Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles, lequel a transmis sa requête au tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance du 18 avril 2022, d'annuler l'arrêté du 4 février 2022 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2206050 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2022, M. A... B..., représenté par Me Lumbroso, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2206050 du 26 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2022 du préfet de l'Essonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour algérien dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de le munir, durant cet examen, d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle a été prise par une autorité incompétente pour ce faire ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- il entre dans les prévisions des stipulations des articles 3, 4, 6-1, 6-5, 6-6 et 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- il ne lui saurait être reproché de s'être maintenu en France de façon irrégulière dès lors que la frontière algérienne était fermée le 16 mai 2019 du fait de la pandémie, que ce pays refuse de délivrer des laisser-passer pour les personnes expulsées et qu'il n'a pas pu déposer de demande de demande de titre de séjour du fait de la crise sanitaire ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a obtenu aucune réponse à sa demande de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions des 1°) et 2°) de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est fondée sur une décision de refus de séjour illégale ;
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
- il justifie d'une résidence effective et permanente en France ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle a été prise par une autorité incompétente pour ce faire ;
- elle est inexistante dès lors que la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde est tacite ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle n'est pas motivée.
La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 4 février 2022, le préfet de l'Essonne a fait obligation à M. B..., ressortissant algérien né en 1964, de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trois ans. M. B... relève appel du jugement du 26 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du défaut de motivation de la décision contestée par adoption des motifs retenus respectivement aux points 2 et 3 du jugement contesté.
3. Il ne ressort pas des mentions de la décision contestée qu'elle serait entachée d'un défaut d'examen.
4. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 sont dépourvus de toute précision permettant d'en apprécier la portée.
5. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en
France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa
vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / 6) au ressortissant algérien né en France, qui justifie par tout moyen y avoir résidé pendant
au moins huit ans de façon continue, et suivi, après l'âge de dix ans, une scolarité d'au
moins cinq ans dans un établissement scolaire français, à la condition qu'il fasse sa
demande entre l'âge de seize ans et vingt-et-un ans ; / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ".
6. M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision méconnait les stipulations de l'article 6 précité, que ce soit celles du 1), les signalements ponctuels émis par les services de police ne permettant pas d'établir qu'il réside en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée, celles du 5) dès lors qu'il est célibataire, sans enfant et qu'il n'établit pas la nécessité de rester auprès des membres de sa famille qui vivent en France, celles du 6) du fait de sa naissance en Algérie ou enfin celles du 7) en l'absence de tout élément sur les pathologies dont il souffre, l'intéressé ayant au demeurant déclaré, lors de son audition par les services de police le 26 janvier 2022, qu'il était en bonne santé.
7. Aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; ". Il ressort des pièces du dossier et des déclarations de M. B... lors de son audition par les services de police qu'il a été titulaire d'un titre de séjour dont il n'a pas demandé le renouvellement. Il entrait ainsi dans les prévisions de l'article L. 611-1 du code précité et le préfet de l'Essonne a pu à bon droit lui opposer le motif tiré de son maintien en France sans être titulaire d'un titre de séjour, sans qu'y fassent obstacle les difficultés d'entrée sur le territoire algérien ou l'impossibilité alléguée de demander un titre de séjour. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas fondé à se prévaloir de la circonstance qu'il n'aurait pas reçu de réponse à une telle demande.
8. Lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel ne prescrit pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laisse à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 à l'encontre d'une mesure d'éloignement alors qu'il n'avait pas au demeurant présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre.
9. La décision contestée n'étant pas une mesure d'expulsion, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 521-3 du code précité, au demeurant abrogées à compter du 1er mai 2021 par l'ordonnance n° 2020-1763 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code précité, au demeurant abrogées à compter du 1er mai 2021 par l'ordonnance citée au point précédent, est en tout état de cause dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier la portée.
11. M. B... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une décision d'éloignement, laquelle ne fixe pas de pays de destination.
12. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par adoption des motifs retenus au point 7 du jugement contesté.
13. La décision n'étant pas fondée sur une décision de refus de séjour, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité affectant cette décision.
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
14. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-1 du même code : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; ". Il ressort des mentions de la décision contestée que M. B... s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement et qu'il représente une menace à l'ordre public. Le préfet de l'Essonne pouvait dès lors à bon droit refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, quand bien même des membres de sa famille attestent, au demeurant postérieurement à la décision, le prendre en charge.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
15. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté pour le même motif que celui rappelé au point 2 du présent arrêt.
16. Le préfet pouvait légalement prendre la décision contestée quand bien même aucun refus de séjour n'a été opposé à l'intéressé.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
17. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Les même les dispositions de l'article L.612-10 du même code prévoient que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
18. Pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 14 du jugement contesté, le préfet a pu à bon droit prendre la décision contestée, laquelle, en mentionnant qu'il est entré en France en 1970 selon ses déclarations, qu'il est célibataire, qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire le 16 mai 2019, qu'il s'est soustrait à une mesure d'éloignement et que son comportement trouble l'ordre public, est suffisamment motivée, M. B... ayant au demeurant déclaré, ainsi qu'il a été dit plus haut, qu'il était en bonne santé.
19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2023.
Le rapporteur, Le président,
J.-F. C... J. LAPOUZADE
La greffière
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03656