (...) ". Aux termes de l'article A 610-2-2 de ce code : " Lorsqu'il apparaît qu'un membre est dans l'une des situations prévues à l'article LP. 610-4 du code de la concurrence, le président de l'Autorité convoque le collège qui se réunit à huis-clos pour statuer sur la déclaration de démission d'office. / Si cette situation concerne le président, le membre le plus ancien et en cas d'égalité, le plus âgé, procède à cette convocation. / Le membre concerné est mis à même d'exposer son point de vue après avoir pris connaissance du dossier le concernant. / Les membres délibèrent à scrutin secret, hors de la présence de l'intéressé. Les votes blancs ou nuls ne sont pas pris en considération pour le calcul de la majorité. Dans le cas où le collège se prononce pour la démission d'office, conformément à l'article précité, il est proposé au Président de la Polynésie française par avis motivé de mettre fin aux fonctions de l'intéressé (...) ".

5. En premier lieu, il n'est pas contesté que, lors de sa réunion du 8 juin 2020, le collège de l'APC, qui comprenait notamment Mme A... H... et M. F... G..., était composé régulièrement au regard des dispositions du code de la concurrence de la Polynésie française. Contrairement à ce que M. B... soutient en appel, la participation de Mme H... et de M. G... à la décision de l'APC n° 2019-PAC-02 du

26 novembre 2019, qui avait auparavant mis fin à la procédure engagée dans l'affaire dite du " gardiennage ", n'est pas de nature à démontrer que la règle d'impartialité aurait été méconnue.

6. En deuxième lieu, il est constant que M. B... a, à sa demande, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article A 610-2-2 du code de la concurrence de la Polynésie française, eu communication à deux reprises, avant la réunion du collège de l'APC, du rapport de M. C..., membre le plus ancien de ce collège à qui il revenait, selon le même article, de procéder à sa convocation. S'il se plaint de " l'absence de tout dossier disciplinaire ", il ne fait état devant la Cour d'aucune pièce dont il n'aurait pu prendre connaissance. Le moyen qu'il tire d'un vice de procédure pour ce motif, doit donc être écarté.

7. En troisième lieu, si le collège de l'APC, dans son avis du 8 juin 2020, et le président de la Polynésie française, dans son arrêté du 31 juillet 2020, ont adjoint aux griefs avancés dans le rapport de M. C... daté du 22 mai précédent, un nouveau grief, tiré d'un manquement de M. B... à son devoir de réserve, du fait du " point presse " qu'il a tenu le 28 mai 2020 en évoquant la procédure de démission d'office, et si M. B... n'a pas été mis à même de présenter ses observations sur ce nouveau grief, les autres griefs retenus dans cet avis et cet arrêté, tirés de manquements au principe d'impartialité, étaient en tout état de cause suffisants pour fonder l'arrêté du 31 juillet 2020. Le moyen tiré d'une violation des droits de la défense pour ce motif doit donc être écarté.

8. En quatrième lieu, si M. B... soutient que les dispositions de l'article A 610-2-1 du code de la concurrence de la Polynésie française relatif aux devoirs et obligations des membres du collège de l'APC, issues de l'arrêté n° 2337 CM du 16 novembre 2018 dont l'article LP 610-3 du même code, cité ci-dessus, prévoyait l'adoption, n'étaient pas en vigueur à la date des faits sur lesquels le collège de l'APC et le président de la Polynésie française se sont fondés, il était en tout état de cause soumis au principe d'impartialité mentionné à l'article LP 610-3, qui figure d'ailleurs au nombre des principes généraux du droit. De plus, il ressort des termes mêmes de l'article LP 610-4 du même code, cité ci-dessus, que la méconnaissance de ce principe par un membre de l'Autorité est de nature à justifier qu'il soit déclaré démissionnaire d'office. Les moyens tirés d'erreurs de droit doivent donc être écartés.

9. En cinquième lieu, les moyens relatifs à la réalité des faits reprochés à M. B... et à la proportionnalité de la mesure de démission d'office, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 5 de leur jugement.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Polynésie française sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française, présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la Polynésie française.

Copie en sera délivrée à l'autorité polynésienne de la concurrence, au haut-commissaire de la République en Polynésie française et au ministre délégué chargé des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2023.

Le rapporteur,

J-C. E...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03915


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03915
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : SAS CABINET COLIN - STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-18;21pa03915 ?
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